Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Jouretnuit a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 11 janvier 2019 par laquelle le maire de Gradignan s'est opposé à sa demande d'autorisation portant sur l'installation d'un dispositif de publicité numérique sur une parcelle située 18 cours du Général de Gaulle à Gradignan, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1903386 du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2021, et des mémoires complémentaires enregistrés les 17 mars et 11 mai 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas fait l'objet d'une communication, la société par actions simplifiée (SAS) Jouretnuit, représentée par Me Maisonneuve, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement n° 1903386 du 22 avril 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision du 11 janvier 2019 par laquelle la commune de Gradignan a rejeté sa demande d'autorisation préalable d'installation d'un dispositif publicitaire numérique sur le terrain situé 18 cours du Général de Gaulle, parcelle cadastrale BH 107, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux formé le 7 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Gradignan de prendre une décision d'autorisation d'implantation du dispositif publicitaire faisant l'objet de la demande référencée sous le numéro DPE 33192 18 Z0023 sur le territoire communal, sous astreinte de 1 000 euros par jour, à compter de huit jours après la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Gradignan le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.
Elle soutient que :
- le refus d'autoriser l'implantation d'un panneau publicitaire numérique sur le fondement de l'article P.5.2.2 du règlement local de publicité intercommunal (RLPI) de Bordeaux Métropole n'est pas légalement justifié ; les règles régissant l'implantation d'un panneau publicitaire sont celles du code de l'environnement et excluent la notion d'emplacement réservé issue du code de l'urbanisme ;
- la substitution de motif est entachée d'une erreur de droit et de fait ;
- sa demande est conforme à l'article 5.2 qui énumère les dispositions applicables dans la zone 5, notamment en matière de densité publicitaire par unité foncière ; les panneaux présents, au jour du dépôt de sa demande, sur le terrain d'assiette du projet sont des enseignes, dont la nature et le régime juridique sont différents des panneaux publicitaires ; le RLPI de Bordeaux Métropole ne comporte aucune réglementation prévoyant une inter-distance entre un dispositif publicitaire et une enseigne ; le panneau " Intermarché " ne doit pas être pris en considération pour l'application de l'article P.5.2.1 puisqu'il a vocation, une fois l'autorisation obtenue, à être substitué par le sien.
Par des mémoires en défense enregistrés les 5 mars et 1er mai 2022, la commune de Gradignan, représentée par Me Laveissière, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Jouretnuit la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;
- en complément du motif de substitution, admis en première instance, elle ajoute le motif tiré du non-respect de la disposition de l'article P.5.2.1 du RLPI imposant une distance de 60 mètres entre deux dispositifs.
Par ordonnance du 3 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 24 mai 2022 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,
- et les observations de Me Laveissière, représentant la commune de Gradignan.
Considérant ce qui suit :
1. La société Jouretnuit a sollicité le 11 décembre 2018 une autorisation d'installer un dispositif de publicité lumineuse 18 cours du Général de Gaulle à Gradignan. Par décision du 11 janvier 2019, le maire de la commune de Gradignan a refusé de délivrer l'autorisation. Le recours gracieux formé le 7 mars 2019 contre cette décision a été rejeté implicitement. La société Jouretnuit relève appel du jugement du 22 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 581-3 du code de l'environnement : " Au sens du présent chapitre :/1° Constitue une publicité, à l'exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ; / 2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s'y exerce ; / 3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d'un immeuble où s'exerce une activité déterminée. " et aux termes de l'article L. 581-19 du même code : " Les préenseignes sont soumises aux dispositions qui régissent la publicité. (...) ".
3. D'autre part, aux termes du cinquième alinéa du préambule du règlement local de publicité intercommunal (RLPI) de Bordeaux Métropole : " (...) les dispositions du présent règlement régissant la publicité s'appliquent également aux préenseignes." et aux termes de l'article P.5.2.1 du même règlement : " Dans les unités foncières dont le linéaire de façade sur la voie ouverte à la circulation publique est supérieur à 25 m et inférieur ou égal à 40 m, il ne peut être installé qu'un seul dispositif publicitaire, qu'il soit mural, scellé au sol ou installé directement sur le sol. ".
4. Il résulte de l'article L. 581-3 et du troisième alinéa de l'article R. 581-64 du code de l'environnement que doit être qualifiée d'enseigne, l'inscription, forme ou image installée sur un terrain ou un bâtiment où s'exerce l'activité signalée. S'agissant d'un dispositif scellé au sol ou installé sur le sol, sa distance par rapport à l'entrée du local où s'exerce l'activité est sans incidence sur la qualification d'enseigne, dès lors que ce dispositif est situé sur le terrain même où s'exerce cette activité et est relatif à cette dernière. Par suite, des dispositifs signalant l'activité d'une société et implantés sur le terrain du local commercial où s'exerce cette activité doivent être qualifiés d'enseignes, alors même qu'ils ne sont pas installés à proximité immédiate de l'entrée de ce local mais en périphérie de ce terrain.
