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09/11/2023 | FRANCE | N°21BX03552

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 21BX03552


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

- sous le n° 1903726, de condamner le département de la Gironde à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral et d'enjoindre au président du conseil départemental de la Gironde de la réintégrer dans ses fonctions, ou à défaut de lui proposer une formation en vue d'une reconversion,

- sous le n° 1906235, d'annuler la décision du 15 juillet 2

019 par laquelle le président du conseil départemental de la Gironde a mis fin à son contr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

- sous le n° 1903726, de condamner le département de la Gironde à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral et d'enjoindre au président du conseil départemental de la Gironde de la réintégrer dans ses fonctions, ou à défaut de lui proposer une formation en vue d'une reconversion,

- sous le n° 1906235, d'annuler la décision du 15 juillet 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Gironde a mis fin à son contrat à durée indéterminée en qualité d'assistante familiale et de condamner le département à lui verser une indemnité de licenciement équivalant à dix mois de salaire brut,

- sous le n° 2001748, d'annuler la décision par laquelle le président du conseil départemental de la Gironde a refusé de lui communiquer l'intégralité du procès-verbal de la commission administrative paritaire du 20 juin 2019, et d'enjoindre à cette autorité de lui communiquer ce document.

Par un jugement nos 1903726, 1906235, 2001748 du 29 juin 2021, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2021, Mme B..., représentée par Me Poudampa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 15 juillet 2019 mettant fin à son contrat à durée indéterminée ;

2°) de mettre à la charge du département de la Gironde une somme de 2 200 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-32 du code

de l'action sociale et des familles relatives au licenciement fondé sur l'absence d'enfant à confier à un assistant familial est entachée d'erreur de droit, dès lors que le motif retenu est un refus

de " repositionnement professionnel " ; l'employeur refusait de lui confier des enfants,

et ne pouvait ainsi se prévaloir de l'absence d'enfants à confier ;

- si la cour requalifiait la décision comme fondée sur les dispositions de

l'article L. 423-10, les accusations du département concernant le cas du jeune D... sont diffamatoires et mensongères, et une plainte pénale est en cours.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2022, le département

de la Gironde, représenté par Me Fillieux, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête, qui ne comporte aucune critique du jugement, est insuffisamment motivée, donc irrecevable ;

A titre subsidiaire :

- le licenciement pouvait être prononcé sur le fondement de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles, et c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les conditions en étaient remplies ;

- le moyen tiré de l'erreur de fait n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Anger-Bourez, représentant le département de la Gironde.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., assistante familiale dans le département de la Dordogne où deux enfants lui étaient confiés au titre de l'aide sociale à l'enfance, dont le jeune D... depuis

le 24 mars 2014, a déménagé en Gironde en décembre 2016, en conservant l'accueil de D... avec l'accord de ses parents et du juge des enfants. Le département de la Gironde l'a recrutée

à compter du 1er juillet 2017. Ses relations avec le service départemental de l'accueil familial

ont été d'emblée difficiles, en particulier au sujet de l'organisation des week-ends et des congés. Les dates de congé choisies par Mme B... en août 2018 coïncidant avec celles de l'assistante familiale relais, il lui a été demandé de les modifier, ce qu'elle a refusé. Le 2 juillet 2018, après avoir mis fin à l'entretien que lui avait proposé l'administration afin de rechercher une solution, Mme B... a été placée en arrêt de travail pour maladie. Alors que cet arrêt avait été

prolongé, le président du conseil départemental de la Gironde lui a indiqué, par lettre

du 14 septembre 2018, que sa posture professionnelle ne permettait plus d'envisager qu'elle poursuive l'accueil de D.... Les discussions avec l'administration en vue de la recherche de nouvelles perspectives professionnelles n'ayant pas abouti, Mme B... a été licenciée par une décision du 15 juillet 2019. Elle a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de trois demandes tendant respectivement à l'annulation de cette décision et au versement d'une indemnité de licenciement, à la condamnation du département de la Gironde à l'indemniser des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un harcèlement moral, et à l'annulation d'un refus implicite

de communication de l'intégralité du procès-verbal de la commission administrative paritaire

du 20 juin 2019. Mme B... relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal, après avoir joint ces demandes, les a rejetées, en tant seulement qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'annulation de la décision de licenciement du 15 juillet 2019.

