Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... et l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de Maine-et-Loire, agissant en sa qualité de tutrice de Mme B... D..., ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à les indemniser des préjudices subis du fait des séquelles présentées par Mme B... D... depuis sa naissance au sein de cet établissement le 11 juillet 1998.
La caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de Loire-Atlantique, agissant pour le compte de la CPAM de Maine-et-Loire, a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à lui verser la somme de
3 573 028,45 euros au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1500061 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes :
- à verser à l'UDAF de Maine-et-Loire, en sa qualité de tutrice légale de Mme D..., une somme de 1 269 310,35 euros, une " rente " de 25 873,92 euros du 3 juin au 31 décembre 2020 et une rente annuelle de 28 247,04 euros ;
- à verser à Mme A... une somme de 164 226,46 euros, sous déduction de la provision de 100 000 euros déjà versée ;
- à rembourser les dépenses de santé futures de Mme D... dans la limite de 30 % du montant total réglé, hors prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, ainsi que les dépenses futures de logement adapté de Mme A... ;
- à verser à la CPAM de Maine-et-Loire les sommes de 100 494,03 euros au titre des débours échus et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et à lui rembourser les dépenses de santé futures sur présentation de justificatifs, dans la limite du taux de 30 % ;
- à prendre en charge les sommes de 4 400 euros au titre des frais d'expertise et de 3 000 euros au titre des frais exposés par l'UDAF de Maine-et-Loire et Mme A... et non compris dans les dépens.
La CPAM de Loire-Atlantique d'une part et le CHU de Pointe-à-Pitre d'autre part ont relevé appel de ce jugement.
Par un arrêt n° 20BX02135, 20BX02414 du 30 juin 2022, la cour, après avoir joint les deux affaires, a rejeté les conclusions de la CPAM de Loire-Atlantique présentées dans l'affaire n° 20BX02135 et les conclusions d'appel incident qu'elle a présentées dans l'affaire n° 20BX02414, et ordonné une expertise avant dire droit sur les conclusions du CHU de Pointe-à-Pitre et les conclusions d'appel incident de l'UDAF de Maine-et-Loire présentées dans l'affaire n° 20BX02414.
Le rapport d'expertise a été déposé le 6 mars 2023.
Procédure devant la cour :
Par un mémoire enregistré le 20 mars 2023, la CPAM de Loire-Atlantique, représentée par Me Meunier, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du
2 juin 2020 en tant qu'il a fixé le taux de perte de chance à 30 % et condamné le centre hospitalier à l'indemniser des débours échus et des dépenses de santé futures ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Pointe-à-Pitre à lui verser la somme de 200 988,05 euros au titre des débours échus, ainsi qu'une somme au titre des dépenses de santé futures sous forme de capital ou à défaut de rente, calculée sur la base d'un taux de perte de chance de 60 % et sur un montant de prestations de 3 573 028,45 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre la somme de
2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- sa requête d'appel est recevable ; elle est intervenue, dès la première instance, pour le compte de la CPAM de Maine et Loire, ainsi que le permettent les dispositions de l'article L. 221-3-1 du code de la sécurité sociale ;
- elle avait sollicité devant le tribunal la condamnation du centre hospitalier à l'indemniser de ses débours futurs par le versement d'un capital ; le tribunal n'a pas répondu à cette demande ;
- en l'absence de contestation de l'établissement de santé sur sa demande de versement d'un capital, il convient d'y faire droit ; à titre subsidiaire, les remboursements auront lieu sur présentation des justificatifs ;
- eu égard aux conclusions de l'expertise, il y a lieu de retenir un taux de perte de chance de 60 %.
Par deux mémoires enregistrés les 21 avril et 23 mai 2023, l'UDAF de Maine-et-Loire et Mme A..., représentées par la SELARL Altilex avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 2 juin 2020 en tant qu'il a retenu un taux de perte de chance de 30 % et limité le montant de leur indemnisation ;
2°) de condamner le centre hospitalier de la Guadeloupe, sur la base d'un taux de perte de chance de 60 %, à verser à l'UDAF de Maine et Loire, représentante légale de Mme D..., la somme de 8 370 820,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du
27 août 2012 et capitalisation des intérêts ;
3°) de condamner le centre hospitalier de la Guadeloupe, sur la base d'un taux de perte de chance de 60 %, à verser à Mme A... la somme de 305 387,40 euros, avec intérêts de retard à compter du 27 août 2012 et capitalisation des intérêts ;
4°) d'ordonner une expertise avant de statuer sur les frais de logement adapté et le besoin d'assistance par une tierce personne, confiée à un architecte spécialiste du handicap et un ergothérapeute ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre la somme de
5 000 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens comprenant les frais et honoraires d'expertise.
