Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... D... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2200158 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 6 décembre 2021 du préfet de la Guyane, enjoint à cette autorité de délivrer à Mme D... B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2022, le préfet de la Guyane, représenté par Me Mathieu, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 27 octobre 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... B... devant le tribunal administratif de la Guyane.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la décision de refus de séjour n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- s'agissant des autres moyens soulevés à l'appui de la contestation de cette décision, il se rapporte à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2023, Mme D... B..., représentée par Me Balima, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et demande à la cour d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de la munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B..., de nationalité brésilienne, entrée en Guyane au cours de l'année 2013 selon ses déclarations, a bénéficié d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " valable du 15 avril 2020 au 14 avril 2021, dont elle a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 6 décembre 2021, le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de la Guyane a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à Mme D... B... un titre de séjour. Le préfet de la Guyane relève appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif de la Guyane a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... B..., dont l'époux est décédé le 18 août 2021, réside en Guyane avec ses deux enfants, C..., né le 19 août 2007 au Brésil, et Gabriel, né le 4 novembre 2015 en Guyane, scolarisés respectivement en classes de 5ème et de grande section de maternelle à la date de l'arrêté. Il ressort cependant des pièces du dossier que l'époux de la requérante, de nationalité brésilienne, n'était pas muni d'un titre de séjour. Les seuls éléments versés au dossier, qui ne comprennent notamment aucun certificat de scolarité des enfants de la requérante au titre des années 2016/2017 et 2018/2019, et dont il ressort en outre que Mme D... B... s'est mariée au Brésil le 29 mai 2017, ne permettent pas d'établir la présence continue de l'intéressée sur le territoire français depuis 2013. Par ailleurs, il n'est pas fait état d'obstacle à ce que ses enfants poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine. En outre, si Mme D... B... fait valoir que son frère et plusieurs de ses nièces et neveux résident régulièrement en France, elle ne démontre pas être dépourvue de toute attache au Brésil où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Enfin, la requérante ne démontre pas une insertion particulière au sein de la société française. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Guyane n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et famille.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guyane est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées pour annuler son arrêté du 6 décembre 2021.
5. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par Mme D... B... à l'encontre de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
6. Il ressort des pièces produites par le préfet de la Guyane que Mme A... E..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, bénéficiait, en vertu d'un arrêté du préfet de la Guyane du 10 novembre 2021, d'une subdélégation de signature à l'effet de signer les actes pris en matière d'éloignement et de contentieux ainsi que les laissez-passer dans le cadre des évacuations sanitaires. Il n'est en revanche pas établi qu'elle disposait d'une délégation de signature en matière de décisions de refus de titre de séjour. L'arrêté en litige est par suite entaché d'incompétence de sa signataire.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guyane n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé son arrêté du 6 décembre 2021.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. Par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif, qui avait annulé l'arrêté en litige pour un motif de légalité interne, avait enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à Mme D... B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Or, s'il confirme l'annulation prononcée en première instance, le présent arrêt censure toutefois le motif retenu par les premiers juges, pour se fonder sur un motif de légalité externe, qui est le seul de nature à justifier l'annulation et qui n'implique pas nécessairement la délivrance de ce titre de séjour. Il y a lieu, dès lors, d'annuler l'article 2 du jugement et d'enjoindre au préfet de la Guyane de se prononcer à nouveau sur la situation de Mme D... B... dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Guyane est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif lui a enjoint de délivrer une carte de séjour à Mme D... B....
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme D... B... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2200158 du 27 octobre 2022 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de se prononcer à nouveau sur la situation de Mme D... B... dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de la Guyane, ensemble le surplus des conclusions de Mme D... B... présentées devant le tribunal administratif de la Guyane, sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2023.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
Le président,
Laurent Pouget La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX03168