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18/07/2023 | FRANCE | N°23BX00395

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 18 juillet 2023, 23BX00395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 juillet 2022 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

Par un jugement n° 2204363 du 11 janvier 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 février et 29 avril 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 juillet 2022 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

Par un jugement n° 2204363 du 11 janvier 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 février et 29 avril 2023, et des pièces enregistrées le 12 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Ricci, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 8 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne le jugement attaqué :

- les premiers juges n'ont pas relevé d'office le moyen pourtant d'ordre public tiré de l'incompétence du signataire du mémoire en défense présenté en première instance pour la préfète de la Gironde, que son conseil a d'ailleurs soulevé lors de l'audience publique ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle méconnaît l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le refus de séjour qui la fonde étant entaché d'illégalité, elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans :

- l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde étant entaché d'illégalité, elle est dépourvue de base légale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne les écritures en défense du préfet de la Gironde :

- elles sont irrecevables, faute pour le préfet de justifier d'une délégation de signature à leur auteur.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il déclare s'en remettre à son mémoire présenté en première instance.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo,

- et les observations de Me Noupoyo, représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 10 avril 1993, est entré en France en 2020. A la suite de son mariage le 5 juin 2021 avec une ressortissante française, Mme C..., il a sollicité un titre de séjour en qualité de conjoint de français. Par un arrêté du 8 juillet 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... B... relève appel du jugement du 11 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; (...) ".

3. En vertu du premier alinéa de l'article 215 du code civil, les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie. Il résulte de ces dispositions que l'existence d'une communauté de vie est présumée entre les époux. Par suite, si l'administration entend remettre en cause l'existence d'une communauté de vie effective entre des époux, elle supporte alors la charge d'apporter tout élément probant de nature à renverser cette présomption légale.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... s'est marié le 5 juin 2021 avec une ressortissante française, Mme E... C.... Pour contester la réalité de la communauté de vie entre l'appelant et son épouse, la préfète de la Gironde s'appuie notamment sur le résultat d'une enquête menée en décembre 2021, au cours de laquelle les officiers de police judiciaire s'étant rendus au domicile de Mme C... ont constaté que seul le nom de Mme C... était mentionné sur la boîte aux lettres, qu'il n'y avait qu'un seul oreiller dans le lit et qu'une seule brosse à dents était présente dans la salle de bain. Toutefois, il ressort de cette même enquête que l'armoire de Mme C... contenait des affaires d'hommes. En outre, M. A... B... soutient, sans être contredit, que sa brosse à dent ainsi que celles des enfants de Mme C... vivant sous le même toit étaient rangées dans un meuble de la salle de bain. Dans ces conditions, et alors que la communauté de vie est présumée entre les époux, la préfète de la Gironde ne démontre pas que la communauté de vie entre M. A... B... et Mme C... a cessé depuis le mariage. Par suite, la préfète de la Gironde a méconnu les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... B....

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni sur les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ce jugement doit, par suite, être annulé, ainsi que l'arrêté de la préfète de la Gironde du 8 juillet 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu et en l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait intervenu depuis l'édiction de la décision de refus de séjour du 8 juillet 2022, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance, au profit de M. A... B..., d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer un tel titre de séjour à l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2204363 du 11 janvier 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ainsi que l'arrêté du 8 juillet 2022 de la préfète de la Gironde sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Ricci une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

La présidente-assesseure,

Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00395
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : RICCI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-18;23bx00395 ?
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