Elles font valoir que :
- la fin de non-recevoir, soulevée en première instance par le CHU et tirée du défaut de capacité à agir de B... D... doit être écartée, l'UDAF de Maine-et-Loire ayant été désignée tutrice par la cour d'appel d'Angers le 25 septembre 2017 ;
- l'expertise retient un usage non conforme aux recommandations de l'ocytocine et un retard dans la décision de pratiquer la césarienne, ce qui avait déjà pu être retenu par le tribunal ; ces deux manquements sont de nature à engager la responsabilité du CHU et sont à l'origine d'un taux de perte de chance de 60 % ; il n'y a pas lieu de réduire ce taux global, dès lors que les deux manquements ont été commis par le même auteur, ce qui conduit à additionner les taux de perte de chance respectifs de 30 % ;
- une expertise complémentaire est nécessaire pour évaluer les besoins qui ne l'ont pas été jusqu'à présent et qui portent sur les équipements, matériels et consommables, la tierce personne et le logement ;
- le barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2022 doit être utilisé de préférence à celui des assureurs ; l'indemnisation sous forme de capital doit être privilégiée dans l'intérêt de B... et d'une meilleure gestion de son patrimoine ; à défaut, la rente devrait être fixée pour des périodes à échoir et être indexée sur l'indice de la consommation des ménages pour les dépenses de santé et les frais de véhicule, et sur l'indice du coût horaire du travail pour les pertes de gains et la tierce personne ;
- le montant des prestations perçues au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de la prestation de compensation du handicap ne peuvent être déduites de chacun des postes de préjudice pertinents que si celles-ci excèdent le montant des sommes laissées à la charge de la victime, dès lors que la faute du CHU n'est à l'origine que d'une fraction du dommage ;
- les dépenses de santé restées à charge avant consolidation représentent un montant de 3 368,40 euros avant application du taux de perte de chance, incluant le matériel éducatif ; s'agissant des dépenses de santé futures, le renouvellement du matériel représente un coût annuel de 12 013,80 euros, soit une rente capitalisée de 809 459,89 euros ; la dépense annuelle en consommables s'élève à 1 165,76 euros, soit un préjudice de 78 492,62 euros pour l'ensemble de la période ;
- les frais divers comprennent les dépenses liées à la prise en charge en établissement d'éducation spécialisée (10 576,08 euros), le forfait journalier (491 855,80 euros) dès lors que B... n'a pas de mutuelle, et les frais de médecin conseil et d'ergothérapeute (6 594 euros), pour lesquels il n'y a pas lieu d'appliquer le taux de perte de chance ; devra être déduit le montant de la prestation de compensation du handicap pour la période postérieure à la consolidation ;
- le jugement peut être confirmé s'agissant du préjudice lié à la nécessité de recourir à un véhicule adapté, qu'il a calculé en tenant compte du surcoût lié à l'achat d'un modèle supérieur, du coût des équipements et d'un besoin de renouvellement tous les sept ans ; à ce préjudice qui s'élève à 455 490,42 euros s'ajoutent les frais de déplacement de la maison d'accueil spécialisée au domicile des parents en véhicule sanitaire léger (VSL), qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale, soit 421,50 euros pour la période passée et 52 536,33 euros pour la période à venir ;
- le logement de Mme A... étant inadapté, un projet de nouvelle construction a été envisagé ; une expertise complémentaire serait nécessaire afin de décrire les caractéristiques du logement adapté, de tenir compte de la nécessité d'une tierce personne permanente et d'en évaluer le coût ; à défaut, le montant alloué pour l'aménagement du seul domicile de Mme A... devra être augmenté afin de permettre l'aménagement du logement de son père ;
- eu égard à son déficit fonctionnel, évalué à 95 %, B... nécessite une aide humaine permanente, peu important qu'un enfant soit totalement dépendant durant les trois premières années de sa vie ; ce besoin est confirmé par les rapports d'expertise ; selon l'ergothérapeute, deux personnes sont nécessaires pour la manutention physique, ce qui porte le besoin à 28 heures par jour ; si la cour estime qu'une expertise complémentaire n'est pas nécessaire, le besoin avant consolidation peut être évalué en tenant compte des prises en charge dans des établissements médico-éducatifs et sur la base d'une année de 412 jours et d'un coût horaire de 13 euros pour la période 1999-2003, 15 euros pour la période 2004-2008 et 18,85 euros à compter de 2009, ce qui correspond au tarif de la prestation à laquelle Mme A... a recouru ; le préjudice s'élève ainsi à 1 798 049 euros ; après consolidation, en estimant le temps passé à la maison à 4 300 heures et en retenant un coût horaire de
22,60 euros, le préjudice s'élève à 3 928 647,67 euros ; la prestation de compensation du handicap ne devra être déduite que si son montant excède la part du dommage laissée à la charge de la victime ;
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a calculé la perte de gains professionnels futurs sur la base du montant du revenu moyen, soit 27 000 euros par an ;
- l'incidence professionnelle, résultant de l'impossibilité de travailler un jour, représente un préjudice de 200 000 euros ;
- l'indemnité allouée au titre du préjudice scolaire et de formation peut être confirmée ; il s'agit d'un préjudice distinct du déficit fonctionnel ou des troubles dans les conditions d'existence, qui existe même si le dommage est survenu avant toute scolarité, et il convient de l'évaluer indépendamment des pertes de gains professionnels ;
- s'agissant des préjudices extrapatrimoniaux, le déficit fonctionnel temporaire, évalué sur une base de 35 euros par jour, représente une somme de 247 824 euros avant application du taux de perte de chance ;
- eu égard à leur durée, les souffrances endurées, évaluées à 6,5 sur 7, représentent un préjudice de 90 000 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent évalué à 95 % peut être évalué à 900 000 euros ;
- le préjudice esthétique temporaire peut être évalué à 15 000 euros, comme l'a jugé le tribunal, et le préjudice esthétique permanent à 40 000 euros ;
- les montants retenus par le tribunal avant application du taux de perte de chance pour le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel, le préjudice d'établissement peuvent être confirmés ; le principe de réparation intégrale suppose une appréciation au cas par cas et s'oppose à l'application d'un barème d'indemnisation ;
- s'agissant des préjudices subis par Mme A..., le handicap de B... a occasionné des pertes de gains professionnels pendant dix-huit ans ; compte tenu de la situation transitoire de l'intéressée au moment de l'accident, l'indemnisation doit être calculée sur la base du revenu moyen et s'élève à 308 979 euros avant application du taux de perte de chance;
- l'évaluation par le tribunal du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence peut être confirmée ; contrairement à ce que soutient le CHU, les montants sont justifiés par la situation particulière de l'espèce et il ne peut être reproché une double indemnisation, les deux préjudices étant distincts.
Par deux mémoires, enregistrés les 9 mai et 12 juin 2023, le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes, représenté par le cabinet Le Prado, Gilbert, doit être regardé comme demandant à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 2 juin 2020 en réduisant les sommes allouées à Mme A..., à l'UDAF de Maine-et-Loire et à la CPAM de Loire-Atlantique.
