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26/10/2023 | FRANCE | N°21BX02081

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 26 octobre 2023, 21BX02081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 1er février 2019 par laquelle le préfet de la Corrèze lui a retiré définitivement l'agrément de contrôleur technique à compter du 10 février suivant.

La SARL Auto Bilan 19, dont M. B... est le gérant, a demandé au tribunal, par une seconde requête, d'annuler la décision du 1er février 2019 par laquelle le préfet de la Corrèze lui a retiré définitivement l'agrément de son centre de contrôle technique à

compter du 10 février suivant.

Par un jugement n° 1900588, 1900590 du 18 mars 2021, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 1er février 2019 par laquelle le préfet de la Corrèze lui a retiré définitivement l'agrément de contrôleur technique à compter du 10 février suivant.

La SARL Auto Bilan 19, dont M. B... est le gérant, a demandé au tribunal, par une seconde requête, d'annuler la décision du 1er février 2019 par laquelle le préfet de la Corrèze lui a retiré définitivement l'agrément de son centre de contrôle technique à compter du 10 février suivant.

Par un jugement n° 1900588, 1900590 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Limoges, après avoir joint les deux affaires, a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2021, M. B... et la SARL Auto bilan 19, représentés par Me Douniès, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 18 mars 2021 ;

2°) d'annuler les deux décisions préfectorales du 1er février 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de réexaminer la situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les décisions ne sont pas motivées en droit et sont insuffisamment motivées en fait, dès lors que les allégations ne sont étayées par aucune preuve, qu'elles sont remises en cause par les pièces du dossier et qu'aucune précision n'est apportée sur les non-conformités qui auraient été relevées par les agents de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), alors que la société a encore amélioré son équipement de contrôle le 21 septembre 2018 ;

- les décisions sont entachées d'un vice de procédure dès lors que les observations du représentant du réseau n'ont pas été recueillies préalablement à l'édiction des décisions ;

- les non-conformités qui leur sont reprochées ne sont pas établies, ainsi que le démontrent l'avis favorable du 22 décembre 2017 de l'organisme d'audit et le constat d'huissier qui décrit l'existence de deux espaces, professionnel et privé, au sein des locaux ;

- les premiers juges ne pouvaient retenir la réitération, alors que la précédente sanction a été annulée par le tribunal administratif de Limoges dans un jugement du

23 avril 2020 ;

- la sanction est disproportionnée eu égard à ses conséquences économiques.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 5 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- les décisions visent les dispositions réglementaires applicables et décrivent les considérations de fait de manière suffisamment précise et circonstanciée ; ces dernières figurent également dans le rapport de visite communiqué dans le cadre de la procédure contradictoire ; les requérants ne peuvent utilement se prévaloir du jugement du 23 avril 2020 qui a annulé une décision de suspension à titre conservatoire de l'agrément, fondée sur des faits, constatés lors d'une précédente visite de surveillance, qui démontraient l'exercice d'une activité de réparation ou de commerce automobile, alors que le second motif de cette décision tiré d'une opposition à contrôle n'a pas été censuré ;

- le centre de contrôle technique exploité par la SARL Auto bilan 19 étant indépendant, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions seraient entachées d'un vice de procédure faute d'avoir été précédées du recueil des observations du représentant de réseau ;

- M. B..., gérant de la société et contrôleur, a commis de graves manquements à la réglementation applicable, issue du code de la route et de l'arrêté ministériel du 19 juin 1991 relatif au contrôle technique de véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes, en adoptant un comportement agressif à l'égard des agents de surveillance, en refusant d'être supervisé lors de la réalisation d'un contrôle et d'autoriser l'accès aux locaux et aux documents, et en étant l'auteur de non-conformités figurant dans le rapport du

