Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Mayotte Channel Gateway a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2018 par lequel le préfet de Mayotte l'a notamment mise en demeure de rétablir dans un délai de trois mois les écoulements naturels sur le remblai de la zone humide autorisé par un arrêté du 22 juillet 2003 en réalisant les aménagements figurant sur un plan annexé, ainsi que de procéder au rétablissement provisoire de l'écoulement naturel dans un délai de 15 jours. Elle a également demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 3 août 2018 du préfet de Mayotte portant consignation de la somme de 2 400 000 euros.
Par un jugement n° 1800442, 1801279 du 25 octobre 2021, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté les demandes de la société Mayotte Channel Gateway.
Procédure devant la cour :
Par une requête et quatre mémoires enregistrés les 22 novembre 2021, 16 décembre 2021, 12 septembre 2023, 21 décembre 2023 et 5 janvier 2024, la société Mayotte Channel Gateway, représentée par Me Jorion, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 2018-03-DEAL-SEPR du 3 janvier 2018 par lequel le préfet de Mayotte a décidé la mise en demeure de la société Mayotte Channel Gateway ;
3°) d'annuler l'arrêté n° 2018-219-DEAL-SEPR du 3 août 2018 du préfet de Mayotte portant consignation d'une somme de 2 400 000 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a exécuté entièrement les travaux imposés par la mise en demeure, ainsi qu'il ressort d'un rapport de conformité qui lui a été transmis par la DREAL le 19 décembre 2023 ;
- l'arrêté du 3 janvier 2018 est illégal en ce que :
o il a été pris par une autorité incompétente ;
o il est entaché d'un vice de procédure en raison de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que la société Mayotte Channel Gateway n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour formuler des observations sur le projet de mise en demeure ;
o il constitue un retrait d'une décision implicite d'acceptation d'une demande de la société Mayotte Channel Gateway de modifier le périmètre de l'arrêté, ce retrait étant illégal car réalisé plus de quatre mois après la décision tacite de modification du périmètre de l'arrêté du 22 juillet 2003 ;
o il est entaché de plusieurs erreurs de fait, en l'absence de caractère naturel de l'écoulement de l'eau et d'interruption de l'écoulement justifiant de le rétablir ;
o il méconnait les règles de protection du domaine public, dès lors qu'il implique de modifier le domaine public portuaire auquel la plateforme en cause appartient et qu'aucune servitude légale n'est opposable au domaine public ; l'écoulement des eaux imposé par le préfet est en outre incompatible avec l'affectation du domaine public portuaire ; des solutions alternatives moins coûteuses existent et permettent d'éviter de modifier la plateforme logistique portuaire ;
o il méconnait les dispositions de l'article L. 216-6 du code de l'environnement dès lors que la réalisation des travaux imposés à la société Mayotte Channel Gateway autoriserait le rejet en mer d'eaux polluées par l'activité d'une autre entreprise, la société Électricité de Mayotte, qui rejette des eaux pluviales, industrielles et domestiques ;
o il ne pouvait pas imposer à la société Mayotte Channel Gateway la réalisation des travaux en faisant référence aux aménagements figurant sur le plan annexé à l'arrêté du 22 juillet 2003 et détaillés dans l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation du 22 avril 2003, dès lors que cette étude d'impact n'est pas prescriptive et identifie deux solutions pour le rejet des eaux ; le préfet n'a pas pris en compte la modification de la situation de fait, la société Électricité de Mayotte ayant réalisé deux ouvrages destinés à recueillir l'eau des bassins versants, l'écoulement des eaux sur la plateforme logistique n'étant plus utile ;
o l'obligation mise à la charge de la société Mayotte Channel Gateway est disproportionnée, le rétablissement de l'écoulement de l'eau impliquant un coût de 6 à 16 millions d'euros selon la solution mise en œuvre ;
o le délai de quinze jours imparti à la société Mayotte Channel Gateway pour rétablir l'écoulement des eaux pluviales est insuffisant ;
- l'arrêté du 3 août 2018 engageant une procédure de consignation de la somme de 2 400 000 euros est illégal :
o par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 3 janvier 2018 ;
o dans la mesure où les travaux ont été réalisés.
Par deux mémoires enregistrés le 20 août 2023 et le 28 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sébastien Ellie ;
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;
- et les observations de Me Jorion représentant la société Mayotte Channel Gateway.
