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16/11/2023 | FRANCE | N°21BX01001

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 16 novembre 2023, 21BX01001


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un premier recours, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 par lequel le maire de la commune de Néac l'a autorisée à reprendre ses fonctions à temps partiel thérapeutique à compter du 1er février 2019 pour une durée de trois mois, en tant qu'il a fixé le montant de ses primes et indemnités au prorata de la durée effective du service à 50 % et, d'autre part, de condamner la commune de Néac à lui verser le montant de son in

demnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) de 658, 95 euros à com...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un premier recours, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 par lequel le maire de la commune de Néac l'a autorisée à reprendre ses fonctions à temps partiel thérapeutique à compter du 1er février 2019 pour une durée de trois mois, en tant qu'il a fixé le montant de ses primes et indemnités au prorata de la durée effective du service à 50 % et, d'autre part, de condamner la commune de Néac à lui verser le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) de 658, 95 euros à compter du mois de février 2019.

Par un second recours, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté modifié du 31 janvier 2019 par lequel le maire de la commune de Néac l'a autorisée à reprendre ses fonctions à temps partiel thérapeutique à compter du 1er février 2019 pour une durée de trois mois, en tant qu'il a fixé le montant de ses primes et indemnités au prorata de la durée effective du service à 50 %.

Après avoir joint ces deux recours, le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement nos 1901340-1902059 du 5 janvier 2021, rejeté les demandes de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2021, Mme A..., représentée par Me Dirou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 janvier 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 en tant qu'il a réduit à 50 % ses primes et indemnités calculées au prorata de la durée du service pendant son mi-temps thérapeutique ;

3°) de condamner la commune de Néac à lui verser le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) de 658, 95 euros à compter du mois de février 2019 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Néac la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a statué au-delà de ses conclusions, dès lors qu'elle demandait l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2019 uniquement en tant qu'il a réduit le versement de ses primes et indemnités ; en revanche, il a omis de statuer sur la seconde version de cet arrêté, prise postérieurement à la délibération du conseil municipal du 15 février 2019 qui rend exécutoire la mise en œuvre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), mais toujours datée du 31 janvier 2019 ;

- le tribunal ne pouvait utiliser la " substitution de motifs " pour substituer un " motif " qui n'existait pas au moment de l'édiction de l'arrêté, à savoir la délibération du 15 février 2019 ;

- la délibération du 12 octobre 2017, qui avait pour objet la mise en place du RIFSEEP, énonçait en son article 5 que celui-ci pourra être suspendu en cas de congé maladie ; par suite, les primes et indemnités ne pouvaient être réduites de 50 % en raison de son mi-temps thérapeutique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bressolles, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., attachée territoriale de la commune de Néac (Gironde), a été victime le 22 novembre 2016 d'un accident reconnu imputable au service et a été placée en arrêt de travail jusqu'au 1er février 2019. A compter de cette date, elle a repris ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique pour une durée de trois mois jusqu'au 30 avril 2019. Par un arrêté du 31 janvier 2019 et un arrêté modifié daté du même jour, dont les dispositifs sont identiques, le maire l'a autorisée à reprendre ses fonctions à mi-temps thérapeutique du 1er février au 30 avril 2019, tout en précisant, par l'article 2 de ces arrêtés, qu'elle percevrait l'intégralité de son traitement, ainsi que, le cas échéant, du supplément familial et de la NBI (nouvelle bonification indiciaire), mais que le montant des primes et indemnités serait calculé au prorata de la durée effective du service, soit à 50 %. Par deux recours distincts, Mme A... a demandé, d'une part, l'annulation de ces deux arrêtés en tant qu'ils prévoient que ses primes et indemnités ne lui seront versées qu'à hauteur de 50 % pendant son mi-temps thérapeutique et, d'autre part, la condamnation de la commune à lui verser le différentiel perdu. Par un jugement du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint ces recours, les a rejetés. Mme A... relève appel de ce jugement en réitérant les mêmes conclusions indemnitaires.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, Mme A... soutient que le tribunal a statué au-delà de ses conclusions, dès lors qu'elle n'avait demandé l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2019 qu'en tant qu'il prévoit que le montant de ses primes et indemnités sera calculé au prorata de la durée effective du service, soit 50 %. Cependant, alors au demeurant que le jugement attaqué n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'annulation, il ressort des motifs retenus par les premiers juges que ceux-ci ont bien considéré qu'elle ne demandait l'annulation de cet arrêté que dans cette mesure.