Il soutient que :
- le jugement peut être confirmé en tant qu'il retient une perte de chance de 30 % en raison d'un retard dans la réalisation de la césarienne ;
- il n'est pas établi que le Syntocinon aurait été administré à un dosage excessif ; celui-ci a été administré à 11 heures, alors que la bradycardie du fœtus est survenue à 12h30 ; l'existence d'un lien de causalité entre l'usage du Syntocinon et la bradycardie a été expressément écarté par l'expertise du 18 mars 2009 et la nouvelle expertise ne permet pas d'affirmer que la totalité de l'ocytocine de synthèse aurait été administrée, d'autant qu'elle l'a sans doute été à l'aide d'une pompe électrique, ce qui permet de contrôler le débit de façon très précise ; à titre subsidiaire, si une faute devait être retenue, le taux de perte de chance de 30 % devrait être appliqué sur la chance restante compte tenu de l'autre manquement, de sorte que le taux global ne saurait dépasser 51 % ;
- seuls les besoins d'assistance par une tierce personne excédant ceux d'un jeune enfant peuvent être indemnisés ; c'est donc à tort et en entachant son jugement d'une contradiction de motifs que le tribunal a retenu un besoin de 24 heures sur 24, y compris jusqu'aux trois ans de B... ; ces besoins doivent ensuite être évalués de façon progressive ; le taux horaire est de 14 euros au jour de l'arrêt et doit être minoré pour la période passée ; la nécessité d'une assistance conjointe de deux personnes n'est pas établie ; le préjudice ne saurait être calculé sur la base de 412 jours par an dès lors que la tarif journalier est majoré et doit tenir compte des prestations perçues ; la rente est indexée, non pas sur l'évolution du SMIC horaire, mais en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;
- s'agissant de l'assistance par une tierce personne pour la période après consolidation, le nombre de jours passés au domicile familial est de 113 ou, tout au plus, de 144, et non de 220 comme l'a retenu le tribunal ;
- les frais de renouvellement de véhicule, correspondant à la différence entre l'achat et l'adaptation d'une part, et le prix moyen d'un minibus d'autre part, représentent
27 890 euros ; c'est sur ce montant que doit être calculée la capitalisation, et non sur le prix d'achat ; une telle indemnisation ne saurait se cumuler avec des frais de transport supplémentaires ; en outre, dès lors que B... disposera de son propre logement, les frais de déplacement entre la maison d'accueil spécialisée et le domicile de ses parents ne présentent qu'un caractère purement éventuel ;
- il ne peut être fait droit à la demande présentée au titre du forfait journalier, alors qu'il n'est pas établi que cette somme n'aurait pas été prise en charge par une mutuelle de santé ;
- seul le surcoût de loyer en lien avec le handicap de B... peut être mis à sa charge, et non les frais d'acquisition d'un logement, Mme A... ayant la possibilité de louer un logement adapté pour sa fille ; il convient donc de chiffrer le nombre de mètres carrés supplémentaires justifiés par l'état de santé de B... ;
- la demande au titre du préjudice scolaire doit être rejetée, dès lors que ce préjudice est réparé au titre de la perte de revenus professionnels et des troubles dans les conditions d'existence ; à titre subsidiaire, ce préjudice ne saurait excéder 40 000 euros ;
- l'évaluation de la perte de gains professionnels futurs ne peut se faire que sur la base du salaire médian à la date de consolidation, et non sur celle du salaire moyen ; la réparation sous forme de rente doit être privilégiée et il y a lieu de déduire les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés ;
- le manquement qui est reproché à l'établissement ayant eu lieu à la naissance, B... D... n'est pas fondée à demander la réparation d'un préjudice d'agrément ;
- l'expert n'ayant pas identifié un tel poste de préjudice, il n'y a pas lieu d'indemniser un préjudice esthétique temporaire ;
- s'agissant des préjudices de Mme A..., celle-ci ne peut obtenir à la fois une indemnisation pour la perte de salaires en raison du temps requis pour s'occuper de sa fille et une indemnisation pour l'assistance par une tierce personne ; en outre, l'intéressée n'exerçait aucune activité professionnelle antérieurement à la naissance de sa fille ;
- l'évaluation du préjudice d'affection par le tribunal est excessive ;
- alors que le tribunal a indemnisé le préjudice d'affection et l'assistance par une tierce personne, l'indemnisation en sus des troubles dans les conditions d'existence constitue une double indemnisation ; à titre subsidiaire, cette indemnisation est excessive ;
- s'agissant de l'appel incident, la capitalisation ne peut être faite selon le barème de la Gazette du Palais, mais plutôt selon celui de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ou celui de l'indemnisation des victimes par les assureurs ;
- il n'est pas établi que l'acquisition du matériel éducatif soit en lien direct, certain et exclusif avec le handicap ;
- la rente avec production de justificatifs doit être privilégiée pour les dépenses de santé futures, par rapport à la capitalisation ;
- le taux de perte de chance s'applique aussi aux honoraires de médecin conseil, ainsi que l'a jugé le tribunal ;
- la demande au titre de l'incidence professionnelle ne peut qu'être rejetée dès lors que B... D... est dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle ;
- le jugement peut être confirmé sur l'indemnisation des déficits fonctionnels temporaire et permanent, des souffrances endurées, ainsi que du préjudice esthétique permanent ;
- il convient de tenir compte de la provision de 100 000 euros déjà versée et d'appliquer le taux de perte de chance à l'ensemble des préjudices ;
- les conclusions de la CPAM de Loire-Atlantique ont déjà été rejetées par l'arrêt avant dire droit ; le CHU s'oppose à la capitalisation des frais futurs.
Par une ordonnance du 24 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 13 juin 2023.
Par courrier du 14 septembre 2023, il a été demandé à Mme A... et à l'UDAF de Maine-et-Loire, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire tout justificatif relatif aux sommes perçues au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, de la prestation de compensation du handicap et de l'allocation aux adultes handicapés.
Des pièces, produites par Mme A... et l'UDAF de Maine-et-Loire en réponse à cette demande, ont été enregistrées les 21 et 22 septembre, et 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Prado, représentant le CHU de Pointe-à-Pitre et celles de Me Grenon, représentant Mme A..., Mme D... et l'UDAF de Maine-et-Loire.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été admise au CHU de Pointe-à-Pitre le 10 juillet 1998 à 22 h 35 en vue de son accouchement. Le lendemain à partir de 11 h, de l'ocytocine de synthèse (Syntocinon(r)) lui a été administrée en cours de travail afin d'augmenter les contractions utérines. Un premier ralentissement du rythme cardiaque fœtal est survenu à 11 h 50, suivi d'une récupération, puis une bradycardie profonde sans variabilité s'est installée à partir de 12 h 35. La décision de réaliser une césarienne d'urgence a été prise à 13 h, et l'enfant B... D... est née à 13 h 23, avec un score d'Apgar de 4 à une minute et un poids de 2 440 g. Après intubation, elle a recouvré une autonomie respiratoire au bout de 30 minutes et a pu sortir de la maternité le 28 juillet, mais l'évolution ultérieure a révélé qu'elle était atteinte d'une tétraplégie spastique et dystonique en lien avec une asphyxie fœtale.
