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09/11/2023 | FRANCE | N°21BX01530

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 21BX01530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

- d'annuler l'arrêté du 28 mai 2020 par lequel la présidente du centre communal d'action sociale (CCAS) de Bruges lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, assortie d'un sursis d'un an ;

- d'enjoindre au CCAS de Bruges de la réintégrer et de reconstituer sa carrière, ses droits à l'avancement et à la retraite, et de procéder au retrait de cette sanction de son dossier individuel ;

- de

condamner le CCAS de Bruges à lui verser, d'une part, une somme

de 11 234,43 euros, somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

- d'annuler l'arrêté du 28 mai 2020 par lequel la présidente du centre communal d'action sociale (CCAS) de Bruges lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, assortie d'un sursis d'un an ;

- d'enjoindre au CCAS de Bruges de la réintégrer et de reconstituer sa carrière, ses droits à l'avancement et à la retraite, et de procéder au retrait de cette sanction de son dossier individuel ;

- de condamner le CCAS de Bruges à lui verser, d'une part, une somme

de 11 234,43 euros, somme à parfaire, en réparation de son préjudice tiré de la perte de ses traitements, primes et indemnités et d'autre part, une somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un jugement n° 2002898 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2021, et des mémoires enregistrés les 18 juillet et 26 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Valdès, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 février 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 mai 2020 par lequel la présidente du centre communal d'action sociale (CCAS) de Bruges lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, assortie d'un sursis d'un an ;

3°) d'enjoindre au CCAS de Bruges de procéder au retrait de cette sanction de son dossier individuel, de la réintégrer dans le service et de reconstituer sa carrière, ses droits à avancement et à retraite ;

4°) de condamner le CCAS de Bruges à lui verser, dans le dernier état de ses écritures, d'une part, une somme de 47 495,84 euros, somme à parfaire, en réparation de son préjudice tiré de la perte de ses traitements, primes et indemnités et d'autre part, une somme de 5 000 euros

au titre de son préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge du CCAS de Bruges, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 28 mai 2020 est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, de sorte qu'elle ne peut pas connaître avec précision les faits qui lui sont reprochés ;

- les faits ne sont pas établis ; le tribunal administratif s'est exclusivement appuyé sur les pièces fournies par le CCAS ; or, l'enquête administrative du CCAS ne repose que sur des allégations et est entachée de partialité ; d'ailleurs Mme B... n'a pas déposé de plainte au pénal contre elle ;

- la qualification juridique qui a été donnée aux faits reprochés est, en tout état de cause, erronée ; elle n'a jamais excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique vis-à-vis de Mme B... ; on ne saurait qualifier les faits reprochés d'agissements de harcèlement moral ; elle n'avait aucune intention de nuire à Mme B... ; c'est cette dernière qui s'est mise dans cette position et a opté pour une posture de victime ; il n'est pas établi que l'état de santé de Mme B... ait été en relation avec le service ; c'est elle qui aurait dû bénéficier de la protection fonctionnelle ;

- la sanction est entachée de partialité, dès lors qu'il n'a pas été tenu compte du comportement de Mme B... ; celle-ci ne remplissait pas correctement les missions qu'elle lui confiait et son comportement était irrespectueux ;

- la sanction est disproportionnée ;

- en conséquence de l'illégalité de la sanction, elle demande l'effacement de la sanction de son dossier, sa réintégration, et la reconstitution de ses droits à avancement et à retraite ;

- elle servait la collectivité depuis 30 ans, et elle a perdu un poste d'encadrement d'un service de 80 personnes, sa nouvelle bonification indiciaire (NBI), un an de salaires et de cotisations pour sa retraite ; son préjudice financier s'élève à la somme de 17 495,84 euros ; ses bulletins de salaire en justifient ; elle sollicite également 5 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 avril et 10 octobre 2022, le CCAS

de Bruges, représenté par Me Noël, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative.

Il fait valoir que :

-les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Mme A... et de son conseil, Me Valdés, et de Me Deyris, représentant le centre communal d'action sociale de Bruges.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A... a été recrutée par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Bruges (Gironde) en 1988, et titularisée en 1989 en qualité de directrice de crèche collective. Elle a ensuite exercé les fonctions de responsable Petite enfance, puis de coordinatrice Petite enfance depuis 2006. Elle a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire

de cinq jours avec sursis en 2017 pour des propos blessants et vexatoires. Par un courrier

du 18 juillet 2019, le CCAS de Bruges, qui avait prononcé une suspension pour quatre mois

le 28 juin 2019 en diligentant une enquête administrative sur son comportement, a informé Mme A... de son intention de lui infliger une nouvelle sanction disciplinaire, du