3. En deuxième lieu, contrairement à ce que fait valoir la requérante, par le point 4 de leur jugement, les premiers juges ont statué sur la version modifiée de l'arrêté du 31 janvier 2019, qu'ils ont d'ailleurs estimée illégale, dès lors qu'elle se fondait sur une délibération prise postérieurement, raison pour laquelle ils ont procédé à une substitution de base légale.

4. En dernier lieu, cette substitution de base légale, laquelle relève de l'office du juge, a été soumise au débat contradictoire, comme l'indiquent les visas du jugement. Elle n'a ainsi pas eu pour effet de priver Mme A... des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi, alors au demeurant que cette dernière ne la conteste pas sur le fond. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait irrégulièrement procédé à une substitution de base légale doit être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Il y a lieu de regarder les conclusions de Mme A... comme dirigées contre l'arrêté modifié du 31 janvier 2019, lequel s'est substitué à l'arrêté initial du même jour, dont il ne diffère que par les visas de son fondement légal.

7. Aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application de ces dispositions : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes ".

8. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " (...) / 4° bis. Après un congé de maladie, un congé de longue maladie ou un congé de longue durée, les fonctionnaires peuvent être autorisés à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique, accordé pour une période de trois mois renouvelable dans la limite d'un an pour une même affection. Après un congé pour accident de service ou maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le travail à temps partiel thérapeutique peut être accordé pour une période d'une durée maximale de six mois renouvelable une fois. / (...) /. Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel pour raison thérapeutique perçoivent l'intégralité de leur traitement ; (...) ".

9. Enfin, l'article 4 du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat (RIFSEEP) dispose que les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 " peuvent bénéficier d'un complément indemnitaire annuel qui tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir, appréciée dans les conditions fixées en application de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / Il est compris entre 0 et 100 % d'un montant maximal par groupe de fonctions fixé par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Le complément indemnitaire fait l'objet d'un versement annuel, en une ou deux fractions, non reconductible automatiquement d'une année sur l'autre ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " L'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel sont exclusifs de toutes autres primes et indemnités liées aux fonctions et à la manière de servir, à l'exception de celles énumérées par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget. ". A la date de l'arrêté attaqué, le RIFSEEP mis en place pour les agents de la commune de Néac était fixé par une délibération du conseil municipal du 12 octobre 2017, et prévoyait notamment une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE).

10. Contrairement à ce que soutient Mme A..., les premiers juges n'ont pas procédé à une substitution de motif, mais, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, à une substitution de base légale, en constatant que l'arrêté modifié du 31 janvier 2019 était illégal en ce qu'il avait été pris sur le fondement d'une délibération du 12 février 2019 relative au régime indemnitaire qui n'était pas en vigueur, et en examinant le litige relatif au calcul des primes au prorata du temps travaillé au regard de la délibération du 12 octobre 2017 mentionnée au point précédent. Il résulte des dispositions citées aux points 7 à 9 qu'un fonctionnaire territorial autorisé à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique peut prétendre au maintien de son traitement à taux plein. En revanche, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui permet de prétendre au maintien de son régime indemnitaire à taux plein si celui-ci est lié à l'exercice effectif des fonctions. Il ne résulte ni des dispositions précitées du décret du 20 mai 2014, ni de la délibération du conseil municipal de la commune de Néac du 12 octobre 2017 que les indemnités servies au titre du RIFSEEP, dont l'IFSE, auraient un caractère forfaitaire. Les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, prévoyant le maintien du plein traitement du fonctionnaire placé en congé de maladie imputable au service, n'impliquent pas davantage le maintien des indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions. Par suite, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le temps partiel thérapeutique était consécutif à un accident reconnu imputable au service, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que le maire de Néac avait pu légalement estimer que l'IFSE était liée à l'exercice effectif des fonctions, et décider qu'elle serait calculée au prorata de la durée effective du service, soit à 50 %, pendant la durée du mi-temps thérapeutique de l'intéressée.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par Mme A..., tendant à la condamnation de la commune à lui verser la part de 50 % de l'IFSE non perçue durant son mi-temps thérapeutique, ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme A... soit mise à la charge de la commune de Néac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Néac.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Anne Meyer, présidente,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023

La rapporteure,

Florence B...

La présidente,

Anne MeyerLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX01001


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01001
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : DIROU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-16;21bx01001 ?
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