5. Le tribunal administratif a fait droit à la demande de la commune de Gradignan tendant à ce que soit substitué au motif initial de la décision contestée, tiré de la méconnaissance du plan local d'urbanisme, celui tiré de la méconnaissance des termes de l'article P.5.2.1 du RLPI de Bordeaux Métropole.
6. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société requérante se situe sur la parcelle cadastrée section BH n° 105 donnant sur une voie ouverte à la circulation publique, dont le linéaire de façade mesure 35 mètres et que trois panneaux fixés sur des mâts métalliques portant les mentions " Parc d'activités Favard " et " Activités bureaux à louer Nexity " sont déjà installés sur ce terrain. S'agissant toutefois de dispositifs scellés au sol ou installés sur le sol, leur distance par rapport à l'entrée des locaux où s'exerce leur activité est sans incidence sur la qualification d'enseigne, dès lors que ces dispositifs sont situés sur le terrain même où sont localisés le parc d'activités et les bureaux qui y sont à louer. Si la collectivité mentionne également en appel, la présence d'un panneau portant la mention " MAIF ", il ressort des pièces du dossier que ce panneau, implanté derrière le muret séparant le parc d'activités du trottoir, se trouve sur le terrain même où s'exerce l'activité de cette société d'assurances et à proximité immédiate de celle-ci. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que les dispositifs signalant ces activités, implantés sur le terrain de la zone d'activités, constituaient des panneaux publicitaires et non des enseignes et a ainsi fait droit à la substitution de motif sollicitée par la commune.
7. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par la société Jouretnuit tant en première instance qu'en appel.
8. En premier lieu, en opposant à la demande d'autorisation préalable des dispositions du plan local d'urbanisme, le maire de la commune de Gradignan s'est fondé sur un motif urbanistique étranger à la police des publicités, enseignes et préenseignes et a ainsi entaché les décisions contestées d'une erreur de droit.
9. En deuxième lieu, en vertu du premier alinéa de l'article L. 581-19 précité du code de l'environnement, les préenseignes sont soumises aux dispositions qui régissent la publicité. Doit être regardée comme une préenseigne toute inscription, forme ou image qui, se dissociant matériellement du lieu de l'activité, indique sa proximité à l'attention du public.
10. Il ressort des pièces du dossier que sur la même unité foncière, est implanté, sur des mats métalliques, un panneau indiquant par une flèche la direction à prendre pour rejoindre le supermarché " Intermarché ", situé à proximité. Ce panneau constitue ainsi une préenseigne, au sens des dispositions précitées de l'article L. 581-3 du code de l'environnement. Si la commune de Gradignan soutient qu'en application de l'article P.5.2.1 précité du RLPI, un deuxième dispositif publicitaire ne pouvait être implanté sur la même unité foncière, il ressort des pièces du dossier de demande d'autorisation que le formulaire faisait référence à une nouvelle installation et que les montages photographiques figurant le projet permettaient de comprendre sans aucune ambigüité, qu'il consistait remplacer le panneau existant par un nouveau dispositif lumineux.
11. En troisième et dernier lieu, devant la cour, la commune de Gradignan invoque les dispositions de l'article P.5.2.1 du RLPI de Bordeaux Métropole selon lesquelles " lorsque plusieurs dispositifs scellés au sol ou installés directement sur le sol peuvent être implantés sur une même unité foncière par application de la règle de densité, ils respectent une distance de 60 m minimum entre eux. Un double-face ne compte que pour un dispositif.". Toutefois, la collectivité ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions lesquelles sont seulement applicables, comme le précise le préambule de ce règlement, aux publicités et aux préenseignes dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, les panneaux existants sur le terrain constituent des enseignes et que le panneau, objet de la demande d'autorisation, a vocation à remplacer le panneau existant. Par suite, il ne peut être fait droit à cette nouvelle demande de substitution de motifs.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Jouretnuit est fondée à demander l'annulation du jugement du 22 avril 2021 du tribunal administratif de Bordeaux, de la décision du 11 janvier 2019 du maire de Gradignan ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux formé contre cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
13. Aux termes de l'article L. 911-l du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".
14. Dès lors que le présent arrêt annule le refus d'autorisation opposé à la société Jouretnuit par le maire de la commune de Gradignan après avoir censuré l'ensemble des motifs énoncés par la collectivité, et en l'absence de modifications alléguées des circonstances de fait ou de droit, il y a lieu, en application des dispositions précitées du code de justice administrative, d'enjoindre au maire de Gradignan de délivrer à la société Jouretnuit l'autorisation sollicitée, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Gradignan une somme de 1 500 euros à verser à la société Jouretnuit. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Jouretnuit qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme réclamée sur leur fondement par la commune de Gradignan.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903386 du 22 avril 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La décision du 11 janvier 2019 du maire de Gradignan ainsi que sa décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cette décision sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Gradignan de délivrer à la société Jouretnuit l'autorisation d'implanter le dispositif de publicité numérique sollicité dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Gradignan versera à la société Jouretnuit une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jouretnuit et à la commune de Gradignan.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.
La rapporteure,
Bénédicte MartinLa présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02607