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12/10/2023 | FRANCE | N°23BX00850

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 12 octobre 2023, 23BX00850


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du 28 septembre 2022 par lesquelles le préfet de la Vienne lui a retiré son autorisation provisoire de séjour, valable du 31 mars 2022 au 30 septembre 2022, et lui a fait obligation

de quitter le territoire français sans délai.

Par un jugement n° 2202393 du 28 février 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mars 2023 et un mémoi

re enregistré le 31 août 2023, Mme B..., représentée par Me Bonneau, demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du 28 septembre 2022 par lesquelles le préfet de la Vienne lui a retiré son autorisation provisoire de séjour, valable du 31 mars 2022 au 30 septembre 2022, et lui a fait obligation

de quitter le territoire français sans délai.

Par un jugement n° 2202393 du 28 février 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mars 2023 et un mémoire enregistré le 31 août 2023, Mme B..., représentée par Me Bonneau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du 28 septembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois dans un délai de quinze jours à compter

de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter

de la notification de l'arrêt à intervenir, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647

du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire et du principe constitutionnel des droits de la défense (article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen) ; ils n'ont pas davantage répondu aux moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne le retrait de l'autorisation provisoire de séjour :

- elle est insuffisamment motivée dès lors que les articles L. 582-5 et R. 582-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cités ne correspondent pas à la motivation retenue, et que le placement en détention provisoire dans le cadre d'une affaire criminelle ne suffit pas à caractériser une menace à l'ordre public ;

- compte tenu de sa situation, elle n'a pas été en capacité de faire valoir ses observations ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français sans délai :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle est insuffisamment motivée ;

En ce qui concerne les deux décisions :

- elle prend acte de la délégation de signature produite en première instance ;

- la menace à l'ordre public n'est pas caractérisée ; la qualification des faits qui lui sont reprochés peut évoluer, elle conteste toute intention homicide envers sa fille, sur laquelle elle est toujours titulaire de l'autorité parentale, et elle investit toutes les activités proposées dans le cadre de sa détention ; ainsi, les décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions méconnaissent l'intérêt supérieur de sa fille, confiée à l'aide sociale à l'enfance, sur laquelle elle reste titulaire de l'autorité parentale, et dont elle est la seule représentante légale ;

- alors qu'elle est mise en examen dans une procédure pénale et qu'elle doit rester à disposition de la justice, les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 6 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée

au 1er septembre 2023.

Un mémoire en défense présenté par le préfet de la Vienne a été enregistré

le 6 septembre 2023.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 11 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Meyer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ukrainienne, a déclaré être entrée en France

le 11 mars 2022, accompagnée de sa fille née le 26 juillet 2015. La préfecture de police de Paris lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable du 31 mars au 30 septembre 2022.

Le 17 septembre 2022, elle a été écrouée au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, où elle a été placée en détention provisoire pour des faits de tentative de meurtre et de torture ou acte de barbarie sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur lui. Par décisions du 28 septembre 2022, le préfet de la Vienne lui a retiré son autorisation provisoire de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai. Mme B... relève appel du jugement du 28 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande, qui portait sur l'annulation de ces deux décisions.

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'a été invitée à présenter ses observations que lors de la notification de la décision de retrait de son autorisation provisoire de séjour, le 28 septembre 2022. Elle n'a ainsi pas été mise en mesure, préalablement à l'édiction de cette décision, de faire valoir des observations relatives aux faits mentionnés sur sa fiche pénale, qu'elle conteste, sur lesquels le préfet s'est fondé pour prendre sa décision. Dans ces circonstances, elle a été privée d'une garantie. Par suite, elle est fondée à soutenir que la décision de retrait de l'autorisation provisoire de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, de nature à entraîner son annulation, et, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire français prise sur son fondement.

5. Il résulte de qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 février 2023 et des décisions du préfet de la Vienne du 28 septembre 2022.

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Vienne de procéder au réexamen de la situation de Mme B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu ni d'assortir cette injonction d'une astreinte, ni d'enjoindre au préfet de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme B... dans l'attente du réexamen de sa situation, l'intéressée étant toujours incarcérée.

7. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de

l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre

à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à Me Bonneau.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 2202393 du 28 février 2023

et les décisions du préfet de la Vienne du 28 septembre 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de procéder au réexamen de la situation

de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bonneau une somme de 1 200 euros au titre des dispositions

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au préfet de la Vienne et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Meyer, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 octobre 2023.

La rapporteure,

Anne Meyer La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX00850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00850
Date de la décision : 12/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : BONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-12;23bx00850 ?
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