troisième groupe cette fois, consistant en une exclusion temporaire de fonctions de deux ans pour des faits de harcèlement moral commis à l'encontre de Mme B..., recrutée en février 2018 au poste d'assistante Petite enfance. Par un courrier du 14 octobre 2019, Mme A... a été informée de la saisine du conseil de discipline, qui a rendu à l'unanimité, le 4 novembre 2019, un avis favorable à une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, dont un an avec sursis. Mme A... étant en congé maladie au moment de cette procédure, la présidente du CCAS de Bruges a, par un arrêté du 28 mai 2020, prononcé une exclusion temporaire de fonctions de deux ans, dont un an avec sursis sous réserve qu'aucune sanction du 2e ou 3e groupe ne soit édictée à son encontre dans un délai de cinq ans, prenant effet à compter du 6 juin 2020. Par une ordonnance du 29 juillet 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l'exécution de l'arrêté du 28 mai 2020 et a enjoint à la commune de Bruges de réintégrer provisoirement la requérante dans ses fonctions. Le CCAS de Bruges a édicté un arrêté le 30 juillet 2020 réintégrant provisoirement Mme A... au sein de ses effectifs. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux

du 9 février 2021, qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté

du 28 mai 2020, d'autre part, à la condamnation du CCAS de Bruges à l'indemniser à hauteur

de 47 495,84 euros en réparation de son préjudice financier et de 5 000 euros en réparation

de son préjudice moral.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) infligent une sanction ". L'article L. 211-5 de ce code précise que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...) L'avis de cet organisme [le conseil de discipline] de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

3. L'arrêté du 28 mai 2020 mentionne qu'alors " qu'il a été demandé à Mme A... de modifier son comportement et ses relations interpersonnelles professionnelles " comme le montrent ses entretiens professionnels de 2016, 2017 et 2018, il lui est reproché de ne pas avoir " modifié son comportement malgré la sanction appliquée en 2017 ", d'avoir " refusé d'accompagner et isolé Mme B... dans sa prise de poste ", d'avoir alimenté " des relations fermées ", tenu " des propos vexatoires, blessants et dégradants à l'encontre de Mme B... ", d'avoir " limité le champ d'intervention de Mme B... à des tâches d'exécution, sans autonomie et prise d'initiative ", et d'avoir " été rappelée à l'ordre à de multiples reprises par sa responsable hiérarchique et que cette dernière a proposé des solutions opérationnelles pour améliorer la situation sans que Mme A... ne le mette en œuvre [sic] ". Par ailleurs, ce même arrêté se réfère explicitement aux signalements émis par Mme B... à l'encontre de Mme A... entre juin 2018 et avril 2019, à un rapport hiérarchique sur la manière de communiquer non adaptée de Mme A... en date du 6 juin 2019, à une enquête administrative réalisée sur la direction Petite enfance en juillet 2019, au rapport de saisine du conseil de discipline en date du 14 octobre 2019 et à l'avis dudit conseil du 4 novembre 2019. Une telle motivation était suffisante pour permettre à Mme A... de connaître les faits que l'autorité disciplinaire lui reprochait et ainsi les motifs de la sanction. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui avait déjà fait l'objet d'une sanction disciplinaire en 2017 pour des faits similaires, s'était vue rappeler à l'ordre plusieurs fois par sa hiérarchie en raison de son comportement relationnel vis-à-vis de Mme B..., avait été destinataire de l'entier dossier constitué par le CCAS à l'attention du conseil de discipline, était présente lors de la séance de ce conseil et s'est vue notifier son avis. Elle ne saurait donc sérieusement prétendre qu'elle n'avait pas une connaissance précise des faits reprochés. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation en fait de l'arrêté portant sanction ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; (...) ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Mme A... soutient tout d'abord que la matérialité des faits reprochés n'est pas établie et qu'en tout état de cause, leur qualification juridique est erronée.

7. Cependant, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, très rapidement après sa prise de poste en février 2018, Mme B... a informé la directrice du CCAS, Mme D..., des difficultés relationnelles qu'elle rencontrait avec Mme A.... La situation se dégradant, elle a effectué plusieurs signalements auprès de la directrice, de juin 2018 à avril 2019, produits par le CCAS, détaillant l'attitude et les propos de Mme A... à son égard. Il ressort des signalements ainsi effectués que Mme A... tenait fréquemment des propos humiliants ou dégradants quant aux compétences de Mme B..., y compris en public lors de l'accueil des familles, critiquant son travail, parlant d'elle à la troisième personne en sa présence, tournant physiquement autour d'elle pour vérifier son travail en permanence. Il ressort également de ces signalements que, bien que Mme A... ait été convoquée à plusieurs entretiens par Mme D..., son attitude vis-à-vis de Mme B... n'a cependant pas changé, ni même après que Mme B... ait cessé d'être placée sous son autorité hiérarchique à compter du mois de janvier 2019. Pour édicter la sanction en litige, la présidente du CCAS s'est également fondée sur le rapport hiérarchique portant sur la manière de communiquer non adaptée de la requérante, établi par la directrice du CCAS le 6 juin 2019 et portant sur des faits s'étant déroulés de 2017

