Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société " La Plage " a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé la fermeture administrative temporaire de son établissement pour une durée d'une semaine.
Par un jugement n° 2000678 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2021 et le 25 janvier 2023, la société " La Plage ", représentée par Me Baltazar, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 novembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 24 janvier 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal a omis d'examiner son moyen tiré du détournement de procédure ;
- la mesure de fermeture administrative contestée est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit ainsi que d'une erreur d'appréciation ;
- la durée de fermeture est manifestement disproportionnée ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un détournement de procédure.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 10 juin 2022 et le 23 février 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Agnès Bourjol,
- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lagarde représentant La société " La Plage ".
Considérant ce qui suit :
1. La société " La Plage " exploite un établissement de bar, discothèque, cabaret situé 40 quai de Paludate à Bordeaux. Par un arrêté du 24 janvier 2020, notifié le 11 février 2020 et exécutoire 48 heures après sa notification, la préfète de la Gironde a prononcé la fermeture administrative de cet établissement pour une durée d'une semaine. La société " La Plage " relève appel du jugement du 2 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. A l'appui de sa demande, la société " La Plage " soutenait notamment que l'arrêté en litige, qui avait selon elle une finalité répressive, était entaché d'un détournement de procédure. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Le jugement attaqué est ainsi irrégulier et doit, dès lors, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par
la société " La Plage " devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur les conclusions en annulation :
4. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publique, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. Le représentant de l'Etat dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l'exploitant s'engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. (...) 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. ". Ces dispositions confèrent au représentant de l'État dans le département le pouvoir d'ordonner, au titre de ses pouvoirs de police, les mesures de fermeture d'un établissement qu'appelle la prévention de la continuation ou du retour de désordres liés à sa fréquentation ou à ses conditions d'exploitation.
5. Pour prononcer la fermeture litigieuse, la préfète de la Gironde, après avoir relevé, d'une part, que le gérant et un serveur de l'établissement avaient commis des actes de violence envers des clients de l'établissement dans la nuit du 24 au 25 janvier 2019, d'autre part, que la commission d'actes de violence par des membres du personnel avait déjà donné lieu à une fermeture administrative de deux semaines prononcée le 16 mai 2018, s'est fondé sur " le risque de réitération d'actes de violence commis par le personnel de " La Plage " à l'encontre de clients ou de tiers ".
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport de police du 4 juillet 2019, établi sur la base des enregistrements de vidéosurveillance, que dans la nuit du 24 au 25 janvier 2019, d'une part, un serveur de l'établissement a asséné à un client six coups au visage, d'autre part, le gérant de cet établissement a donné plusieurs gifles à un autre client qu'un serveur maintenait immobilisé en pratiquant sur l'intéressé un étranglement. La société " La Plage " n'établit pas que ces violences, dont les auteurs ont été reconnus coupables par le tribunal de grande instance de Bordeaux, seraient intervenues dans un contexte de légitime défense. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit dès lors être écarté.
7. En deuxième lieu, la société requérante soutient que les faits de violence en cause, commis en janvier 2019, revêtent un caractère ancien et isolé. Toutefois, la société requérante avait déjà fait l'objet, en 2018, d'une fermeture administrative fondée sur les violences commises par les membres de son personnel à l'encontre de clients de l'établissement. Dans ces conditions, et eu égard à la gravité des faits survenus dans la nuit du 24 au 25 janvier 2019, la préfète de la Gironde, en estimant que le risque de réitération d'atteintes à l'ordre public justifiait le prononcé d'une fermeture administrative, a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique.
8. En troisième lieu, la durée maximale d'une fermeture administrative est fixée à deux mois par les dispositions précitées de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique. La société " La Plage ", qui avait déjà fait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour des faits similaires de violences commises par le personnel de l'établissement, n'est dès lors pas fondée à soutenir que la durée d'une semaine de la fermeture litigieuse serait excessive.
9. Enfin, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté en litige est fondé sur le risque de réitération de faits constitutifs d'atteintes à l'ordre public. Ni la circonstance que cet arrêté a été édicté un an après la commission des faits de violence du 24 janvier 2019, ni celle que ces faits ont par ailleurs donné lieu à des condamnations pénales de leurs auteurs, ne suffisent à démontrer que l'arrêté aurait en réalité revêtu une finalité répressive. Le moyen tiré de ce que cet arrêté serait entaché d'un détournement de procédure doit donc être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que la société " La Plage " n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 janvier 2020.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés par la société " La Plage " et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000678 du 2 novembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société " La Plage " devant le tribunal administratif de Bordeaux, ensemble ses conclusions d'appel, sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société " La Plage " et à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 11 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
M. Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juillet 2023.
La rapporteure,
Agnès BOURJOLLa présidente,
Marie-Pierre BEUVE DUPUY
Le greffier,
Anthony FERNANDEZ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX04710