2. Au vu du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, remis le 18 mars 2009, ayant conclu que des fautes de l'hôpital étaient à l'origine d'une perte de chance de 30 % d'échapper à l'asphyxie fœtale, Mme A... a demandé la condamnation du CHU de Pointe-à-Pitre à réparer les préjudices subis. Sa fille étant devenue majeure le 11 juillet 2016, elle a sollicité une nouvelle expertise afin de fixer une date de consolidation et d'évaluer les préjudices définitifs, ce qui a donné lieu à un rapport déposé le 30 juin 2018. Par un jugement n° 1500061 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de Maine-et-Loire, désignée le 25 septembre 2017 tutrice légale de Mme B... D..., une somme de 1 269 310,35 euros, une " rente " de 25 873,92 euros du 3 juin au 31 décembre 2020, et une rente annuelle de 28 247,04 euros à compter du 1er janvier 2021. Il a également condamné l'établissement hospitalier à verser à Mme A... une somme de 164 226,46 euros en réparation de ses préjudices propres et de frais d'assistance par une tierce personne durant l'enfance de sa fille,sous déduction de la provision de 100 000 euros déjà versée, à rembourser les dépenses de santé futures de Mme D... dans la limite de 30 % du montant total réglé, hors prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), ainsi que les dépenses futures de logement adapté de Mme A..., sur présentation de justificatifs. Il a, par ailleurs, condamné le CHU à verser à la CPAM de Maine-et-Loire les sommes de 100 494,03 euros au titre des débours échus, et à lui rembourser les dépenses de santé futures sur présentation de justificatifs, dans la limite du taux de 30 %, et a enfin mis à la charge de l'hôpital la somme de 4 400 euros au titre des frais d'expertise. Par un arrêt du 30 juin 2022, la cour, saisie d'appels principaux du CHU de Pointe-à-Pitre et de la CPAM de
Loire-Atlantique, et d'appels incidents de Mme A... et de l'UDAF de Maine-et-Loire, a rejeté les conclusions de la caisse et ordonné une expertise avant de statuer sur les conclusions des autres parties. Le rapport d'expertise, réalisé par un gynécologue-obstétricien assisté par un sapiteur pédiatre-réanimateur, a été déposé le 6 mars 2023.
Sur la responsabilité :
3. La responsabilité administrative à raison d'actes médicaux accomplis dans des établissements hospitaliers publics est engagée en cas de faute simple. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter ce dommage.
4. Il résulte du rapport d'expertise déposé le 6 mars 2023 que, pour régulariser les contractions utérines et accélérer le travail, la décision a été prise, le 11 juillet 1998 à 11 h, d'administrer à Mme A... de l'ocytocine de synthèse, sous forme de cinq unités de Syntocinon(r) diluées dans une seringue de 20 ml placée en dérivation, alors qu'il est recommandé d'utiliser ce produit en perfusion intraveineuse lente, les cinq unités étant diluées dans 500 ml de sérum glucosé. L'injection en dérivation n'a pas permis, selon l'expert, de contrôler finement le débit de ce produit qui a provoqué, très rapidement, des contractions rapprochées et de forte intensité, avec d'abord un ralentissement transitoire du rythme cardiaque fœtal puis, à 12 h 35, un décrochage brutal, signe d'une hypoxie fœtale, les battements du cœur passant de 160 à 80 par minute. Pour remettre en cause ces conclusions, le centre hospitalier ne peut sérieusement se fonder sur les conclusions de la première expertise du 18 mars 2009, selon lesquelles un excès d'administration du Syntocinon(r) ne pouvait être retenu " bien qu'il puisse aussi induire un excès de fréquence des contractions utérines ", dès lors qu'elles ont été remises en cause, comme l'a relevé l'arrêt avant dire droit, par les éléments produits par Mme A..., constitués par une note technique établie par un médecin-conseil spécialisé en pharmacovigilance, la notice Vidal du Syntocinon(r) et un mémoire de fin d'études de sage-femme relatif à l'utilisation du Syntocinon(r) au cours du travail spontané, lequel comporte des références de littérature médicale, ce qui a conduit la cour à ordonner une nouvelle expertise. En outre, si l'établissement soutient qu'il ne serait pas établi que la totalité du produit aurait été utilisée, les experts indiquent qu'il a été demandé aux parties, lors de l'accédit, si la seringue de 20 ml était placée dans une pompe électrique afin de contrôler le débit de l'injection, et l'hôpital n'a pas pu apporter de précision sur ce point. Par conséquent, l'injection d'ocytocine de manière inadaptée constitue un premier manquement du CHU de Pointe-à-Pitre.
5. Il est en outre constant qu'alors que l'enfant a présenté une bradycardie à 12 h 35, nécessitant une intervention rapide, le médecin de garde n'a été appelé qu'à 12 h 56, et les experts relèvent que la césarienne en " code rouge ", qui aurait dû être réalisée en 15 à 20 minutes, l'a été en 27 minutes. Ce double retard, évalué à un total de 20 minutes, constitue un autre manquement fautif de nature à engager la responsabilité de l'hôpital.
6. Dans le cas où la faute commise, lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier, a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation ou à un accident médical ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement, et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel lui-même ou celui constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation, qui incombe à l'hôpital, doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
7. Selon le rapport d'expertise, lequel s'appuie sur la littérature médicale, le risque de séquelles devient majeur pour un nouveau-né à compter de 20 minutes d'anoxie. En l'espèce, B... a subi une hypoxie de 48 minutes, dont 20 minutes dues à un retard de prise en charge. Les experts relèvent cependant un état antérieur caractérisé par une légère restriction de croissance, avec un poids à terme de 2 440 g, dont l'absence de diagnostic avant la naissance n'était pas fautive. Ils estiment que cette hypotrophie tardive a contribué à la survenue de l'asphyxie per natale, et que la perfusion d'ocytocine dans des proportions excessives n'a fait que précipiter l'ischémie per natale. Ils en concluent que la chance perdue d'éviter la survenue du dommage, du fait de la double faute du centre hospitalier, doit être évaluée à 30 % pour le mésusage du Syntocinon(r) et 30 % pour le retard de prise en charge, soit 60 %. Toutefois, le faible poids du fœtus dans les derniers temps de la grossesse n'est pas à l'origine de l'asphyxie, et ne saurait conduire à une réduction du montant de l'indemnisation. Il ressort en outre du déroulé de l'accouchement, tel que rappelé par les experts, que la bradycardie profonde du fœtus est survenue très peu de temps après la perfusion surdosée de Syntocinon(r), qui a par ailleurs provoqué des vomissements de la parturiente, et les experts n'ont identifié aucune autre cause d'asphyxie fœtale. Dans ces conditions, la seconde faute, liée au retard dans la réalisation de la césarienne alors que le fœtus était en état de bradycardie, est absorbée par la première, résultant du mésusage du Syntocinon(r). La responsabilité du CHU de Pointe-à-Pitre est donc entière dans la survenue du dommage, et il n'y a pas lieu d'appliquer un taux de perte de chance.
