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10/10/2023 | FRANCE | N°21BX04506

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 10 octobre 2023, 21BX04506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 22 novembre 2018 lui réclamant le remboursement d'une somme de 25 810,92 euros au titre d'indus de rémunération versés du 1er août 2017 au 31 août 2018 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1900517 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Limoges a annulé ce titre de perception, a déchargé l'intéressée de l'obligation de payer la s

omme réclamée et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 22 novembre 2018 lui réclamant le remboursement d'une somme de 25 810,92 euros au titre d'indus de rémunération versés du 1er août 2017 au 31 août 2018 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1900517 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Limoges a annulé ce titre de perception, a déchargé l'intéressée de l'obligation de payer la somme réclamée et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 21 octobre 2021 ;

2°) de rejeter l'ensemble des conclusions présentées devant ce tribunal par Mme A....

Il soutient que :

- Mme A... a obtenu toutes les précisions nécessaires à sa compréhension du calcul des sommes qui lui étaient réclamées ;

- il justifie du bien-fondé de la créance.

Par un mémoire enregistré le 9 février 2022, Mme A..., représentée par la S.E.L.A.F.A. Cabinet Cassel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que :

- le titre exécutoire annulé ne contient pas les bases de liquidation ;

- l'administration ne justifie ni du montant ni du fondement de la créance ;

- les fautes commises par l'administration lui ont causé un préjudice équivalent à la somme réclamée par l'administration.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ancienne adjointe administrative principale de 1ère classe du ministère de la défense, a été détachée auprès du secrétariat général pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) Sud-Ouest pour exercer des fonctions de personnel civil de gendarmerie au groupement de gendarmerie de la Haute-Vienne. Par un arrêté du ministre de la défense du 6 avril 2017, Mme A... a été réintégrée au ministère de la défense et admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er août 2017. Un titre exécutoire d'un montant de 25 810,92 euros correspondant à des indus de rémunération a été émis à son encontre le 22 novembre 2018. Le recours préalable formé par l'intéressée à l'encontre de ce titre a été rejeté le 22 janvier 2019. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé ce titre de perception et déchargé l'intéressée de l'obligation de payer la somme réclamée.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

2. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre.

3. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.

4. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre. Statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.

5. En l'occurrence, le tribunal administratif de Limoges a retenu deux motifs d'annulation du titre exécutoire, tenant d'une part à une irrégularité formelle procédant d'un défaut de motivation et, d'autre part, à l'absence de justification par l'administration du bien-fondé et de l'étendue de sa créance.

En ce qui concerne le bien-fondé du titre exécutoire :

6. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté par Mme A..., que celle-ci a continué à percevoir jusqu'au 31 août 2018 une rémunération correspondant à une position d'activité alors qu'elle avait fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er août 2017. L'intéressée ne conteste pas davantage sérieusement que la rémunération ainsi indûment perçue correspond à la somme de 25 810,92 euros qui lui a été réclamée et dont elle ne remet pas en cause le détail des bases de liquidation, rappelé dans un état liquidatif du 28 janvier 2020. Mme A... fait certes valoir que le bulletin de paie de régularisation établi en septembre 2018 mentionnait un trop-perçu d'un montant de seulement 24 274 euros, mais l'administration explique sans être contredite que le différentiel avec la somme réclamée provient d'une régularisation de cotisations sociales. Par suite, et contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'administration doit être regardée comme établissant le fondement et l'étendue de sa créance.

7. Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré qu'il ne justifiait pas du montant de la créance en litige.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme A... à l'encontre du bien-fondé de cette créance.

9. Mme A... fait valoir que, l'administration ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité en continuant à lui verser son traitement et les primes y afférentes après qu'elle a été admise à la retraite, la réparation des préjudices résultant pour elle de cette situation doit s'imputer sur la créance de l'administration et réduire celle-ci à néant.

10. Toutefois, l'intéressée ne pouvait ignorer, de bonne foi, le caractère indu de ces versements et n'établit pas avoir effectué des démarches afin d'avertir l'administration de l'irrégularité de sa situation, laquelle n'a pris fin qu'après que le service du SGAMI Sud-Ouest chargé des rémunérations se soit vu transmettre, en août 2018, l'arrêté prononçant son admission à la retraite. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le principe même de la faute ainsi commise lui aurait causé un préjudice moral en se bornant à soutenir qu'elle " a vivement ressenti la désinvolture et le manque de sérieux dont fait preuve le ministère de l'intérieur dans la gestion de son dossier ". En outre, elle n'établit pas davantage que cette faute lui aurait causé un préjudice financier en se bornant à faire valoir que le remboursement du trop-perçu dont elle a bénéficié a lourdement affecté sa trésorerie dans une période où elle soutenait financièrement sa fille et ses parents, alors qu'elle a bénéficié d'un échéancier pour le remboursement de sa dette. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la faute commise par l'administration lui a causé des préjudices de nature à justifier la réduction partielle ou totale du montant de la créance correspondant au titre exécutoire émis à son encontre.

En ce qui concerne la régularité du titre exécutoire :

11. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". En vertu de ces dispositions, une personne publique ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur.

12. Il résulte de l'instruction que le titre de perception émis le 22 novembre 2018 indique que la créance dont le recouvrement est poursuivi correspond à un " Trop perçu traitement et primes suite mise à la retraite au 1er août 2017 pour la période du 1er août 2017 au 31 août 2018 " pour un montant de 25 810,92 euros. Ainsi que l'a jugé le tribunal, cette seule mention ne permettait pas à Mme A... de connaître les bases sur lesquelles les sommes dont le remboursement est demandé ont été liquidées. Si le ministre fait valoir que ces bases de liquidations figuraient sur la fiche de paie " régularisée " établie au titre du mois de septembre 2018 et que Mme A... indique avoir reçu le 10 novembre 2018, ce titre de perception ne comportait toutefois aucune référence à ce bulletin de paie. Enfin, le ministre ne peut pas utilement se prévaloir, à cet égard, de ce qu'en réponse aux demandes d'explication de Mme A..., les bases de liquidation de la créance lui ont été communiquées par un courriel du 4 décembre 2019 puis dans l'état liquidatif qui lui a été adressé le 28 janvier 2020, après qu'elle se soit acquittée de la somme réclamée.

13. Par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont retenu un motif d'annulation du titre exécutoire tiré d'une insuffisance de motivation de celui-ci.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont déchargé Mme A... de l'obligation de payer la somme correspondant au montant du titre exécutoire du 22 novembre 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article l. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Limoge n° 1900517 du 21 octobre 2021 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme A... tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme correspondant au titre exécutoire émis à son encontre le 22 novembre 2018 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2023.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Laurent Pouget

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04506
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-10;21bx04506 ?
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