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28/09/2023 | FRANCE | N°23BX00338

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 28 septembre 2023, 23BX00338


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 17 janvier 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et ordonné son réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible.

Par un jugement n° 2300069 du 21 janvier 2023, le tribunal administratif de La Réunion a accordé l'aide juridictionnelle provisoir

e et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 17 janvier 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et ordonné son réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible.

Par un jugement n° 2300069 du 21 janvier 2023, le tribunal administratif de La Réunion a accordé l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2023, M. A..., représenté par Me Djafour, demande à la cour :

1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 2300069 du 21 janvier 2023 du tribunal administratif de La Réunion ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé de l'intérieur d'une part, de lui délivrer un visa de régularisation en vue de déposer une demande d'asile, dès la date de notification de la décision à intervenir, d'autre part, d'organiser à ses frais son retour sur le territoire français dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ; son pays de provenance n'est pas le Sri Lanka mais une île britannique, l'archipel de Chagos ; l'arrêté est ainsi entaché d'une erreur de fait ;

- il s'expose à de mauvais traitements en cas de retour au Sri Lanka ;

- sa situation n'a pas été appréciée au regard des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- l'article 13 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ; il n'a pas bénéficié d'un recours effectif ; il n'a pas été entendu par un interprète ; il a été impossible d'obtenir la communication d'éléments de preuve dans les délais ; sa requête a été rejetée, alors que la décision opposée à son cousin a été annulée ; ils ont pourtant été arrêtés en même temps, pour les mêmes faits, et ont déclaré les mêmes motifs lors de leur entretien avec l'OFPRA ;

- l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ; il n'appartient pas à l'administration de se prononcer sur le bien-fondé des arguments du demandeur, mais seulement sur le caractère manifestement infondé de sa demande ;

- il est membre d'une famille d'anciens combattants des LTTE (Tigres de libération de l'Eelam Tamoul) et craint des persécutions de la part des autorités sri lankaises ; il a déjà subi des mauvais traitements de leur part ; il a été enrôlé de force alors qu'il était encore mineur ;

- le motif de sa demande d'asile, ses opinions politiques imputées par les autorités, entre dans le champ d'application de la convention de Genève ;

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; l'examen réalisé par le tribunal sur la légalité de la décision contestée va au-delà de la simple appréciation du caractère " manifestement infondé " de la demande ; ses craintes ne sont pas dépourvues de crédibilité ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- le ministre a méconnu les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur et des outre-mer le 17 avril 2023.

Par ordonnance du 17 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juin 2023 à 12h00.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Bénédicte Martin.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sri lankais, a sollicité à l'aéroport de La Réunion son admission sur le territoire français au titre de l'asile, le 14 janvier 2023. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), lequel n'a pas émis un avis favorable à son admission, a refusé à M. A..., par une décision du 17 janvier 2023, l'entrée sur le territoire français et prescrit son réacheminement vers le Sri Lanka ou tout pays dans lequel il serait légalement admissible. M. A... relève appel du jugement du 21 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 30 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement :

3. L'erreur manifeste d'appréciation, soulevée par l'appelant à l'encontre du jugement attaqué, relative aux conditions d'appréciation du caractère " manifestement infondé " de la demande n'est pas susceptible d'affecter la régularité du jugement, mais, le cas échéant, son seul bien-fondé.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision rejetant la demande d'entrée en France au titre de l'asile :

