Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2203101 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 avril 2023, M. A..., représenté par la SCP Breillat - Dieumegard - Masson, demande à la cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 mars 2023 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et a fixé le pays de renvoi ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de 15 jours à compter de cette notification, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SCP Breillat - Dieumegard - Masson en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le signataire de l'arrêté en litige ne disposait pas d'une délégation de signature suffisamment précise ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- le préfet a considéré à tort qu'il représentait une menace pour l'ordre public ;
- l'arrêté en litige a méconnu les dispositions des articles L. 435-21 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cet arrêté a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi sont privées de base légale par l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2023.
La clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2023 par une ordonnance du 25 mai 2023.
Un mémoire a été enregistré pour le préfet de la Vienne le 25 septembre 2023, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 février 2020 portant agrément d'organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 1er août 1986, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 25 juillet 2016 pour y demander l'asile. Cette demande a été rejetée le 28 février 2017 par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée le 12 septembre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). M. A... a fait l'objet, le 27 juillet 2018, d'une première mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait. Le 1er janvier 2022, il a sollicité du préfet de la Vienne son admission au séjour à titre exceptionnel sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 8 novembre 2022, le préfet a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 25 mai 2023. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de l'appelant tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles et justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article R. 435-1 du même code : " L'étranger qui sollicite l'admission exceptionnelle au séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ". L'arrêté annexé prévoit, notamment, la fourniture d'un " (...) rapport établi par le responsable de l'organisme d'accueil (...) ".
4. Par ailleurs, l'article L.265-1 du code de l'action sociale et des familles précise que " Les organismes assurant l'accueil ainsi que l'hébergement ou le logement de personnes en difficultés et qui ne relèvent pas de l'article L. 312-1 peuvent faire participer ces personnes à des activités d'économie solidaire afin de favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Enfin, en application de l'article 1er de l'arrêté du 27 février 2020 portant agrément d'organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires : " L'association Emmaüs France est agréée, pour sa branche communautaire, en tant qu'organisme national d'accueil communautaire et d'activités solidaires. Cet agrément vaut pour les communautés Emmaüs qui lui sont affiliées et dont la liste figure en annexe au présent arrêté. "
5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger justifie de trois années d'activité ininterrompue dans un organisme de travail solidaire, qu'un rapport soit établi par le responsable de l'organisme d'accueil, qu'il ne vive pas en état de polygamie et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
6. Le préfet de la Vienne a considéré, aux termes de l'arrêté en litige du 8 novembre 2022, que M. A... ne justifiait pas de trois années d'activité économique ininterrompue au sein des associations Emmaüs d'Angoulême puis de Poitiers. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier des attestations établies par les responsables successifs de la communauté Emmaüs de Poitiers les 5 et 21 avril 2023 ainsi que des déclarations sociales nominatives correspondantes et des avis d'imposition de M. A..., produits pour la première fois en appel, que celui-ci justifiait de cinq années d'activité ininterrompue dans un organisme de travail solidaire à la date de l'arrêté en litige. Il a en outre produit de nombreux témoignages de membres de la communauté Emmaüs ainsi que de clients de cette communauté attestant de ses qualités humaines et professionnelles, et les responsables des organismes d'accueil ont relevé le caractère réel et sérieux de sa participation aux activités associatives. Enfin, il ne ressort pas de l'arrêté en litige que le préfet aurait considéré que l'appelant vivrait en état de polygamie ou que sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public en dépit de la condamnation pénale dont il a fait l'objet pour des violences conjugales commises en 2018.
7. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté du 8 novembre 2022 est entaché d'une erreur de fait justifiant son annulation dès lors que le préfet n'aurait pas nécessairement porté la même appréciation ni, par conséquent, pris la même décision s'il avait considéré que l'appelant justifiait de trois années d'activité économique ininterrompue au sein d'associations Emmaüs ainsi que l'exigent les dispositions précitées de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté la demande de M. A.... Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et l'arrêté du préfet de la Vienne du 8 novembre 2022.
9. Eu égard au motif d'annulation retenu, et alors que les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas de nature à justifier l'annulation des décisions en litige, il y a seulement lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Vienne de réexaminer le droit au séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
10. Enfin, il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de la SCP Breillat - Dieumegard - Masson une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 mars 2023 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du préfet de la Vienne du 8 novembre 2022 est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de réexaminer les droits au séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à la SCP Breillat - Dieumegard - Masson une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 7 : Le présent jugement sera notifié M. C... A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Vienne et à la SCP Breillat - Dieumegard - Masson.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2023.
Le rapporteur,
Manuel B...
Le président,
Laurent PougetLe greffier,
Anthony Fernandez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX01117 2