Sur les préjudices de Mme B... D... :
8. Selon le rapport d'expertise du 30 juin 2018, la date de consolidation de l'état de santé de Mme D... peut être fixée au 15 mai 2017, date de son entrée dans une maison d'accueil spécialisée, ce qu'aucune des parties ne conteste.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des préjudices temporaires :
Quant aux frais divers :
9. Mme A... a exposé en juin 2012 des frais de médecin conseil pour un montant de 1 794 euros, qu'il y a lieu d'admettre.
Quant aux frais liés au handicap :
10. Il résulte de l'instruction que les frais nécessités par le handicap de B... D..., soit une poussette adaptée et ses accessoires, des équipements de bain, une selle et ses accessoires et une orthèse de poignet, se sont élevées à 3 368,40 euros et n'ont été que partiellement pris en charge par la couverture maladie universelle pour un montant de 2 098,31 euros. Si le CHU soutient que l'achat de matériel éducatif, inclus pour un montant de 90,60 euros, serait sans lien avec le handicap, cet achat a été effectué auprès d'une société commercialisant des jeux adaptés à l'apprentissage et la rééducation d'enfants porteurs de handicap et troubles autistiques. Mme A... a également supporté des frais, pour un montant de 10 576,08 euros, en vue de la prise en charge de B... par le jardin d'enfants éducatif " Les Galopins " géré par l'association à vocation d'éducation et de réadaptation thérapeutiques des enfants infirmes moteurs cérébraux (AVERTI), entre 2001 et 2004. Dans ces conditions, le préjudice resté à la charge de Mme A... s'est élevé à 11 846,17 euros.
Quant au besoin d'assistance par une tierce personne :
11. D'une part, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
12. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.
13. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que l'état de santé de Mme D..., qui est totalement dépendante depuis sa naissance pour tous les actes de la vie courante, requiert l'assistance d'une tierce personne de manière permanente. Si un jeune enfant est également dépendant de ses parents durant les premières années, la prise en charge de la jeune B... durant les trois premières années de sa vie a, ainsi que l'a relevé le tribunal sans entacher son jugement de contradiction de motifs, impliqué davantage de soins, en raison notamment de sa tétraparésie affectant l'axe, les membres et la sphère bucco-faciale, associée à une encélopathie spastique. B... a été admise en jardin d'enfants éducatif spécialisé pendant trois ans, de 2001 à 2004, pour des prises en charge variant de deux à quatre demi-journées par semaine, puis dans un institut médico-éducatif entre septembre 2004 et le 15 mai 2017 avec une intégration progressive, d'abord en externat, puis en internat à temps partiel. Le centre hospitalier ne conteste pas les volumes horaires du temps passé à domicile et en structure d'accueil pour la période avant consolidation. En retenant un besoin de 24 heures par jour entier passé au domicile, un coût correspondant au SMIC horaire brut augmenté des charges sociales, soit 9 euros pour la période antérieure à septembre 2001, 10 euros pour la période 2001-2004, 11,50 euros pour la période 2004-2008, 12,70 euros pour la période 2009-2012 et 13,35 à compter de 2012, et un calcul basé sur une année de 412 jours pour tenir compte des majorations dues les dimanches et jours fériés, ainsi que des congés payés, le besoin peut être fixé à 1 432 652 euros.
14. Mme D... a perçu durant cette période l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ainsi que la prestation de compensation du handicap. Malgré la demande qui leur a été adressée le 14 septembre 2023, Mme A... et l'UDAF de Maine-et-Loire n'ont produit que des justificatifs partiels qui ne couvrent pas l'intégralité de la période, ce qui ne permet pas de reconstituer les montants des prestations sociales perçues. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à Mme A..., en qualité de représentant légale, la somme de 1 432 652 euros sous réserve de la déduction des sommes perçues au titre de ces prestations sociales.
Quant au préjudice scolaire et de formation :
15. Lorsque la victime se trouve privée de toute possibilité d'accéder à une scolarité, la seule circonstance qu'il soit impossible de déterminer le parcours scolaire qu'elle aurait suivi ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice ayant résulté pour elle de l'impossibilité de bénéficier de l'apport d'une scolarisation. La part patrimoniale de ce préjudice, tenant à l'incidence de l'absence de scolarisation sur les revenus professionnels, est réparée par l'allocation d'une rente fixée sur la base du salaire médian net mensuel. La part personnelle de ce préjudice ouvre à la victime le droit à une réparation.
16. Il résulte de l'instruction que Mme D..., atteinte d'une déficience intellectuelle importante avec lenteur d'idéation, capacités d'apprentissage réduites et absence de langage, n'a pas pu acquérir les apprentissages scolaires de base au cours de sa prise en charge dans des établissements médico-éducatifs. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la part patrimoniale de ce préjudice scolaire est réparée par l'allocation d'une rente au titre de la perte de gains professionnels, examinée dans le cadre des préjudices permanents.
S'agissant des préjudices permanents :
Quant aux frais divers :
17. En premier lieu, Mme D... a exposé des frais de médecin conseil qui se sont élevés à 4 800 euros afin d'être assistée lors des deux expertises des 29 juin 2018 et 16 novembre 2022.
18. En second lieu, Mme D... justifie avoir exposé des frais de déplacement pour effectuer les trajets entre la maison d'accueil spécialisé et les domiciles de ses parents, pour un montant de 421,50 euros en 2018 et 547,91 euros en 2019, soit un total de 969,41 euros non pris en charge par la sécurité sociale.
Quant aux frais liés au handicap, à l'hébergement et à l'assistance par une tierce personne :
Pour la période passée :
19. D'une part, Mme D..., qui soutient ne bénéficier que de la couverture médicale universelle et non d'une mutuelle, établit avoir supporté un forfait journalier de 20 euros dans le cadre de sa prise en charge, depuis le 15 mai 2017, en maison d'accueil spécialisée. Pour la période courant jusqu'à la date du présent arrêt, le 16 novembre 2023, soit 2 376 jours, et en tenant compte des jours passés à domicile, qui peuvent être évalués à 151 jours par an, le préjudice liés aux frais d'hébergement dans une institution s'élève à 27 600 euros.
