Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2203130 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est signé par une autorité incompétente car la délégation de signature dont elle bénéficie n'est pas suffisamment précise ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier, le préfet s'étant borné à reprendre l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sans porter d'appréciation personnelle ;
- elle méconnaît les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; alors que le tribunal et la cour ont déjà reconnu la nécessité de la poursuite des soins que requiert l'état de santé de sa fille en France, le préfet ne justifie sa décision par une amélioration de son état ou par une évolution favorable du système de santé géorgien ; la disponibilité du traitement en Géorgie doit s'apprécier, ainsi que le précise l'arrêté du 5 janvier 2017, au regard des lourdes pathologies dont son enfant est atteinte, du suivi pluridisciplinaire qu'elle requiert et de la qualité d'enfant handicapée qui lui a été reconnue par la maison départementale des personnes handicapées ; le suivi médical dont son enfant a bénéficié avant leur départ pour la France était insuffisant ; l'un des médicament dont elle a besoin est à base de Levetiracetam, substance qui n'est pas disponible en Géorgie, pas plus que ne l'est le suivi pluridisciplinaire, comme en atteste le rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés, faute de prise en charge financière complète ; le document produit par le préfet pour établir le contraire n'est pas probant ; l'état de santé de sa fille s'oppose à un transport aérien ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code précité et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est insérée, qu'elle vit sur le territoire avec sa fille et qu'elle s'est séparée du père de sa fille en raison de violences ; il ne peut lui être reproché de ne pas travailler alors que son récépissé ne le lui permet pas et qu'elle est reconnue handicapée avec un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, en raison d'une maladie respiratoire chronique nécessitant un suivi régulier et d'une surdité ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors que son enfant a eu un traitement médical inadapté avant leur départ et qu'elle ne pourrait bénéficier des médicaments et du suivi nécessaires à son état de santé ; il n'existe en Géorgie aucune structure spécialisée pour polyhandicapés, seul endroit où sa fille peut suivre un accompagnement éducatif ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne car elle est de nature à priver sa fille des soins indispensables à son état de santé ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne en raison des risques encourus du point de vue de l'état de santé de sa fille.
Par une ordonnance du 30 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2023.
Un mémoire, présenté par le préfet de la Vienne a été enregistré le 10 octobre 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.
Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 13 avril 1978, est entrée en France le 16 août 2018 avec sa fille alors âgée de 19 mois, sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 12 juin 2019. Par un arrêté du 2 juillet 2019, le préfet des Deux-Sèvres lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Après l'annulation de cet arrêté par le tribunal administratif de Poitiers le 26 août 2019, le préfet des Deux-Sèvres a édicté un nouvel arrêté le 19 février 2020 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 26 juin 2020, confirmé par la cour le 12 janvier 2021, le tribunal a annulé ce nouvel arrêté et enjoint au préfet de délivrer à Mme B... un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade. En exécution de cet arrêt, Mme B... a été munie d'autorisations provisoires de séjour couvrant la période du 22 juillet 2020 au 22 janvier 2022. Le 25 janvier 2022, elle a sollicité son admission au séjour en raison de l'état de santé de sa fille, puis a complété sa demande, le 9 août 2022, en sollicitant une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 20 octobre 2022, le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 11 mai 2023 dont Mme B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur la légalité de l'arrêté du 20 octobre 2022 :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
2. Mme Pascale Pin, secrétaire générale de la préfecture, a reçu délégation du préfet de la Vienne, par arrêté n° 2022-SG-DCPPAT-020 du 12 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 13 juillet, à l'effet de signer tous actes, arrêtés ou décisions relevant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce qui est soutenu, cette délégation est suffisamment précise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté.
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
3. En premier lieu, l'arrêté vise les dispositions applicables, notamment les articles L. 425-10, L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, objet de la demande. Après avoir rappelé le parcours de Mme B... depuis son entrée en France, il précise que, selon l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 12 avril 2022, le traitement que requiert l'état de santé de la fille de Mme B... est disponible en Géorgie, que l'intéressée n'établit pas l'impossibilité d'accès effectif à des soins pour son enfant dans son pays d'origine, qu'eu égard aux attaches, notamment familiales, de l'intéressée dans son pays d'origine, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et qu'en l'absence de séparation d'avec sa fille, il n'y a pas d'atteinte aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. La décision de refus de séjour comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde. Il ressort de cette motivation suffisante que le préfet de la Vienne a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... et ne s'est pas estimé lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII sur l'état de santé de sa fille.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de ce dernier article : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
7. Pour rejeter la demande de Mme B... de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour de six mois en raison de l'état de santé de sa fille, le préfet de la Vienne s'est prononcé au vu d'un avis, rendu par le collège de médecins de l'OFII le 12 avril 2022, selon lequel un traitement médical est nécessaire sous peine de conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais est disponible en Géorgie. La fille de Mme B..., âgée de cinq ans et neuf mois à la date de l'arrêté, est atteinte d'une hydrocéphalie congénitale avec épilepsie séquellaire, avec un retard sévère de développement psychomoteur et des troubles graves du neuro-développement. Le certificat médical d'un praticien hospitalier en pédiatrie, daté du 4 janvier 2021, attestant de la nécessité de poursuivre un suivi neuropédiatrique en France pour une durée indéterminée, les comptes rendus d'hospitalisations les 3 mai et
