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08/11/2023 | FRANCE | N°21BX03673

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 novembre 2023, 21BX03673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du Fer à Cheval a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 du maire de la commune de Chatenet portant alignement individuel au droit de sa propriété et de lui enjoindre d'adopter un nouvel arrêté d'alignement respectant les limites de sa propriété.

Par un jugement n° 1902147 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2021, la

SCI du Fer à Cheval, représentée par Me Gomez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du Fer à Cheval a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 du maire de la commune de Chatenet portant alignement individuel au droit de sa propriété et de lui enjoindre d'adopter un nouvel arrêté d'alignement respectant les limites de sa propriété.

Par un jugement n° 1902147 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2021, la SCI du Fer à Cheval, représentée par Me Gomez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Chatenet du 9 juillet 2019 portant alignement individuel de sa propriété ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Chatenet d'édicter un nouvel arrêté d'alignement respectant les limites de sa propriété dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Chatenet une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a jamais consenti au bornage amiable diligenté par la commune et rien n'établit que la délimitation retenue dans l'arrêté d'alignement litigieux reposerait sur l'expertise d'un géomètre expert ;

- les terrains supportant la végétation en bordure de voirie sont compris dans sa propriété et le domaine public routier, dont la végétation n'est pas l'accessoire indispensable, ne saurait s'y étendre en méconnaissance de son droit de propriété ;

- la délimitation du domaine public routier par l'arrêté en cause est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle empiète sur l'endroit où se situe le système d'assainissement de l'immeuble depuis sa construction ; elle est également incohérente en ce qu'elle retient une largeur de plus de quatre mètres de la voie au seul endroit du virage, alors en outre que l'acte authentique d'acquisition de l'immeuble indiquait une largeur de la voie de trois mètres à cet endroit ; cette délimitation est également contraire aux mesures adoptées par la commune à l'occasion du classement du chemin en voie communale en 2008 ; la délimitation est inexacte en particulier au point D, la bouche d'assainissement non collectif de l'immeuble étant entourée d'herbe et non de bitume ;

- l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir dès lors que le maire a reporté sur sa propriété l'empiètement des voisins sur la voie publique, voisins avec lesquels un adjoint au maire entretient une relation amicale.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2022, la commune de Chatenet, représentée par Me Sainte Marie Pricot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la SCI du Fer à Cheval au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté litigieux n'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la propriété de la société requérante et les demandes présentées au titre d'un empiètement de la voie publique sur cette propriété doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaitre ;

- les moyens soulevés par la SCI du Fer à Cheval ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2022.

Un mémoire présenté par la SCI du Fer à cheval a été enregistré le 9 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- les observations de Me Caparros représentant la SCI du Fer à Cheval et de Me Sainte Marie Pricot, représentant la commune de Chatenet.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI du Fer à Cheval a fait l'acquisition, le 25 avril 2016, d'un terrain et d'un immeuble situés au lieu-dit " Chez Jeanneau " sur le territoire de la commune de Chatenet. Par un courrier du 13 septembre 2016, le maire de la commune l'a informée de la nécessité de régulariser son installation d'assainissement qui n'était pas conforme à la réglementation et, envisageant de le faire au droit de la voie communale bordant sa propriété, la société a sollicité l'édiction d'un arrêté d'alignement qui a été pris par le maire de la commune le 9 juillet 2019. Insatisfaite des limites retenues, la SCI du Fer à Cheval a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 7 juillet 2021par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. / Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique ouverte par l'autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale, propriétaire de la voie, et organisée conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration la limite entre voie publique et propriétés riveraines. / L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine. " Il résulte de ces dispositions, qu'en l'absence de plan d'alignement, l'alignement individuel, qui n'emporte aucun effet sur le droit de propriété des riverains, ne peut être fixé qu'en fonction des limites actuelles de la voie publique en bordure des propriétés riveraines, empiètement éventuels inclus.

3. En l'absence de plan d'alignement dans la zone du lieu-dit " Chez Jeanneau ", l'arrêté d'alignement sollicité par la SCI du Fer à Cheval auprès du maire de la commune de Chatenet devait constater les limites de fait de la voie publique au droit de sa propriété. Cette limite a été déterminée au nord, à l'est et au sud de la parcelle B 1285, propriété de la société requérante, par 10 points, relevés sur le plan joint à l'arrêté d'alignement, identifiés de A à J et reliés entre eux par des lignes droites. S'agissant de la portion située entre les points A et B, il ressort de ce document et des photographies produites au dossier que la délimitation retenue par le maire de la commune se situe, parallèlement à la route, à 1 mètre de l'enrobé vers l'intérieur de la parcelle de la société requérante. La commune n'établit ni même n'allègue que cette bande de terrain herbeuse serait nécessaire à la circulation ou à la sécurité des usagers de la voirie et qu'elle constituerait, de ce fait, un accessoire du domaine public routier. A hauteur des points C et D, le tracé de la voie retenu par le maire inclut respectivement les dernières marches du perron de la SCI requérante et la bouche d'assainissement de son immeuble, située sur une bande de terrain herbeuse. Il passe ensuite au point E dans une haie et au point F au-delà de la haie bordant le terrain de la société requérante. La délimitation retenue par l'arrêté litigieux ne saurait ainsi être regardée comme correspondant aux limites actuelles de la voie, étant sans incidence sur cette appréciation la circonstance, à la supposer établie, que le perron de l'immeuble et la végétation située en bordure de terrain soient le résultat d'empiètement commis par la SCI du Fer à Cheval sur le domaine public communal. Enfin, s'agissant des portions situées entre les points G et H ainsi que I et J, pour lesquelles il ressort des mêmes éléments que la délimitation retenue par la commune se situe respectivement à 2m20 et 2m50 de l'enrobé de la voirie vers l'intérieur du terrain de la société requérante, la commune n'explique pas les raisons pour lesquelles un accotement de cette largeur serait nécessaire à la circulation ou à la sécurité des usagers de la voirie, faisant de ces portions de terrains, visiblement à l'extérieur des limites actuelles de la voie, un accessoire du domaine public routier. Dans ces conditions, la SCI du Fer à Cheval est fondée à soutenir que le maire de la commune de Chatenet s'est mépris quant aux limites réelles de la voie publique et a entaché l'arrêté d'alignement litigieux d'une erreur d'appréciation.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner un constat contradictoire par un géomètre expert, que la SCI du Fer à Cheval est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté d'alignement du 9 juillet 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le maire de la commune de Chatenet prenne une décision dans un sens déterminé ni, en toute hypothèse, qu'il prenne un nouvel arrêté d'alignement " respectant la limite de propriété " de la société requérante, comme elle le demande. En revanche, les motifs de l'arrêt impliquent nécessairement que le maire de la commune, qui se trouve à nouveau saisi de la demande de la SCI du Fer à Cheval, prenne un nouvel arrêté d'alignement dans un délai qu'il y a lieu de fixer à trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI du Fer à Cheval, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Chatenet au titre des frais exposés pour les besoins de l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI du Fer à Cheval et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 juillet 2021 et l'arrêté d'alignement du maire de la commune de Chatenet du 9 juillet 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Chatenet de prendre une nouvelle décision sur la demande de la SCI du Fer à Cheval dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Chatenet versera à la SCI du Fer à Cheval la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Fer à Cheval et à la commune de Chatenet.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2023.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03673 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03673
Date de la décision : 08/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : LAVALETTE AVOCATS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-08;21bx03673 ?
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