20. D'autre part, bien que prise en charge durant la semaine dans une maison d'accueil spécialisée, Mme D... revient au domicile de sa mère les week-ends, les jours fériés et durant les congés. Durant ces périodes qui représentent 151 jours par an, elle nécessite, ainsi que cela a été dit, une assistance permanente. Si l'UDAF de Maine-et-Loire et Mme A... font valoir que ce besoin doit être porté à 28 heures par jour compte tenu de la nécessité, pour certains actes, d'être à deux, une telle configuration a expressément été écartée par le rapport d'expertise qui estime que le recours au lève-personne permet de se dispenser de recourir à deux aides simultanées. Dans ces conditions, la circonstance que tel est le cas dans la maison d'accueil spécialisée ne permet pas de caractériser une telle nécessité. Pour la période passée, en se fondant, à défaut d'autres éléments justificatifs, sur le coût moyen du SMIC horaire augmenté des charges sociales et une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des majorations pour dimanche et jours fériés, le préjudice peut être évalué à 385 347 euros.
21. Enfin, il résulte de l'instruction que Mme D... doit exposer des frais d'appareillage, constitués notamment par un fauteuil roulant, un lève-personne, un lit médicalisé, un matelas de prévention d'escarres, un fauteuil de toilette, un verticalisateur, un corset-siège et un ordinateur à commande oculaire qui représentent chaque année un montant non contesté de 12 013,80 euros. S'y ajoutent des frais de consommables (couches, alèses, gants et produits de toilette, compléments alimentaires épaississants) pour un montant annuel, évalué par la maison d'accueil spécialisée et non contesté, de 1 165,76 euros. Il ressort en outre de l'instruction que ces frais sont exposés y compris durant les périodes où B... séjourne dans cet hébergement spécialisé. Pour la période passée, courant du 15 mai 2016 au 16 novembre 2023, le montant des frais s'élève à 85 793 euros. Il y a lieu de déduire les prises en charge de la sécurité sociale s'agissant de la location d'un lève-malade, le lit médical, un fauteuil roulant manuel, un corset-siège et une gouttière de nuit qui représentent un montant annuel de 4 955,89 euros, soit 32 260 euros sur la période. Le préjudice peut ainsi être fixé à 53 533 euros.
22. Il résulte des trois points précédents que les frais liés au handicap, à l'hébergement et à l'assistance pour une tierce personne représentent une somme de 466 480 euros. Mme D... a perçu, d'une part, la prestation de compensation du handicap à compter du 15 mai 2017, date de la consolidation, pour un montant total de 12 002 euros, et d'autre part l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé pour la période du 15 mai 2017, au 31 juillet 2018, après qu'elle a atteint ses 20 ans, pour un montant non précisé malgré une mesure d'instruction en ce sens. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le CHU à lui verser la somme de 454 478 euros sous réserve de la déduction de l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé.
Pour la période à venir :
23. Si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime résidera à son domicile, ou sera hébergée dans une institution spécialisée, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à son domicile au cours du trimestre, ainsi qu'une rente distincte, dont les modalités de calcul sont définies selon les mêmes modalités, ayant pour objet de l'indemniser des frais liés à son hébergement dans l'institution spécialisée. Il y a également lieu de prévoir l'actualisation régulière des montants respectifs des deux rentes, sous le contrôle du juge de l'exécution, au vu des justificatifs produits par la victime se rapportant au nombre de jours du trimestre au cours desquels celle-ci est prise en charge en institution spécialisée, de l'évolution du coût de cette prise en charge et également, le cas échéant, des prestations versées à ce titre ainsi qu'au titre de l'assistance par une tierce personne. Cette actualisation du montant des rentes ne peut cependant avoir pour effet ni de différer leur versement ni de conduire la victime à avancer les frais correspondants à l'indemnisation qui lui est due.
24. En premier lieu, il y a lieu de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à Mme D... une rente trimestrielle de 1 260 euros, par période à échoir, correspondant au forfait journalier de 20 euros qu'elle supporte au titre de sa prise en charge en maison d'accueil spécialisée, à hauteur de 63 jours par trimestre. Le montant de cette rente sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, sur la base notamment des justificatifs des frais exposés au cours de l'année passée, que Mme D... devra adresser au centre hospitalier, et sera revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
25. En deuxième lieu, sur la base des éléments énoncés au point 20 et en retenant un nombre de 38 jours passés à domicile, il y a lieu de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à Mme D... une rente trimestrielle d'un montant de 14 927 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, par période à échoir, sous déduction du montant de la prestation de compensation du handicap au titre des aides humaines, dont il appartiendra à Mme D... de justifier. Ce montant sera actualisé chaque année au regard des éléments mentionnés ci-dessus, en fonction notamment du temps de présence de Mme D... au domicile de ses proches. Il sera, en outre, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
26. En troisième lieu, le préjudice relatif aux frais de matériel lié au handicap peut être réparé sous forme de rente annuelle, calculée à partir du reste à charge après remboursements de la sécurité sociale, soit un montant de 8 223,67 euros, à verser par période à échoir, sous déduction des aides techniques et spécifiques de la prestation de compensation du handicap, dont il appartiendra à Mme D... de justifier. Ce montant sera revalorisé annuellement en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
Quant aux frais de logement :
27. Il résulte de l'instruction que si Mme D... est prise en charge la plupart du temps dans une maison d'accueil spécialisée, elle séjourne régulièrement, durant les weekends et les congés, chez sa mère, locataire d'un logement de 56 m², qui n'est pas adapté au handicap, ainsi que l'a relevé un ergothérapeute dans son rapport du 28 février 2017, en raison notamment de la dimension de la salle de bains et de l'absence de possibilité d'accueillir une tierce personne. Il ressort également de ce document que Mme D... souhaite faire construire une maison adaptée, et sollicite, pour ce faire, une indemnisation couvrant les frais de construction de ce nouveau logement. Toutefois, le préjudice dont Mme D... peut prétendre obtenir réparation correspond au seul surcoût représenté par la nécessité d'avoir un logement plus spacieux, doté des équipements adaptés et permettant d'accueillir une tierce personne. En l'absence d'éléments suffisants au dossier pour chiffrer ce préjudice, il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction.
