Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 6 juillet 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé, après sa nomination comme élève surveillant, de maintenir le niveau de rémunération qu'il percevait en tant que fonctionnaire de la Polynésie française et, d'autre part, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de le reclasser dans le corps des surveillants de l'administration pénitentiaire avec maintien de sa rémunération.
Par une ordonnance n° 1618438 du 27 octobre 2016, le vice-président du tribunal administratif de Paris a transmis la requête au tribunal administratif de Bordeaux, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1604733 du 18 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18BX03256 du 31 mai 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement ainsi que la décision du 6 juillet 2016, a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au versement du rappel de rémunération due à M. C... et, à l'article 4, a rejeté le surplus des conclusions de ce dernier.
Par une décision n° 456178 du 22 novembre 2022, le Conseil d'Etat a annulé l'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 31 mai 2021 en tant qu'il rejette les conclusions de M. C... dirigées contre l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 29 février 2016 portant nomination en qualité d'élève surveillant des services pénitentiaires en ce que cet arrêté le classe à l'échelon 1 du grade de surveillant pénitentiaire, et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour :
Par un mémoire enregistré le 24 juin 2023, M. C... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2018 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 février 2016 prononçant sa nomination en tant qu'élève surveillant des services pénitentiaires en ce qu'il a été classé à l'échelon 1 sans prendre en compte son ancienneté acquise en tant que fonctionnaire de la Polynésie française ;
3°) d'annuler la décision du 6 juillet 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de maintenir le niveau de rémunération qu'il percevait en tant que fonctionnaire de la Polynésie française ;
4°) d'enjoindre à l'administration de procéder à son reclassement en prenant en compte l'ancienneté acquise en tant que fonctionnaire de la Polynésie française, en le reclassant à l'échelon 13 de son grade ;
5°) d'enjoindre à l'administration de procéder à la reconstitution rétroactive de sa carrière à compter du 29 février 2016 et de procéder au versement du rappel de rémunération qui lui est dû ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en application des dispositions de l'article 10 du décret du décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 dans leur version en vigueur à la date de sa nomination, il aurait dû être classé à un échelon comportant un traitement égal ou immédiatement supérieur à celui qu'il percevait dans son emploi au sein de la fonction publique de la Polynésie ;
- les fonctionnaires de la Polynésie ne peuvent être exclus du bénéfice de ces dispositions dès lors que la Polynésie française est une collectivité territoriale de la République au sens des articles 72 et 74 de la Constitution et que le principe général d'égalité de traitement s'y oppose ;
- la cour a fait droit à ce moyen dans l'arrêt n° 18BX03256 du 31 mai 2021.
Par un mémoire enregistré le 26 juin 2023, le ministre de la justice s'en remet à la sagesse de la cour.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'arrêt de la cour n° 18BX03256 du 31 mai 2021.
Vu :
- la Constitution ;
- le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de sa réussite au concours de recrutement des surveillants des services pénitentiaires en Polynésie française, M. C..., rédacteur de la fonction publique de la Polynésie, a été nommé élève surveillant par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 29 février 2016. Cet arrêté lui accorde l'indice majoré 313, correspondant au 1er échelon du grade de surveillant. Par une lettre du 2 mai 2016, M. C... a demandé au ministre de la justice de modifier cet arrêté en tant qu'il ne l'a pas classé à un indice permettant le maintien de la rémunération qu'il percevait comme fonctionnaire polynésien. Par une décision du 6 juillet 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté ce recours gracieux. Par un jugement du 18 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cette décision de rejet du 6 juillet 2016. Par un arrêt n° 18BX03256 du 31 mai 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement ainsi que la décision du 6 juillet 2016 et a enjoint au ministre de la justice de procéder au versement du rappel de rémunération dû à M. C... mais a, à l'article 4 de cet arrêt, rejeté les conclusions de l'intéressé dirigées contre l'arrêté du 29 février 2016. Par une décision n° 456178 du 22 novembre 2022, le Conseil d'Etat a annulé cet article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour. Au regard de ses écritures, l'appelant doit être regardé comme demandant en outre qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à son reclassement à l'échelon 13 du grade des surveillants pénitentiaires à compter du 29 février 2016 ainsi qu'à la reconstitution rétroactive de sa carrière et au versement des sommes qui en découlent.