4. Aux termes de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " et de l'article L. 352-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et, le cas échéant, d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 572-1 peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de ces décisions, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. Aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de refus d'entrée au titre de l'asile et, le cas échéant, contre la décision de transfert. / Le président, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine. L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office ". L'article L. 352-8 du même code dispose que la décision de refus d'entrée au titre de l'asile ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que le magistrat désigné à cette fin n'ait statué. L'appel formé contre ce jugement n'est pas suspensif, en application de l'article L. 352-9 du même code.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a exercé dans le délai un recours contre la décision rejetant sa demande d'entrée en France et que, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 352-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion s'est prononcé dans le délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine, après avoir entendu le requérant, assisté d'un conseil et d'un interprète en langue tamoule. La circonstance que l'intéressé n'aurait pas été en mesure de présenter devant le tribunal tous les éléments qu'il souhaitait ne porte pas en elle-même atteinte au droit au recours des demandeurs d'asile. Dès lors, alors même que son cousin aurait obtenu devant la juridiction l'annulation du refus d'entrée sur le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un recours effectif doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise que dans les cas suivants : (...)/ 3° La demande d'asile est manifestement infondée./Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. " et aux termes de l'article L. 352-2 du même code : " Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au titre III du livre V. / (...) / Sauf si l'accès de l'étranger au territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public, l'avis de l'office, s'il est favorable à l'entrée en France de l'intéressé au titre de l'asile, lie le ministre chargé de l'immigration. ".

7. Le ministre chargé de l'intérieur peut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter en raison de son caractère manifestement infondé la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque les déclarations de celui-ci, et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés.

8. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier sa demande d'asile, M. A... a, dans son entretien du 16 janvier 2023 avec le représentant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), expliqué qu'il avait quitté le Sri Lanka en raison des menaces et violences subies de la part des autorités, du fait de l'engagement de son frère et de sa sœur auprès des Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE). Toutefois, ses déclarations relatives aux risques encourus par lui du fait de l'appartenance de sa fratrie au LTTE sont vagues et peu circonstanciées. L'ensemble de ses déclarations est manifestement dépourvu de crédibilité. Si le requérant produit à l'instance des documents à caractère général, la seule circonstance que les tamouls seraient discriminés au Sri Lanka et qu'il relèverait ainsi potentiellement, ainsi qu'il le soutient, d'un groupe social auquel l'asile a été précédemment accordé au niveau national, ne permet pas de caractériser des menaces de persécution actuelles et personnelles dirigées contre lui et n'est pas de nature à établir que sa demande d'asile ne serait pas manifestement infondée. En estimant que la demande d'entrée en France présentée au titre de l'asile par M. A... était manifestement infondée, le ministre chargé de l'intérieur, sans méconnaître la portée de l'article 3 de la convention de Genève, et celle de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'a pas entaché la décision prise à l'encontre de l'intéressé d'une erreur d'appréciation. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée aurait méconnu les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Compte tenu de ce qui précède, l'appelant n'est pas fondé à soutenir qu'en appréciant la crédibilité de ses déclarations faisant état de persécutions dans son pays d'origine et de risques en cas de retour dans ce pays et en se prononçant sur le bien-fondé de sa demande, le ministre a excédé la compétence que lui confèrent les dispositions précitées de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de réacheminement :

10. En premier lieu, la décision attaquée vise l'article L. 333-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relève que le requérant déclare être de nationalité sri lankaise, mentionne qu'il n'établit pas l'existence de risque de persécutions ou d'atteintes graves en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le ministre a suffisamment motivé sa décision en droit et en fait. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de réacheminement manque en fait et doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a déclaré à l'OFPRA être sri lankais et résider à Nagar Kovil, ville du district de Jaffna, au Sri Lanka. La circonstance qu'il ait transité par un territoire britannique avant d'arriver à La Réunion, au demeurant non démontrée, est sans incidence sur la détermination de son pays d'origine, et du pays de réacheminement, lequel peut être le Sri Lanka ou tout pays où il sera légalement admissible. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entachée la décision attaquée doit être écarté.

12. En troisième lieu, M. A... soutient qu'il a quitté son pays d'origine en raison des menaces et des violences subies de la part des autorités en raison de son appartenance à la communauté tamoule et de l'engagement de son frère et de sa sœur auprès du LTTE, lui faisant craindre pour sa sécurité. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8, son récit et les pièces de caractère général qu'il produit ne sont pas suffisants pour faire regarder comme réels les risques allégués. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée, en ce qu'elle prescrit son réacheminement vers le Sri Lanka, méconnaîtrait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions présentées aux fins d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2023.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00338


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00338
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : DJAFOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-09-28;23bx00338 ?
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