Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2300780 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté préfectoral du 18 mai 2022 et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, le préfet de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 avril 2023 ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que :
- bien que M. A... ait sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé, sa situation personnelle a été examinée au vu de l'ensemble des éléments en possession des services à la date de l'arrêté ; son ancienneté de séjour de deux ans et demi ne saurait établir une insertion durable dans la société française, d'autant qu'il est dépourvu de tout lien privé ou familial en France alors qu'il en conserve dans son pays d'origine, où résident sa mère et toute sa fratrie ; l'arrêté n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
- les éléments pris en compte par les premiers juges pour annuler l'arrêté sont postérieurs à son édiction ; les attestations produites au contentieux ne l'ont pas été à l'appui de la demande ; la demande d'admission au séjour n'était pas fondée sur d'autres dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'implication sportive ou associative du demandeur ne saurait caractériser un motif exceptionnel ou une circonstance humanitaire au sens de l'article L. 435-1 du code.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Reix, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer la carte de séjour ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- il ne peut lui être opposé un séjour irrégulier alors qu'il est entré mineur, à l'âge de 16 ans, ni l'absence de projet professionnel précis alors qu'il achevait sa première année de certificat d'aptitude professionnelle avec les félicitations de ses professeurs ; les éléments postérieurs à la décision ne font que confirmer un état de fait préexistant ; il a par ailleurs un engagement fort dans la pratique du football handisport puisqu'il est membre de l'équipe française de football amputé ; contrairement à ce que soutient le préfet, les premiers juges se sont bien placés à la date de l'arrêté pour apprécier sa légalité ;
- au vu du suivi médical lourd dont il a besoin du fait d'une amputation mal traitée, de son insertion, notamment scolaire et sportive, et des liens qu'il a développés sur le territoire, comme en attestent ses proches et ses familles d'accueil, l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une insuffisance de motivation, faute d'avoir visé les fondements textuels de régularisation exceptionnelle invoqués dans le courrier de son club de football du 17 mars 2022, ni pris en compte les éléments de fait évoqués à l'appui.
Par décision du 27 juillet 2023, M. A... a obtenu le maintien de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordée le 4 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 26 avril 2003, est entré en France le 5 août 2019, à l'âge de 16 ans. Il a sollicité, le 2 novembre 2021, son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 18 mai 2022, la préfète de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 25 avril 2023 dont le préfet de la Gironde relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté préfectoral.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France mineur et justifiait de près de trois ans d'ancienneté sur le territoire français à la date de l'arrêté en litige. Après avoir été pris en charge par des associations, avoir suivi des cours de mise à niveau en français et avoir été hospitalisé à deux reprises au centre de la Tour de Gassies à Bruges, durant trois mois en 2020 en raison d'une prothèse tibiale désadaptée et durant près de deux mois en 2021, pour une réfection chirurgicale de moignon, il était inscrit, pour l'année 2021/2022, en première année de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " équipier polyvalent du commerce " au sein de l'établissement régional d'enseignement adapté d'Eysines et a obtenu les félicitations de ses professeurs pour chacun des deux premiers trimestres. Ses bulletins scolaires, ses comptes rendus de stage, ainsi que les attestations du directeur de l'établissement et des familles d'accueil soulignent son sérieux, son savoir-être et sa volonté de réussir. M. A... justifie également de sa volonté d'intégration par la pratique du football handisport en compétition, notamment au sein de l'équipe nationale. Bien que non dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa mère et ses frère et sœur, il soutient ne plus avoir de contact avec les membres de sa famille et a su développer des attaches fortes sur le territoire français. Par ailleurs, son handicap nécessite un suivi régulier pour le renouvellement et l'ajustement de sa prothèse. Contrairement à ce que soutient le préfet de la Gironde, ces éléments relatifs à l'insertion de M. A... dans la société française ne sont pas postérieurs à l'arrêté en litige et la circonstance que l'intéressé n'a pas produit les attestations au soutien de sa demande de titre est sans incidence sur la possibilité d'en tenir compte en vue d'apprécier la légalité de l'arrêté. Dans ces conditions, et alors même que la demande d'admission au séjour de M. A... était fondée sur son état de santé, la préfète de la Gironde, en refusant de l'admettre au séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, a entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
3. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 18 mai 2022.
Sur la demande d'astreinte :
4. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte pour garantir l'exécution de l'injonction de délivrance de titre de séjour prononcée par le tribunal administratif.
Sur les frais liés au litige :
5. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Reix, son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Gironde est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Reix une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Gironde, à M. B... A... et à Me Reix.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 octobre 2023.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX01335