2. En premier lieu, il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a présenté devant le tribunal administratif de Bordeaux des conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre de la justice du 6 juillet 2016 rejetant son recours gracieux contre l'arrêté du 29 février 2016 en tant qu'il fixe son classement indiciaire. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que de telles conclusions doivent être regardées comme dirigées non pas contre la décision de rejet de son recours administratif mais contre cet arrêté du 29 février 2016.
4. En second lieu, l'article 8 du décret du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire prévoit que : " Les élèves et stagiaires qui avaient, à la date de leur nomination dans l'administration pénitentiaire, la qualité de fonctionnaire, d'agent non titulaire ou de militaire perçoivent une rémunération au moins égale à celle qui résulterait de l'application des dispositions du chapitre IV du présent titre qui correspondent à leur situation ". En application de l'article 10 de ce même décret figurant sous le chapitre IV du même titre, dans sa version en vigueur à la date de la nomination du requérant en qualité d'élève surveillant de l'administration pénitentiaire le 29 février 2016 : " I. - Sous réserve des dispositions du II, du III et du IV, les surveillants titularisés sont classés au 1er échelon de leur grade. /II. - Les surveillants qui avaient, à la date de leur nomination en tant qu'élève, la qualité de fonctionnaire de l'Etat, des collectivités territoriales ou d'établissements publics en relevant sont classés à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils percevaient dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine (...) ". Enfin l'article 7 du même décret prévoit que : " les élèves dont la scolarité a donné satisfaction sont nommés surveillants stagiaires ... ".
5. L'agent nommé en qualité d'élève ou de stagiaire dans un corps de fonctionnaires doit accomplir une période probatoire de services durant laquelle il n'est pas titularisé dans un grade de la hiérarchie afférente à ce corps en raison des effets attachés à cette situation, et sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, le classement de l'agent en cause dans la hiérarchie du corps concerné tenant compte d'un éventuel rappel d'ancienneté pour services civils ou militaires antérieurs et se traduisant par un avancement immédiat dans la hiérarchie dudit corps, ne peut intervenir que lors de sa titularisation, qui donne seule un caractère définitif à sa nomination dans le corps.
6. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 4 que M. C... devait percevoir, en sa qualité d'élève surveillant de l'administration pénitentiaire, une rémunération au moins égale au traitement qu'il percevait lorsqu'il était fonctionnaire de la Polynésie, collectivité territoriale régie par le titre XII de la Constitution. En revanche, ces mêmes dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de déroger au principe rappelé au point 5 en vertu duquel le classement des agents dans la hiérarchie de leur corps n'intervient qu'à l'occasion de leur titularisation dans ce corps, ce qui résulte d'ailleurs également des dispositions du I de l'article 10 précité du décret du 14 avril 2006.
7. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 29 février 2016 aurait dû le classer dès la date de sa nomination en qualité d'élève surveillant de l'administration pénitentiaire à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'il percevait lorsqu'il était fonctionnaire de la Polynésie française.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation, dans cette mesure, de l'arrêté du 29 février 2016. Ses conclusions à fin d'injonction doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.
9. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande M. C... au titre des frais exposés pour l'instance soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 février 2016 en tant qu'il ne l'a pas classé à l'échelon 13 du grade des surveillants pénitentiaires ainsi que le surplus de ses conclusions sont rejetés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président de la cour,
M. Laurent Pouget, président de chambre,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.
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Le rapporteur,
Manuel B...
Le président,
Luc DerepasLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22BX02911 2