Considérant ce qui suit :
1. Le département de Mayotte a été autorisé, par un arrêté du préfet de Mayotte du 22 juillet 2003, à réaliser en qualité de maître d'ouvrage des travaux d'extension du port de Longoni situé sur la commune de Koungou consistant en la réalisation d'un terminal à conteneurs et d'un deuxième quai, par la création d'un terre-plein sur 3 hectares, la mise en place de remblais, le dragage du milieu marin et enfin un remblai sur 4 hectares d'une zone humide située au Nord du port. La société Mayotte Channel Gateway a été désignée délégataire du service public pour l'exploitation du port de Longoni par le département de Mayotte, depuis le 1er novembre 2013, et a réalisé en 2017 une nouvelle plateforme logistique sur le remblai de zone humide autorisé par l'arrêté du 22 juillet 2003. Par un arrêté du 3 janvier 2018, le préfet de Mayotte, ayant constaté que les travaux réalisés n'étaient pas conformes au dossier de demande lequel comportait des mesures de gestion des eaux pluviales, et qu'ils créaient un risque important d'inondation notamment de la route nationale n° 1, a mis en demeure la société de rétablir dans un délai de trois mois " les écoulements naturels sur la plateforme aménagée sur le remblai de la zone humide autorisé à l'article 1 de l'arrêté du 22 juillet 2003 susvisé en réalisant les aménagements figurant sur le plan annexé à cet arrêté et détaillés au chapitre 4.2.1 de l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation du 22 avril 2003 ". Ce même arrêté a également imposé à la société Mayotte Channel Gateway de rétablir provisoirement dans un délai de 15 jours l'écoulement des eaux pluviales. Par un arrêté du 3 août 2018, le préfet a engagé une procédure de consignation d'un montant de 2 400 000 euros à l'encontre de la société Mayotte Channel Gateway. Cette dernière demande à la cour d'annuler le jugement du 25 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du préfet de Mayotte.
2. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " I.-Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine (...)
II.-Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : 1° Obliger la personne mise en demeure à consigner entre les mains d'un comptable public avant une date déterminée par l'autorité administrative une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser (...) ".
3. Il résulte des dispositions de l'article L. 171-11 du code de l'environnement que les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10 de ce code, au titre des contrôles administratifs et mesures de police administrative en matière environnementale, sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge de ce contentieux de pleine juridiction de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue. Lorsque l'autorité administrative, dans le cas où des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés irrégulièrement, met en demeure l'intéressé de régulariser sa situation, sur le fondement des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, l'exécution complète des mesures ou formalités prescrites par cette mise en demeure prive d'objet le recours tendant à son annulation, sur lequel il n'y a, dès lors, plus lieu de statuer.
4. En premier lieu, il ressort des pièces versées au dossier, notamment du courrier du directeur de l'environnement, de l'aménagement, du logement et de la mer du 19 décembre 2023 et du rapport de conformité du 18 décembre 2023, que les mesures prescrites par l'arrêté du 3 janvier 2018 ont été respectées par la société Mayotte Channel Gateway. En particulier, un réseau parallèle enterré, dimensionné pour répondre à une pluie d'occurrence centennale, a été réalisé afin de recueillir les eaux pluviales du bassin versant. Un ouvrage de récupération des eaux a été placé à la sortie de la traversée de la RN1. L'inspecteur de l'environnement a procédé à un contrôle de terrain le 24 novembre 2023 et a constaté que les travaux et ouvrages ont été réalisés et convenablement dimensionnés pour permettre une gestion sécurisée des eaux pluviales. L'inspecteur a également relevé que le bassin de rétention construit ainsi que celui situé au niveau de la plateforme du port sont aménagés de manière à éviter tout apport terrigène ou toute pollution industrielle de la darse du port. Dans ces conditions, les conclusions de la requête de la société Mayotte Channel Gateway tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 janvier 2018 sont devenues sans objet.
5. En second lieu, les travaux prescrits par la mise en demeure ont été entièrement exécutés et par un arrêté n°2023-DEALM-SEPR-1012 du 20 décembre 2023, le préfet a décidé la restitution de la somme consignée. Il n'y a ainsi plus lieu de statuer sur les conclusions en annulation de l'arrêté du 3 août 2018 par lequel le préfet de Mayotte a engagé la procédure de consignation de la somme de 2 400 000 euros.
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Mayotte Channel Gateway au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions en annulation de la requête de la société Mayotte Channel Gateway.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Mayotte Channel Gateway est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mayotte Channel Gateway et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Une copie en sera adressée au préfet de Mayotte et à la société Electricité de Mayotte.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024 où siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.
Le rapporteur,
Sébastien Ellie
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N°21BX04278