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14/09/2023 | FRANCE | N°23BX00732

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 septembre 2023, 23BX00732


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2202478 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mars et 21 août 2023, M. C....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2202478 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mars et 21 août 2023, M. C..., représenté par Me Tessier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 septembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement

des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car les premiers juges n'ont pas tenu compte du certificat médical du 19 janvier 2023, produit certes après la clôture de l'instruction mais qui ne pouvait être produit avant, et qui est de nature à modifier les motifs du jugement ;

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il n'est pas démontré que le rapport médical et l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) auraient été régulièrement établis ; dès lors que les écritures du préfet en première instance n'ont pas été communiquées, la régularité de l'avis, qui ne peut se déduire de la seule lecture de l'arrêté en litige, ne peut être vérifiée ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le traitement qui lui est prescrit pour soigner ses troubles psychotiques n'est pas disponible au Maroc, et ne peut être substitué par un médicament générique, ainsi qu'en atteste le médecin psychiatre qui le suit ; le Maroc ne dispose pas davantage d'une offre de soins permettant son suivi médical qui exige d'être régulier, de sorte que l'accès effectif à un traitement approprié n'est pas possible ; aucun médecin n'a validé la substitution de son traitement par un autre médicament, même s'il contient la même substance active ; d'ailleurs, la notice d'utilisation de ce dernier démontre qu'il ne constitue pas une alternative automatique ;

- contrairement à ce que fait valoir le préfet, celui-ci ne s'est pas fondé sur la menace à l'ordre public pour refuser le titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine régulière du collège de médecins de l'OFII ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public ; s'il bénéficie du traitement médical adapté, il ne présente aucune dangerosité au sens psychiatrique du terme ; les faits qui lui sont reprochés ont eu lieu dans une phase d'abolition du discernement ; il a été déclaré pénalement irresponsable le 21 mars 2023 et fait l'objet, depuis lors, d'une hospitalisation sous contrainte ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité des décisions précédentes ;

- en l'absence de menace pour l'ordre public, elle n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2023, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'avis du collège de médecins permet de constater que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège ;

- l'arrêté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; M. C... ne renverse pas, par les pièces produites, l'appréciation portée par le collège de médecins, qui détient une expertise particulière à cet égard, sur la disponibilité du traitement dans le pays d'origine ; la majeure partie des pièces qu'il produit ont été portées à la connaissance du collège ; il n'est pas établi ni même allégué que durant les cinq années précédant son entrée en France, il n'aurait pas bénéficié d'un suivi ou d'un traitement médicamenteux ; l'auteur de la dernière attestation n'indique pas les sources lui permettant d'affirmer que le traitement nécessaire (Xeplion) n'est pas disponible au Maroc ; d'ailleurs, un traitement substituable, ayant la même substance active, le palmitate de palipéridone, est disponible dans ce pays, tout comme les autres médicaments figurant sur l'ordonnance de janvier 2020 ; les psychoses, telles que la schizophrénie, y sont traitées de manière adéquate ; l'intéressé n'établit pas être dans l'impossibilité de payer ce traitement ni qu'il ne pourrait bénéficier du régime d'assistance médicale ; la circonstance, à la supposer établie, qu'il bénéficierait d'une meilleure prise en charge en France par rapport à celle dont il disposerait au Maroc est sans incidence ;

- en outre, le motif tiré de ce que son comportement constitue une menace pour l'ordre public suffit à fonder la décision de refus de séjour, eu égard aux faits particulièrement graves et récents qui lui ont valu une incarcération le 14 janvier 2020 ;

- pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas le 9° de l'article L. 611-3 du code ;

- la menace à l'ordre public permet également de fonder la décision d'éloignement ;

- l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français doit être écartée.

Par courrier du 4 juillet 2023, il a été demandé au préfet de la Vienne, sur

le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire l'avis

du collège de médecins de l'OFII du 14 décembre 2021 en vue de compléter l'instruction.

La pièce, produite en réponse à cette demande, a été enregistrée le 4 juillet 2023.

M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision

du 13 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né le 28 septembre 1993, est entré en France, le 9 septembre 2019, sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant. Il a fait l'objet, le 4 novembre 2020, d'un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français qui a été annulé par un arrêt de la Cour du 5 octobre 2021, en raison d'un vice

de procédure en l'absence de saisine pour avis du collège de médecins de l'Office français

de l'immigration et de l'intégration (OFII). M. C... a sollicité, le 19 juillet 2021,

la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté

du 6 septembre 2022, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un jugement du 16 février 2023 dont M. C... relève appel, le tribunal administratif

de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. C... a été informé, lors de l'enregistrement de sa demande le 11 octobre 2022, que la clôture

de l'instruction était fixée au 14 décembre 2022 et l'audience prévue le 26 janvier 2023. Il a produit, le 23 janvier 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction, un nouveau

mémoire, accompagné notamment d'un certificat médical établi, le 19 janvier 2023,

par un praticien hospitalier du centre hospitalier Henri Laborit de Poitiers, précisant que, d'après les renseignements pris auprès du laboratoire, la spécialité pharmacologique prescrite à M. C... n'était pas disponible au Maroc et qu'il n'existait pas, à l'heure actuelle, de médicament générique, ni d'équivalent commercialisé. Les premiers juges n'étaient cependant pas tenus de rouvrir l'instruction et de soumettre cette pièce au contradictoire, dès lors qu'il n'est pas établi que M. C..., qui est suivi par ce psychiatre et prend ce médicament depuis décembre 2020, n'aurait pas été en mesure de faire état de ces informations avant la clôture de l'instruction. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 septembre 2022 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. L'arrêté en litige vise les dispositions applicables, notamment l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise en particulier, au vu d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 décembre 2021, que le traitement que requiert l'état de santé de M. C... est disponible dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. L'arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde. M. C... n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour serait insuffisamment motivée.

5. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La

condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins

du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis

est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. (...) Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".

6. D'une part, il ressort des termes mêmes de l'avis du collège de médecins

de l'OFII que le médecin ayant établi le rapport médical sur l'état de santé de M. C... n'a pas siégé parmi les trois médecins ayant émis l'avis. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté serait entaché d'un vice de procédure.

7. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

9. Pour rejeter la demande d'admission au séjour de M. C... pour des motifs de santé, le préfet de la Vienne s'est fondé sur l'avis que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu le 14 décembre 2021, aux termes duquel si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce traitement est disponible dans son pays d'origine. Il ressort des certificats médicaux produits par M. C... que celui-ci souffre de troubles schizophréniques pour lesquels lui est prescrit un traitement associant un neuroleptique, un anticonvulsivant, un antiparkinsonien, un anxiolytique et plusieurs antipsychotiques. Pour remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins, l'intéressé produit un certificat médical d'un praticien hospitalier en psychiatrie du centre hospitalier Henri Laborit de Poitiers, daté du 19 janvier 2023, affirmant que l'un des antipsychotiques prescrits n'est pas commercialisé au Maroc, qu'on n'y trouve ni médicament générique, ni équivalent pouvant lui être substitué, et que le parcours de soins que requiert l'état de santé de son patient et qui impose des rencontres rapprochées et régulières, afin de réduire le risque de rechute et de décompensation, n'est pas possible au Maroc à l'heure actuelle. Il ressort toutefois des pièces du dossier que plusieurs antipsychotiques utilisés pour le traitement des troubles schizophréniques sont commercialisés au Maroc, dont au moins un est composé de la même substance active, le palmitate de palipéridone, que celui prescrit

à M. C..., et qu'il existe plusieurs structures de soins psychiatriques. D'ailleurs, M. C..., dont les troubles psychotiques ont débuté cinq ans avant son arrivée en France en tant qu'étudiant, a déjà été pris en charge dans son pays d'origine. La circonstance que les soins dispensés dans ce pays ne seraient pas équivalents à ceux qui sont offerts en France est, ainsi qu'il a été dit au point précédent, sans incidence sur l'appréciation de la disponibilité des soins. Dans ces conditions, les éléments produits par M. C... ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII sur la disponibilité d'un traitement approprié dans le pays d'origine. M. C... n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 425-9 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français

sans délai :

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée.

11. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

12. D'une part, pour les motifs énoncés ci-dessus, aux points 6 et 9, les moyens tirés du vice de procédure en raison de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins et de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être rejetés.

13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été incarcéré,

le 14 janvier 2020, pour des faits de tentative de meurtre, pour avoir le 16 décembre 2019, agressé deux membres de sa famille avec un couteau, ainsi que pour violence sur une personne chargée de mission de service public suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, violence aggravée par deux circonstances et dégradation ou détérioration de bien destiné à l'utilité publique, pour avoir lancé son véhicule à vive allure sur un camion de pompiers et agressé un policier. S'il soutient, en se fondant sur l'expertise psychiatrique demandée par le juge d'instruction en charge de l'affaire pénale, qu'il était, au moment des faits, atteint d'un trouble psychique ayant altéré son discernement et qu'il ne présenterait pas de dangerosité à caractère psychiatrique pour la sûreté des personnes s'il bénéficiait de son traitement médical et de son suivi psychiatrique, il ressort également de ses propres déclarations qu'il souhaitait vivre sans traitement et qu'il s'est abstenu, pour cette raison, le jour des faits incriminés, d'honorer un rendez-vous chez son psychiatre. Dans ces conditions, et alors même que, postérieurement à l'arrêté attaqué, il a été déclaré pénalement irresponsable des actes commis en raison de l'abolition de son discernement, et a fait l'objet d'une hospitalisation sans consentement, par un arrêt et une ordonnance de la Cour d'assises de la Haute-Vienne, tous deux du 21 mars 2023, le préfet de la Vienne, en estimant que son comportement représentait une menace pour l'ordre public, n'a pas méconnu les dispositions précitées en assortissant la décision de refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français sans délai.

En ce qui concerne la décision prononçant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :

14. La décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai n'étant pas entachée d'illégalité, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence.

15. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

16. Ainsi qu'il a été dit, le comportement de M. C..., qui était présent en France depuis trois ans à la date de l'arrêté en litige et qui n'établit pas avoir des liens personnels et familiaux suffisamment forts en France, constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, le préfet de la Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 septembre 2022.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l' article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qui soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur

et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 septembre 2023.

Le rapporteur,

Olivier A...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX00732


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00732
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : TESSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-09-14;23bx00732 ?
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