à 2019, ainsi que sur l'enquête administrative menée sur la direction Petite enfance en

juillet 2019. Au titre de cette enquête, réalisée les 28 juin et 9 juillet 2019, ont été auditionnées la directrice de la crèche familiale, la directrice de la crèche du Petit Prince, une éducatrice de jeunes enfants au sein de la crèche, une agente subordonnée de Mme A... durant plusieurs années, et l'agente en charge du multi-accueil Arc-en-Ciel. Leurs témoignages, effectués selon une trame d'entretien unique, qui sont précis et concordants, attestent des comportements et propos désobligeants ou vexatoires de Mme A... envers Mme B..., fréquemment réitérés, notamment lors des réunions de groupe de travail ou en présence de familles au sein de l'accueil de l'établissement, et d'une dégradation corrélative de plus en plus marquée de l'état de santé de Mme B.... Si en appel Mme A... conteste la recevabilité de deux de ces témoignages, au motif qu'ils n'ont pas été établis sur un formulaire Cerfa et qu'ils ne seraient pas accompagnés des cartes nationales d'identité des déclarantes, d'une part, aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait que les auditions menées par l'administration au cours d'une enquête interne soient consignées sur un formulaire particulier et, d'autre part et en tout état de cause, le CCAS produit les documents d'identité de ces deux personnes en appel. Si Mme A... fait également valoir que l'administration a instruit son dossier disciplinaire à charge, ne s'étant fondée que sur des témoignages en sa défaveur, il est constant que la requérante, pas plus en appel qu'en première instance, ne produit de témoignages ou d'élément de preuve déniant les faits reprochés. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier, que, par un arrêté du

27 juin 2017, la requérante avait fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de cinq jours assortie d'un sursis, pour des comportements vexatoires et dévalorisants vis-à-vis de ses subordonnées, pour une excessive rigidité relationnelle et professionnelle et un manquement au devoir de courtoisie à l'égard de ses subordonnées Dans ces conditions, les faits ayant fondé la sanction disciplinaire doivent être regardés comme établis.

8. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi

du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Par ailleurs, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

9. Il ressort des pièces du dossier que les faits en cause ont été subis durant 16 mois par Mme B..., dès son arrivée dans le service en février 2018 jusqu'à mai 2019. Les propos irrespectueux, vexatoires ou agressifs répétés tenus par Mme A... sur les capacités et les compétences de Mme B... ont été de nature à affecter sa propre estime de soi, à l'origine d'une dégradation de sa santé morale constatée tant par ses collègues que par son compagnon ainsi que par la direction du CCAS, et à porter atteinte à sa dignité, particulièrement lorsque ces propos étaient tenus en présence de public. Les comportements sus-décrits de Mme A... à son égard ont ainsi entraîné des conséquences néfastes sur la santé physique et mentale de Mme B..., caractérisées notamment, d'abord par des tensions musculaires, puis par le développement d'un syndrome anxio-dépressif chez une personne qui n'avait jamais souffert de tels troubles, établis par un certificat médical du 18 février 2019, ce qui lui a valu deux arrêts maladie, dont l'un a excédé un mois. Par suite, Mme B... doit être regardée comme ayant été confrontée à des comportements ou des propos réitérés excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, ayant conduit à une dégradation de ses conditions de travail et ayant porté atteinte à sa dignité ainsi qu'à sa santé physique et mentale, éléments constitutifs d'une situation de harcèlement moral, dont l'auteur est Mme A..., ce qui constitue un comportement fautif de sa part. Si cette dernière fait valoir que l'administration s'est montrée partiale en ne prenant pas en compte le comportement professionnel de Mme B..., dont elle prétend qu'elle ne remplissait pas correctement ses missions et aurait eu des attitudes irrespectueuses, il ressort au contraire des pièces du dossier, et en particulier des auditions des 28 juin et 9 juillet 2019 menées au titre de l'enquête interne, que la manière de servir et le comportement de Mme B... étaient appréciés très favorablement par ses collègues, qui la jugent parfaitement compétente, très disponible et capable d'effectuer rapidement un travail de qualité, volontaire, chaleureuse, souriante et réservant un très bon accueil aux familles. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble de ces éléments, et nonobstant la circonstance que Mme B... n'ait pas formé de plainte au pénal ou celle que Mme A... ait fait preuve de ses compétences depuis des années, la présidente du CCAS de Bruges n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que les faits commis par Mme A... pouvaient être qualifiés d'agissements constitutifs de harcèlement moral.

10. Mme A... soutient ensuite qu'à supposer les faits avérés, la sanction prononcée serait disproportionnée.

11. Cependant, il ressort des pièces du dossier, comme l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges que, compte tenu de la gravité des faits en cause, de leur répercussion sur l'état de santé de Mme B..., de leur réitération sur une durée de seize mois malgré les nombreux avertissements de la direction du CCAS, la sanction adoptée consistant en une suspension de fonctions pour une durée de deux ans, dont un an avec sursis, n'est pas disproportionnée.

Sur les conclusions indemnitaires :

12. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de faute commise par le CCAS de Bruges de nature à engager sa responsabilité, les conclusions aux fins d'indemnisation du préjudice financier et du préjudice moral allégués de Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme A... soit mise à la charge du CCAS de Bruges, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande le CCAS au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Bruges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et à la présidente du centre communal d'action sociale de Bruges.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

Florence C...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

21BX01530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01530
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : VALDES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-09;21bx01530 ?
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