Quant aux frais de véhicule adapté :
28. L'état de santé de Mme D... qui effectue plusieurs déplacements par mois entre la maison d'accueil spécialisée et les domiciles de chacun de ses deux parents, requiert un véhicule adapté, suffisamment grand pour pouvoir accueillir son fauteuil. Il résulte de l'instruction que le surcoût engendré par l'acquisition d'un véhicule de type van avec ses équipements d'accessibilité par rapport à un véhicule plus classique a été évalué à
27 890 euros. Par conséquent, pour la période passée, le préjudice s'élève à 27 890 euros. Pour la période à venir, en tenant compte de la nécessité d'un renouvellement tous les dix ans et du taux de capitalisation de 60,458 issu du barème de la Gazette du Palais 2022 pour une femme âgée de 25 ans à la date du présent arrêt, le préjudice peut être fixé à 169 161 euros. En revanche, ainsi que le soutient le CHU, cette indemnisation fait obstacle à ce que soit également indemnisé, pour l'avenir, d'éventuels frais de déplacements en véhicule sanitaire léger (VSL).
Quant aux pertes de gains professionnels et à l'incidence scolaire et professionnelle :
29. Lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à la scolarité et à une activité professionnelle, la circonstance qu'il n'est pas possible, eu égard à la précocité de l'accident, de déterminer le parcours scolaire et professionnel qui aurait été le sien ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive, ainsi que ses préjudices d'incidence scolaire et professionnelle.
30. Dans un tel cas, il y a lieu de réparer tant le préjudice professionnel que la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et professionnelle par l'octroi à la victime d'une rente de nature à lui procurer, à compter de sa majorité et sa vie durant, un revenu équivalent au salaire médian. Cette rente mensuelle doit être fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de la majorité de la victime, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
31. Doivent en être déduits les éventuels revenus d'activité ainsi que, le cas échéant, les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels.
32. Le salaire mensuel médian net s'établissait en 2016, année de la majorité de Mme D..., à 1 710 euros. Par suite, le préjudice subi pour la période allant d'août 2016 à la présente décision calculée en nombre de mois, s'élève à une somme égale à 88 fois ce montant, revalorisé chaque année par application des coefficients annuels prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Il y a lieu de renvoyer Mme D... devant le CHU de Pointe-à-Pitre pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, en déduction de laquelle viendront les sommes perçues par la victime au titre de l'allocation aux adultes handicapés.
33. Pour l'avenir, il y a lieu d'allouer à Mme D..., en réparation de sa perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, préjudice incluant la part patrimoniale de son préjudice scolaire, une rente dont le montant sera calculé sur la base du salaire médian net de 2016, soit 5 130 euros par trimestre, actualisé pour l'année 2023 en fonction des coefficients annuels de revalorisation fixés en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale depuis l'année 2016 et revalorisé annuellement à l'avenir par application des mêmes coefficients. Les sommes perçues par Mme D... au titre de l'allocation aux adultes handicapés viendront, le cas échéant, en déduction de cette rente.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant des préjudices temporaires :
34. Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué par l'expertise du 30 juin 2018 à 100 % pour l'ensemble de la période de sa naissance jusqu'au 15 mai 2017, soit 226 mois. Le préjudice peut ainsi être fixé à 135 600 euros.
35. L'expert a évalué les souffrances endurées à 6,5 sur une échelle de 7 en raison des périodes d'hospitalisation, du nombre de consultations spécialisées, des actes chirurgicaux, des injections de toxine botulique et des prises en charge thérapeutiques. Dans ces conditions, le préjudice peut être fixé à 31 000 euros.
36. Si le centre hospitalier soutient que l'expert n'a pas retenu de préjudice esthétique temporaire, la tétraplégie spastique, la déformation des quatre membres et l'usage d'un fauteuil roulant manuel que l'expert a retenus pour caractériser un préjudice esthétique, qu'il a évalué à cinq sur une échelle de sept, existait déjà lorsque Mme D... était mineure. Eu égard à la durée de plus de dix-neuf ans de la période avant consolidation, le préjudice esthétique temporaire peut être fixé à 15 000 euros.
37. Dans les circonstances de l'espèce, la part personnelle du préjudice scolaire et de formation peut être fixée à 40 000 euros.
S'agissant des préjudices permanents :
38. L'importance des séquelles conservées par Mme D... qui souffre d'une quadriplégie spastique, d'une hypotonie axiale, d'une déformation des membres, d'une ostéopénie, de déficience intellectuelle, d'absence de langage, de troubles de la déglutition et d'incontinence a justifié d'évaluer son incapacité à 95 %. Eu égard à son âge à la date de la consolidation, soit 19 ans, le déficit fonctionnel permanent peut être réparé en allouant la somme de 558 911 euros.
39. La part personnelle de l'incidence professionnelle, liée à l'impossibilité d'exercer une quelconque activité professionnelle, peut être évaluée à 20 000 euros.
40. Ainsi qu'il a été dit, le préjudice esthétique permanent a été évalué à cinq sur une échelle de sept. Il peut donner lieu à une indemnité de 27 000 euros.
41. Si l'expert a estimé qu'il n'existait aucun préjudice d'agrément, compte tenu des séquelles, il n'en demeure pas moins que Mme D... est privée de toute activité de loisirs ou sportive. Dans ces conditions, le préjudice peut être évalué à 15 000 euros.
42. Les préjudices sexuel et d'établissement, évalués par les premiers juges à, respectivement 90 000 euros et 100 000 euros, ne sont pas contestés en appel.
43. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de Pointe-à-Pitre doit être condamné à verser, d'une part, à Mme A... la somme de 1 432 652 euros indiquée au point 14 pour l'assistance par une tierce personne au titre de la période antérieure à la consolidation, sous déduction de la provision de 100 000 euros qu'elle a perçue en qualité de représentante légale de sa fille et, d'autre part, à Mme D... la somme de 1 248 971,58 euros l'indemnité prévue au point 22 pour les frais liés au handicap, aux frais d'hébergement et à l'assistance par une tierce personne pour la période comprise entre la date de consolidation et le présent arrêt, ainsi que les rentes prévues aux points 24 à 26 pour la période à venir, et l'indemnité et la rente prévues aux point 32 et 33 pour les pertes de gains professionnels et la part patrimoniale de l'incidence professionnelle. Il y a en outre lieu d'ordonner un supplément d'instruction sur le préjudice lié aux frais de logement.
Sur les préjudices de Mme A... :
44. Il résulte de l'instruction que Mme A..., âgée de 36 ans à la naissance de sa fille en juillet 1998, n'exerçait pas d'activité professionnelle et avait seulement bénéficié de contrats d'insertion de novembre 1996 à mai 1997 et de juillet 1997 à octobre 1997. Si elle fait valoir que la nécessité de s'occuper de sa fille lui a fait perdre des revenus professionnels, elle ne l'établit pas. Le CHU de Pointe-à-Pitre est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamné à indemniser un tel préjudice.
