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24/10/2023 | FRANCE | N°23BX00654

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 24 octobre 2023, 23BX00654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a retiré l'attestation de demande d'asile dont il bénéficiait, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2205343 du 8

décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bord...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a retiré l'attestation de demande d'asile dont il bénéficiait, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2205343 du 8 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 9 mars 2023 sous le n° 23BX00654, M. A..., représenté par Me Trebesses, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 28 septembre 2022 ;

3°) de suspendre l'arrêté contesté jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté du 28 septembre 2022 est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- il méconnaît son droit au maintien en France qui résulte des dispositions des articles L. 541-1 et L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente aucune menace pour l'ordre public et qu'il n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 24 avril 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 5 juin 2023 à 12h00.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2023.

II. Par une requête enregistrée le 10 mars 2023 sous le n° 23BX00655, M. A..., représenté par Me Trebesses, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 décembre 2022 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'exécution de la décision du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux est susceptible d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens soulevés dans sa requête au fond sont sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 avril 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 5 juin 2023 à 12h00.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain, déclare être entré en France le 30 mai 2021. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 juin 2022, contre laquelle il a formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 28 septembre 2022, la préfète de la Gironde a refusé son admission au séjour, a retiré l'attestation de demande d'asile dont il bénéficiait, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par une requête n° 23BX00654, M. A... relève appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par une requête n° 23BX00655, il demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les nos 23BX00654 et 23BX00655 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile ". Aux termes de l'article L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent ". Aux termes de l'article R. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'attestation de demande d'asile est renouvelée jusqu'à ce que le droit au maintien prenne fin en application des articles L. 542-1 ou L. 542-2 ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 532-1 du même code : " A peine d'irrecevabilité, [les recours formés contre décisions de l'OFPRA] doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office ". Aux termes de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Devant la Cour nationale du droit d'asile, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. L'aide juridictionnelle est sollicitée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée au bureau d'aide juridictionnelle de la cour, le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 731-2 [repris à l'article L. 532-1] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suspendu et un nouveau délai court, pour la durée restante, à compter de la notification de la décision relative à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a déposé le 25 juillet 2022 une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle de la CNDA. Cette demande d'aide juridictionnelle, présentée dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision de l'OFPRA, le 25 juillet 2022, a eu pour effet de suspendre le délai de recours contentieux devant la CNDA. Son recours devant la Cour a été enregistré le 10 octobre 2022, dans le délai d'un mois suivant la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 6 octobre 2022. Il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier que la demande d'asile de M. A... relèverait de l'une des hypothèses, énumérées à l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lesquelles le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin dès la décision de l'OFPRA. Il s'ensuit qu'à la date de l'édiction de l'arrêté en litige, M. A... bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire français en sa qualité de demandeur d'asile. Dans ces conditions, en refusant l'admission au séjour de M. A..., en retirant l'attestation de demande d'asile dont il bénéficiait et en lui faisait obligation de quitter le territoire français, la préfète de la Gironde a méconnu les dispositions citées au point 3.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la préfète de la Gironde du 28 septembre 2022 lui retirant son attestation de demande d'asile et lui faisant obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde implique la délivrance d'une attestation de demande d'asile à l'intéressé dans la mesure où la CNDA n'aurait pas statué sur sa demande d'asile, ce dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, ou, dans le cas inverse, que l'autorité préfectorale le munisse d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et se prononce à nouveau sur sa situation dans un délai de deux mois à compter de cette notification. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde d'y procéder.

Sur la requête n° 23BX00655 :

8. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 8 décembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux, les conclusions de la requête n° 23BX00655 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Trebesses, conseil de M. A..., sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23BX00655.

Article 2 : Le jugement n° 2205343 du 25 mai 2023 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 28 septembre 2022 de la préfète de la Gironde sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer une attestation de demandeur d'asile à M. A... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt si la CNDA n'a pas statué sur son recours du 10 octobre 2022 ou, dans le cas inverse, de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour dans un même délai et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois.

Article 4 : L'Etat versera à Me Trebesses une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président,

Laurent Pouget Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

Nos 23BX00654, 23BX00655


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00654
Date de la décision : 24/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-24;23bx00654 ?
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