26 novembre 2018 ; une obstruction réitérée à la surveillance administrative constitue à elle seule un grave manquement justifiant une sanction, d'autant que ces visites permettent de s'assurer que les véhicules contrôlés ne compromettent pas la sécurité routière ou la protection de l'environnement ; en outre, la présence de véhicules, pièces détachées et outils de mécanicien dans une partie du bâtiment abritant les installations de contrôle technique, sans séparation physique, contrevient à l'article R. 323-13 du code de la route qui interdit l'exercice des deux activités dans les mêmes locaux ; l'annulation prononcée par le tribunal le 23 avril 2020 ne peut être utilement invoquée pour remettre en cause le bien-fondé des décisions ; à supposer même que le stockage de véhicules, pièces détachées et outils de mécanicien ne révèlerait pas une activité de réparation, l'ensemble des autres manquements combinés avec les autres faits sont de nature à justifier la sanction, eu égard à leur gravité et à leur caractère réitéré.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la route ;

- l'arrêté du 18 juin 1991 relatif au contrôle technique de véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Auto bilan 19, centre de contrôle technique de véhicules légers à Malemort sur Corrèze, dont M. B... est à la fois le gérant et le salarié, a fait l'objet d'une visite de surveillance le 21 novembre 2018. Au vu du rapport établi par deux agents de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) de Nouvelle-Aquitaine, le préfet de la Corrèze a, par deux décisions du 1er février 2019, retiré définitivement, à titre de sanction, l'agrément de contrôleur technique de M. B... et l'agrément détenu par la société pour son centre de contrôle technique. Saisi à la fois par M. B... et par la SARL Auto bilan 19, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs demandes d'annulation de ces deux décisions, par un jugement du 18 mars 2021 dont les intéressés relèvent appel.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Les décisions attaquées visent l'article R. 323-14 du code de la route qui prévoit l'hypothèse d'un retrait de l'agrément, et leur courrier d'accompagnement mentionne l'arrêté ministériel du 18 juin 1991 relatif au contrôle technique de véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes. Les décisions retiennent un comportement agressif de M. B... vis-à-vis des agents de l'Etat dans l'exercice de leur mission, un refus d'être supervisé lors de la réalisation d'un contrôle technique, un refus de donner l'accès aux locaux et à tout document, faisant obstacle à la vérification de la conformité de l'installation et du matériel utilisé, ainsi que des non-conformités constituant des manquements graves à la réglementation et aux règles fixant l'exercice de l'activité de contrôleur. Le préfet rappelle ensuite les deux décisions de suspension à titre conservatoire qui ont été prises successivement et l'échange contradictoire qui a précédé. Les décisions comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent. La circonstance que le préfet n'a pas indiqué avec précision la nature des non-conformités qui ont été relevées est sans incidence sur la forme de la décision, dès lors qu'il ressort des courriers de M. B... des 29 décembre 2018 et 10 janvier 2019 que ce dernier avait connaissance du rapport de visite dans lequel celles-ci ont été détaillées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des deux décisions doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du IV de l'article R. 323-14 du code de la route : " (...) L'agrément des installations de contrôle peut être suspendu ou retiré pour tout ou partie des catégories de contrôles techniques qu'il concerne si les conditions de bon fonctionnement des installations ou si les prescriptions qui leur sont imposées par la présente section ne sont plus respectées, et après que la personne bénéficiaire de l'agrément et le représentant du réseau de contrôle auquel les installations sont éventuellement rattachées ont pu être entendus et mis à même de présenter des observations écrites ou orales ".

