La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2023 | FRANCE | N°23BX01015

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 07 novembre 2023, 23BX01015


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure contentieuse :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2202919 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Pau a admis à titre provisoire M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté le sur

plus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 av...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure contentieuse :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2202919 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Pau a admis à titre provisoire M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 avril 2023, M. B..., représenté par Me Massou dit C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2202919 du 30 décembre 2022 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler la décision du 28 juillet 2022 par laquelle le préfet de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de circuler sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui communiquer l'ensemble des pièces sur la base desquelles l'arrêté a été pris ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet retient des pièces dont il est privé pour sa défense ; le tribunal pouvait enjoindre à l'administration de communiquer son entier dossier contrairement à ce qu'il a jugé ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

- le droit d'être entendu et les droits de la défense en application des principes généraux du droit de l'Union Européenne, de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnus ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale ;

- l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme a été méconnu ;

S'agissant du refus de délai de départ volontaire :

- l'analyse du tribunal est erronée en ce qui concerne la menace à l'ordre public ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- le tribunal ne statue pas sur la contestation du pays de renvoi ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait, en invoquant son renvoi en Roumanie ;

- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'article 3 de la convention européenne des droits de l'Homme a été méconnu ;

S'agissant de l'interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de deux ans :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la menace à l'ordre public n'est pas caractérisée ;

- l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme a été méconnu.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 septembre 2023, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Bénédicte Martin a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 24 septembre 1999 et de nationalité italienne et marocaine, relève appel du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Pau qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 juillet 2022 par laquelle le préfet de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II. ".

3. Il ressort du jugement attaqué que M. B... avait demandé au tribunal de communiquer l'entier dossier sur la base duquel l'administration a pris la mesure de rétention en invoquant l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et dont les dispositions ont été reprises par celles précitées de l'article L. 613-4 du même code. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet a produit devant le tribunal les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise, qui ont été communiquées au requérant. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire par le tribunal doit, par suite, être écarté.

4. Il ressort de l'examen du jugement attaqué qu'il ne répond pas au moyen invoqué par M. B..., soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, tiré du défaut de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, moyen qui n'était pas inopérant. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que le jugement est pour ce motif entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

5. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi et, par la voie de l'effet dévolutif, sur le surplus des conclusions de sa requête d'appel.

Sur les conclusions aux fins de communication de pièces :

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet de la Vienne a communiqué, en annexe de son mémoire en défense du 18 novembre 2022, les pièces sur le fondement desquelles les décisions litigieuses ont été édictées et que ce mémoire et ces pièces ont été communiqués au requérant. Si M. B... demande la communication de son entier dossier, il n'apporte aucune précision sur la nature des pièces manquantes qui ne lui auraient pas été communiquées. Par suite, ses conclusions aux fins de communication doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". La décision obligeant M. B... à quitter le territoire français vise les textes applicables à sa situation et comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des considérations de fait sur lesquelles le préfet de la Vienne s'est fondé et, notamment, fait mention de sa situation personnelle et familiale ainsi que des éléments déclarés par l'intéressé, relatifs à sa vie professionnelle. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

8. Si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance par une autorité d'un État membre est inopérant. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Par ailleurs, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu avoir une influence sur le contenu de la décision. En l'espèce, si M. B... soutient qu'il n'a pas été informé de ce qu'une obligation de quitter le territoire français pouvait être prise à son encontre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : /1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; /2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...)/L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine. " et aux termes de l'article L. 233-1 du même code : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes :/1° Ils exercent une activité professionnelle en France ;/ 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ;/ (...) 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ;

(...) ".

10. Il appartient à l'autorité administrative d'un Etat membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été interpellé et placé en garde à vue le 26 juillet 2022 dans le cadre d'une enquête pour des faits de violences sur conjoint. S'il conteste être coupable de faits de violences conjugales et invoque le principe de présomption d'innocence en l'absence de condamnation pénale, rien ne faisait obstacle, au regard des dispositions rappelées au point 9, à ce que le préfet de la Vienne prenne en compte ces faits dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de police administrative, et ce alors qu'il résulte du procès-verbal d'audition du 27 juillet 2022 que la victime, sur le corps duquel l'agent de police judiciaire a constaté des blessures apparentes, a fait une déclaration concordante quant à la matérialité des faits qui sont reprochés à l'appelant. Il ressort également des pièces du dossier que si M. B... justifie travailler en France dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel depuis le 19 mai 2021, en qualité de coiffeur et être hébergé par sa mère, il a indiqué, lors des auditions effectuées par les services de police les 4 mars et 27 juillet 2022 être sans profession et sans ressource. Dans ces conditions, et eu égard à la particulière gravité des faits en cause, le préfet de la Vienne n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en estimant que le comportement personnel de M. B... constituait, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société.

