La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2023 | FRANCE | N°23BX01193

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 07 novembre 2023, 23BX01193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2205934 du 30 décembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du trib

unal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2205934 du 30 décembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2023, M. C..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux du 30 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 21 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est illégal du fait de l'annulation, par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 décembre 2022, de l'arrêté du 21 octobre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de délivrer un titre de séjour à son fils B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien, déclare être entré en France le 26 septembre 2021 accompagné de son fils majeur B.... Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2022. Par un arrêté du 21 octobre 2022, la préfète de la Gironde a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2022.

Sur la légalité de l'arrêté du 21 octobre 2022 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le fils de M. C..., B..., âgé de 20 ans, est atteint de rachitisme hypophosphamétique, pathologie osseuse qui provoque des déformations douloureuses des membres inférieurs et une perte d'autonomie lui imposant notamment de se déplacer en fauteuil roulant. Par un jugement du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 21 octobre 2022 par laquelle la préfète de la Gironde a obligé B... C... à quitter le territoire français au motif que cette décision, compte tenu de la gravité de la pathologie de l'intéressé et de la spécificité du traitement dont il bénéficie en France, méconnaissait les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les droits au séjour de ce dernier sont donc en cours de réexamen. Or, il ressort des attestations établies le 11 octobre 2022 par un médecin rhumatologue et le 7 novembre 2022 par un médecin généraliste que l'état de santé de B... C... nécessite la présence de son père pour l'ensemble des activités quotidiennes. Si le préfet soutient qu'il n'est pas établi que l'assistance du fils du requérant ne pourrait être assurée par une autre personne que ce dernier, il n'est toutefois pas contesté que M. C... assure personnellement depuis de nombreuses années cette assistance auprès de son fils, lequel n'est pas en mesure de s'exprimer en français, et les éléments du dossier corroborent les attestations médicales susmentionnées dont il résulte que, eu égard aux caractéristiques de l'affectation invalidante en cause et du lien unissant B... à son père, la présence de ce dernier à ses côtés s'avère indispensable. Dans ces conditions, eu égard à ce lien particulier et en dépit de son arrivée récente sur le territoire national, le requérant doit être regardé comme disposant du centre de ses intérêts privés et familiaux en France tant que son fils invalide y séjourne. Par suite, en refusant de délivrer à M. C... un titre de séjour et en prenant à son encontre une mesure d'éloignement, la préfète de la Gironde a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2022 de la préfète de la Gironde.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Lanne, conseil de M. C..., sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2205934 du 30 décembre 2022 du tribunal administratif de Pau et l'arrêté du 21 octobre 2022 de la préfète de la Gironde sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me Lanne, conseil de M. C..., sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Gironde et à Me Lanne.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

M. Laurent Pouget, président de la 3ème chambre,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

Le président-rapporteur,

Laurent Pouget

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01193
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : LANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-07;23bx01193 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award