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'audit annuel de la société Auto bilan systems produit par les requérants, que le centre de contrôle technique exploité par la société Auto bilan 19 n'est rattaché à aucun réseau de contrôle. Le fait que la société soit " partenaire " de la société Auto'nome n'est pas de nature à caractériser l'appartenance à un réseau de contrôle, dès lors que cette société a pour finalité " l'accompagnement de centres de contrôles techniques véhicules indépendants ". Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le représentant du réseau de contrôle aurait dû être entendu avant que soit édictée la décision de retrait de l'agrément de la société Auto bilan 19.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 30-1 de l'arrêté du 18 juin 1991 relatif au contrôle technique de véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes : " La surveillance administrative des installations de contrôle et des contrôleurs est assurée par les directions régionales agissant pour le compte du ministre chargé des transports, sous l'autorité des préfets. / Les agents des services chargés de la surveillance peuvent notamment demander dans ce cadre le renouvellement, sous leur autorité, du contrôle technique d'un ou plusieurs véhicules présents sur l'installation de contrôle et ayant subi un contrôle technique ". Selon le chapitre III de l'annexe VII de cet arrêté, relative aux modalités d'agrément, toute personne demandant la délivrance d'un agrément pour assurer le contrôle technique des véhicules légers s'engage, entre autres, à " faciliter la mission des agents désignés par [le ministre chargé des transports] pour effectuer la surveillance du bon fonctionnement des centres de contrôle ".

7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de la visite de surveillance, que lorsque les agents de la Dreal de Nouvelle-Aquitaine se sont présentés pour procéder au contrôle des installations, M. B... venait d'achever le contrôle technique d'un véhicule. Lorsqu'il lui a été demandé de renouveler ce contrôle sous la supervision des agents, l'intéressé s'y est opposé et s'est enfermé à clés dans son bureau avec les propriétaires du véhicule. Lorsque ces derniers sont repartis à bord de leur véhicule, les agents de l'Etat ont constaté le dysfonctionnement du troisième feu stop, ce qui constitue une défaillance majeure exigeant une contre-visite, en application du point 4.3.1.a.2 de l'annexe I de l'arrêté du 18 juin 1991, laquelle n'avait pas été signalée sur le rapport de contrôle. Lorsque les agents ont souhaité arrêter le véhicule en vue de prendre une photographie, M. B... s'est interposé et a demandé aux clients de partir au plus vite. Ce dernier s'est également opposé à la demande des agents de contrôle de consulter les documents relatifs au fonctionnement du centre de contrôle technique, a refusé l'accès à son bureau et à la zone de contrôle et leur a interdit de prendre des photographies des installations. Le rapport fait état d'un contrôleur très énervé et ayant proféré des menaces de mort. Ces faits, qui ne sont pas sérieusement contestés, sont de nature à caractériser une opposition à la réalisation d'un contrôle sur la conformité des installations. Dans ces conditions, la circonstance que le rapport d'audit annuel établi par la société Auto bilan systems se soit conclu par un avis favorable sur le fonctionnement du centre ne suffit pas à compenser l'impossibilité de contrôle par les agents de l'Etat. Par ailleurs, les allégations de M. B... selon lesquelles il a matérialisé deux zones au sein de ses locaux, afin de mieux séparer la zone de contrôle technique et la zone privée dans laquelle stationnent des véhicules lui appartenant, et sur lesquels il n'est pas établi qu'il exercerait une activité de réparation mécanique incompatible avec celle de contrôle technique, sont sans incidence sur la réalité des manquements qui lui sont reprochés, relatifs à une opposition à contrôle. Au demeurant, les requérants ne peuvent utilement exciper de la circonstance que des mesures correctrices auraient été ultérieurement adoptées. Par suite, les faits reprochés sont matériellement établis et de nature à justifier une sanction. Eu égard à la nature des manquements reprochés et alors qu'un précédent contrôle, réalisé le

24 novembre 2017, n'avait pu être mené à son terme pour des raisons similaires, le préfet de la Corrèze n'a pas infligé une sanction disproportionnée en retirant leur agrément à M. B... et à la société Auto bilan 19.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... et la SARL Auto bilan 19 ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et la SARL Auto bilan 19 demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et de la SARL Auto bilan 19 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la SARL Auto Bilan 19 et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 octobre 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX02081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02081
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : DOUNIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-26;21bx02081 ?
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