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07/11/2023 | FRANCE | N°23BX01334

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 07 novembre 2023, 23BX01334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2300048 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
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Par une requête enregistrée le 16 mai 2023, Mme A..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2300048 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Meaude, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard et lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou à lui-même en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative si l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordée.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Pauline Reynaud.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante albanaise née le 13 avril 1974, est entrée en France le 8 juillet 2022. L'intéressée a sollicité le 2 août 2022 son admission au titre de l'asile. Par une décision du 21 novembre 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande. Par un arrêté du 13 décembre 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement n° 2300048 du 23 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2022.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Par décision du 25 mai 2023, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par le bureau d'aide juridictionnelle. Par suite, ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France le 8 juillet 2022, soit environ six mois seulement avant l'arrêté attaqué. Par ailleurs, la circonstance que le fils et la fille de la requérante, majeurs, résident régulièrement sur le territoire français ne lui donne pas un droit au séjour, alors qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir l'intensité et la stabilité de ses liens avec ses enfants. La requérante n'apporte enfin pas d'éléments de nature à démontrer l'existence de liens personnels stables sur le territoire, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine, où elle a vécu la majorité de sa vie. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire en litige ne porte pas au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations précitées. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

6. Mme A... soutient souffrir d'un stress post-traumatique très complexe pour lequel elle est suivie sur le plan psychologique auprès de l'association Ruelle et produit à cet égard une attestation établie le 11 avril 2023 par un psychologue, précisant les différents symptômes manifestés par l'intéressée. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que Mme A... aurait formé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'elle aurait informé la préfète de la Gironde de son état de santé dans le cadre de cette demande de titre. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 611-3 pour contester la décision portant obligation de quitter le territoire prise à son encontre.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. Mme A... soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour en Albanie dès lors qu'elle ne serait pas en mesure d'assurer sa sécurité et risque d'être retrouvée par son ancien compagnon qui lui a fait subir des violences sexuelles. Toutefois, la requérante, dont au demeurant la demande d'asile a été rejetée par la CNDA le 30 mars 2023, ne produit aucun élément permettant d'établir la réalité de ses allégations, et qu'elle serait personnellement exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, la décision attaquée vise les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et mentionne que Mme A... est entrée récemment en France, et qu'elle ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Par suite, cette décision, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée très récemment en France, soit seulement six mois avant la date de la décision attaquée. Par ailleurs, elle ne justifie pas de l'existence de liens stables et intenses en France et ne justifie d'aucune insertion particulière sur le territoire français. Par suite, et alors même qu'elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, ni ne constitue une menace à l'ordre public, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en édictant, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre,

Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

Pauline Reynaud La présidente,

Evelyne Balzamo,

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01334
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : MEAUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-07;23bx01334 ?
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