45. Mme A... a subi un préjudice lié à la douleur ressentie à la vue de la situation vécue par son enfant et qui perdure bien que sa fille soit devenue adulte. Elle a également dû réorganiser sa vie pendant plus de vingt ans pour assurer le suivi et la prise en charge de B..., notamment avec un déménagement en métropole et une séparation d'avec le père de ses enfants. Dans ces conditions, il peut être fait une juste appréciation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence à la somme globale de
50 000 euros, et le CHU de Pointe-à-Pitre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal les a évalués à un total de 200 000 euros.
Sur les conclusions de la caisse :
46. Par l'arrêt avant dire droit du 30 juin 2022, la cour a rejeté expressément les conclusions présentées par la CPAM de Loire-Atlantique. Par suite, comme le fait valoir le CHU, cette dernière ne peut utilement les réitérer postérieurement au dépôt du rapport d'expertise.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
47. Mme D... et Mme A... ont droit aux intérêts au taux légal à compter du 30 août 2012, date de réception de leur demande préalable par le CHU de Pointe-à-Pitre. La capitalisation des intérêts a été demandée le 2 février 2015. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande. Les intérêts sur les indemnités dues pour la période postérieure au 30 août 2012 courront à compter du 31 décembre de l'année à laquelle ces indemnités se rapportent, et seront capitalisés au 31 décembre de l'année suivante et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur les frais liés au litige :
48. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". Aux termes de l'article R. 761-1 de ce code : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
49. D'une part, il résulte des énonciations du jugement attaqué que les frais et honoraires de l'expertise du 18 mars 2009 et ceux de l'expertise du 30 juin 2018, liquidés et taxés respectivement par des ordonnances des 31 mars 2009 et 7 septembre 2018 pour des montants de 3 300 euros et de 1 100 euros, ont été mis à la charge définitive du CHU de Pointe-à-Pitre. Il y a lieu, en outre, de mettre à la charge de ce dernier les frais et honoraires de l'expertise du 6 mars 2023, liquidés et taxés par une ordonnance du 14 mars 2023 pour un montant de 4 400 euros.
50. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre une somme de 2 500 euros, à verser à Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La somme que le CHU de Pointe-à-Pitre a été condamné à verser à l'UDAF de Maine-et-Loire, en qualité de tutrice légale de Mme D..., est ramenée à 1 248 971,58 euros.
Article 2 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme A... la somme de 1 432 652 euros au titre du besoin d'assistance par une tierce personne pour la période antérieure à la consolidation, sous réserve de déduire les sommes perçues par Mme A... au titre de l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé et la prestation de compensation du handicap, ainsi que la provision de 100 000 euros déjà perçue.
Article 3 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une somme de 454 478 euros au titre des frais liés au handicap, des frais d'hébergement et de l'assistance par une tierce personne pour la période comprise entre la date de consolidation et le présent arrêt, sous réserve de déduire l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé perçue au titre de cette période.
Article 4 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D..., en réparation de la part patrimoniale de son préjudice scolaire, de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, pour la période allant d'août 2016 au présent arrêt, une somme correspondant à 88 fois le salaire médian net de 1 710 euros en 2016 revalorisé chaque année par application des coefficients annuels prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, sous réserve de déduire l'allocation aux adultes handicapés perçue au titre de cette période.
Article 5 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D..., en réparation de la part patrimoniale de son préjudice scolaire, de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, pour la période future, une rente calculée sur la base de 5 130 euros par trimestre en 2016 actualisés pour l'année 2023 par application des coefficients annuels de revalorisation fixés en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale depuis l'année 2016, et revalorisée ultérieurement par application des mêmes coefficients, sous réserve de déduire l'allocation aux adultes handicapés perçue.
Article 6 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une rente trimestrielle de 1 260 euros au titre des frais futurs d'hébergement en maison d'accueil spécialisée, dont le montant sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, sur la base des justificatifs qui seront présentés par Mme D..., des frais exposés au cours de l'année passée et des prestations sociales versées à ce titre. Cette rente sera revalorisée chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
Article 7 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une rente trimestrielle de 14 927 euros au titre des frais futurs d'assistance par une tierce personne, dont le montant sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, en fonction du temps de présence de Mme D... au domicile de ses proches et des prestations sociales versées à ce titre. Cette rente sera en outre revalorisée chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
Article 8 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une rente annuelle de 8 223,67 euros à verser par période à échoir, sous déduction des aides techniques et spécifiques dont il appartiendra à cette dernière de justifier. Ce montant sera revalorisé annuellement en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
Article 9 : La somme que le CHU de Pointe-à-Pitre a été condamné à verser à Mme A... en réparation de ses préjudices propres est ramenée à 50 000 euros.
Article 10 : Les condamnations prononcées aux articles 1er à 9 seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 août 2012, ainsi que de la capitalisation des intérêts à compter du 2 février 2015 et à chaque échéance annuelle ultérieure. Les intérêts sur les indemnités dues pour la période postérieure au 30 août 2012 courront à compter du 31 décembre de l'année à laquelle ces indemnités se rapportent, et seront capitalisés au 31 décembre de l'année suivante et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 11 : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt, en ce qu'il a statué sur les préjudices autres que les frais de logement adapté.
Article 12 : Les frais et honoraires de l'expertise déposée le 6 mars 2023, liquidés et taxés à la somme de 4 400 euros par une ordonnance du président de la cour du 14 mars 2023, sont mis à la charge définitive du CHU de Pointe-à-Pitre.
Article 13 : Le CHU de Pointe-à-Pitre versera à Mme A... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 14 : Avant de statuer sur la demande relative au préjudice relatif aux frais de logement adapté, il sera procédé à un supplément d'instruction tendant à la production, par Mme D..., de tout document permettant d'évaluer le surcoût lié à l'adaptation au handicap d'un nouveau logement, qui permettrait en outre d'accueillir une tierce personne, ainsi qu'il a été précisé au point 27. Ces documents devront parvenir au greffe de la cour administrative d'appel avant le 1er mars 2024.
Article 15 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 16 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes, à l'Union départementale des associations familiales de Maine-et-Loire en qualité de tutrice de Mme B... D..., à Mme C... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
Mme E... F..., première assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Anne Meyer
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20BX02414