30 septembre 2021 pour des IRM cérébrales de surveillance et pour la révision d'une dérivation kystopéritonéale droite et de consultation du 17 mai 2022 de l'unité de neurochirurgie pédiatrique du centre hospitalier régional universitaire de Tours évoquant un prochain contrôle en consultation en juin 2023 puis en janvier 2025, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins sur la disponibilité des soins en Géorgie. Il en va de même des deux éléments postérieurs à l'avis du collège de médecins, un certificat médical d'un pédiatre établi le 17 novembre 2022 faisant état des progrès accomplis depuis la prise en charge dans un centre d'accueil pour enfants polyhandicapés, et un certificat du médecin traitant de Mme B... du 8 novembre 2022, indiquant, de manière peu circonstanciée, que les soins requis par l'état de santé de l'enfant ne pourraient être obtenus dans le pays d'origine. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que le traitement de l'enfant Nini, associant deux antiépileptiques (Keppra dont la substance active est le Levetiracetam, et Depakine), est disponible en Géorgie. Par ailleurs, Mme B... ne peut utilement soutenir, en renvoyant à un précédent jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 juin 2020 ayant annulé le refus de titre qui lui avait alors été opposé, que le préfet ne démontrerait ni l'amélioration de l'état de santé de son enfant, ni l'évolution favorable du système de santé géorgien. Elle ne peut davantage utilement se prévaloir du fait que le traitement prescrit à son enfant avant son départ pour la France, cinq ans auparavant, n'aurait pas été satisfaisant. Quant aux éléments issus d'un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), dont se prévaut la requérante, ils ne permettent pas d'établir, du fait de leur généralité, que sa fille ne pourrait pas bénéficier en Géorgie, où une couverture universelle a été mise en place, d'un accès aux soins, lesquels n'ont pas à être équivalents à ceux dont l'enfant bénéficie en France, ainsi qu'il a été exposé au point précédent. De même, le courrier du ministère des personnes déplacées internes venues des territoires occupés, du travail, de la santé et des affaires sociales de Géorgie, daté du 8 juin 2023, indiquant que, compte tenu de son âge, l'enfant de Mme B... ne serait pas éligible au service " sous-programme d'aide au développement précoce de la petite enfance ", ni au sous-programme de réhabilitation/habilitation de l'enfant, mais que la mise à disposition de fauteuils roulants est possible dans le cadre du " sous-programme sur la prestation d'aides médicales, tout comme la mise à disposition d'un lit électrique orthopédique, d'un verticalisateur et de meubles adaptés, mais que les programmes de l'Etat ne couvrent pas les séances de kinésithérapie ", ne permet pas d'établir l'absence d'accès effectif au traitement que requiert l'état de santé de la fille de Mme B.... Enfin, le certificat médical d'un médecin du service de la protection maternelle et infantile établi le 11 juin 2020, indiquant que l'état de santé de l'enfant est incompatible avec un transport par avion n'est, compte tenu de son ancienneté et de son caractère peu circonstancié, pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins sur la possibilité de voyager sans risque vers le pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à Mme B... une autorisation provisoire de séjour de six mois en raison de l'état de santé de sa fille, le préfet de la Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 425-10 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... était présente en France depuis un peu plus de quatre ans à la date de l'arrêté en litige. Si elle vit avec sa fille mineure handicapée, dont l'état de santé requiert, ainsi qu'il a été dit, un traitement et un suivi médical, elle n'a aucune autre attache sur le territoire français, alors qu'elle n'en est pas dépourvue en Géorgie où résident sa fille majeure, sa mère et ses trois sœurs, et où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans. Si elle invoque d'une part ses propres problèmes de santé, une hypoacousie bilatérale, une infection tuberculeuse latente et des séquelles pulmonaires d'une pneumopathie qui lui ont valu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, ainsi que son accompagnement social par la maison départementale des solidarités, et d'autre part l'apprentissage de la langue française depuis janvier 2022 à raison d'une heure et demie par semaine, ces circonstances ne caractérisent pas des liens privés de nature à faire regarder le refus de titre de séjour comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée. Dans ces conditions, le préfet de la Vienne n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
11. La décision de refus de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme B... de son enfant, et cette dernière peut bénéficier, ainsi qu'il a été dit au point 8, d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Si Mme B... fait valoir que sa fille bénéficie en France d'un accompagnement spécialisé dans un centre d'accueil pour enfants polyhandicapés, il ne ressort pas des pièces produites que cet accompagnement aurait une incidence déterminante sur les perspectives d'évolution, notamment de scolarisation, de sa fille. Dans ces circonstances, elle ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper d'une illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
13. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, notamment à la disponibilité des soins en Géorgie, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. L'arrêté attaqué vise les articles L. 612-12 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise la nationalité géorgienne de Mme B.... Il ajoute qu'il n'est pas établi qu'en cas de retour dans son pays, Mme B... serait exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision fixant le pays de renvoi est ainsi suffisamment motivée.
15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. Ainsi qu'il a été dit au point 8, il n'est pas établi que le traitement et le suivi que requiert l'état de santé de la fille de Mme B... ne serait pas effectivement accessible en Géorgie. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Vienne aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Anne Meyer, présidente,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Anne Meyer
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX01549