12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

13. M. B... déclare être entré en France en janvier 2019 et y être revenu pour la dernière fois au cours de l'année 2020. S'il soutient résider chez sa mère à Poitiers, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans enfant à charge et ne justifie d'aucune intégration sociale et professionnelle significative. Il ne produit aucune pièce de nature à justifier de la réalité et de l'intensité des liens personnels et familiaux entretenus en France. Eu égard à la durée et à ses conditions de séjour en France, la mesure d'éloignement n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :

14. Aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision. /L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence et ne peut l'allonger qu'à titre exceptionnel. ".

15. La notion d'urgence prévue par les dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être interprétée à la lumière des objectifs de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004. Aussi, il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'urgence à éloigner sans délai de départ volontaire un citoyen de l'Union européenne ou un membre de sa famille doit être appréciée par l'autorité préfectorale, au regard du but poursuivi par l'éloignement de l'intéressé et des éléments qui caractérisent sa situation personnelle, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir.

16. Il ressort d'une part des pièces du dossier que M. B... a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire par décision du préfet de la Vienne en date du 4 mars 2022, ayant fait l'objet d'un recours rejeté par un jugement définitif du tribunal administratif de Poitiers en date du 28 juin 2022 et que l'intéressé a été interpellé et placé en garde à vue le 7 mars 2022 pour des faits de dégradation de biens publics. D'autre part, compte-tenu de la nature et des faits reprochés à M. B..., mentionnés au point 11, son comportement doit être regardé comme constituant, du point de vue de l'ordre public, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société de sorte que le préfet de la Vienne justifiait de la condition d'urgence, au sens des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour ne pas lui accorder un délai de départ volontaire, en l'absence de toute insertion particulière de l'intéressé sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet, en prenant à l'encontre de M. B..., une décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

17. La décision, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise qu'elle ne contrevient pas à ces stipulations et mentionne, à l'article 1er , que l'intéressé, de nationalité marocaine et italienne, qui est d'ailleurs titulaire d'un passeport italien en cours de validité, sera renvoyé dans son pays d'origine, " à savoir l'Italie " ou tout autre pays où il justifierait être légalement admissible comporte les éléments de droit et de fait qui la motivent. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'elle est entachée d'un défaut de motivation.

18. La décision contestée fixe à son article 2, la Roumanie comme pays à destination duquel M. B... sera reconduit. Il est constant que le requérant est de nationalité italienne. Eu égard aux mentions contenues sans aucune ambiguïté dans la motivation de la décision et de celles reprises à l'article 1er, la décision doit être regardée comme entachée d'une simple erreur de plume, sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

19. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter sans délai le territoire français doit être écarté.

20. M. B... n'apporte aucun élément à l'appui de son moyen tiré de ce que la décision contestée, en tant qu'elle permet son renvoi en Italie, méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de deux ans :

21. Aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. ".

22. L'interdiction de circulation sur le territoire français vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son article 8 ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels elle se fonde. Le préfet indique qu'au vu de l'examen de la situation de M. B..., notamment au regard de son maintien en France sans avoir sollicité de titre de séjour, de sa situation familiale et personnelle et alors qu'il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales en Italie, le prononcé d'une interdiction de circulation pendant une durée de deux ans ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit à mener sa vie privée et familiale. Ainsi, le préfet, qui n'était pas tenu de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments de fait caractérisant la situation personnelle du requérant, a suffisamment motivé sa décision.

23. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter sans délai le territoire français à l'encontre de la décision portant interdiction de circuler sur le territoire français d'une durée de deux ans.

24. Eu égard aux circonstances exposées au point 13, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée de deux ans porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

25. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 30 décembre 2022 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions présentées par M. B... dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Pau tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi et le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX01015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01015
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : MASSOU DIT LABAQUERE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-07;23bx01015 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award