2. Aux termes de l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles : " L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel ou un assistant familial qu'il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. / L'employeur qui décide de licencier un assistant maternel ou un assistant familial relevant de la présente section doit notifier et motiver sa décision dans les conditions prévues à l'article L. 1232-6 du code du travail. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du préavis éventuellement dû en vertu de l'article L. 773-21. L'inobservation du préavis donne lieu au versement d'une indemnité compensatrice. " Aux termes de l'article L. 423-32 du même code : " L'employeur qui n'a pas d'enfant à confier à un assistant familial pendant une durée de quatre mois consécutifs est tenu de recommencer à verser la totalité du salaire à l'issue de cette période s'il ne procède pas au licenciement de l'assistant familial fondé sur cette absence d'enfants à lui confier. "

3. La décision de licenciement du 15 juillet 2019 est fondée sur des difficultés de collaboration avec les différents professionnels de la direction générale adjointe chargée de la solidarité, ainsi que sur un positionnement professionnel inadapté, ne permettant plus au département de proposer de nouveaux accueils à domicile à l'intéressée. Le licenciement est ainsi fondé sur un motif autre qu'une absence d'enfant à confier, de sorte que Mme B... est fondée à soutenir que la décision est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle est fait application des dispositions de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles.

4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié des garanties prévues par les dispositions de l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles, avec notamment un entretien préalable, et elle évoque elle-même la possibilité d'une substitution de base légale.

5. Il ressort des pièces produites en première instance par le département de la Gironde que Mme B..., lors de discussions avec son époux, a évoqué de manière régulière et inadaptée, devant D..., un conflit avec le département de la Dordogne pour " récupérer " le second enfant qu'ils accueillaient avant le déménagement en Gironde, qu'elle a refusé le calendrier établi par le service pour permettre à la mère de D... d'exercer son droit d'hébergement

les 25 et 26 décembre 2017, ce qui a nécessité une nouvelle organisation, qu'elle a sollicité à plusieurs reprises l'interruption des calendriers mis en place dans le cadre de l'accueil de l'enfant certains week-ends par une assistante familiale relais chargée de la remplacer durant ses congés, et qu'elle a sollicité ses congés d'été aux dates retenues par cette dernière. Devant le refus de Mme B... d'envisager un aménagement de ses congés dans l'intérêt de D..., âgé de quatre ans et demi, le service départemental d'accueil familial a élaboré un projet d'organisation devant lui être proposé lors d'un entretien le 2 juillet 2018, auquel elle a mis fin précipitamment en claquant la porte. L'attitude vindicative et irrespectueuse de Mme B..., qui ressort notamment du ton et du contenu de son courrier du 9 juillet 2018 à la directrice du pôle solidarité vie sociale, s'est également traduite par des insultes et des menaces à l'encontre d'une assistante sociale

qui avait pris contact téléphoniquement avec elle le 23 mai 2018 au sujet de sa demande

de congés. Eu égard à ces éléments précis et concordants, Mme B... n'est pas fondée à contester la matérialité des faits, constituant un motif réel et sérieux, ayant conduit à son licenciement, et il y a lieu de substituer l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles à l'article L. 423-32, retenu à tort par le département, comme fondement légal de la décision de licenciement.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin

de non-recevoir opposée en défense, que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 15 juillet 2019.

7. Mme B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander qu'une somme soit mise à la charge du département de la Gironde au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le département de la Gironde à l'occasion

du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Gironde au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au département de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX03552


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03552
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : POUDAMPA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-09;21bx03552 ?
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