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18/07/2023 | FRANCE | N°21BX00659

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 18 juillet 2023, 21BX00659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vacances et Littoral a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 octobre 2014.

Par un jugement n° 1901933 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2021, la société Vacances et Littoral, représe

ntée par Me Richard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901933 du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vacances et Littoral a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 octobre 2014.

Par un jugement n° 1901933 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2021, la société Vacances et Littoral, représentée par Me Richard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901933 du tribunal administratif de Poitiers du 16 décembre 2020 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de TVA mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 octobre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que la garantie prévue à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, tenant à la limitation de la durée des vérifications de comptabilité, a été méconnue ;

- tant sur le fondement de la loi fiscale que sur celui de la doctrine administrative, c'est à tort que le service a considéré qu'elle ne remplissait pas les conditions du 4° du b) de l'article 261 du code général des impôts pour être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur son activité de location ; les prestations proposées à ses clients concernant la réception de la clientèle, la fourniture du linge ainsi que le nettoyage des locaux sont comparables à celles proposées dans le secteur hôtelier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Vacances et Littoral, qui a déclaré exercer une activité d'hébergement touristique à caractère para-hôtelier, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 octobre 2014. A l'issue des opérations de contrôle, le service a remis en cause la TVA déduite par la société sur des acquisitions de biens et services ainsi que sur des immobilisations au motif qu'elle ne pouvait être regardée comme assujettie à la taxe, au sens des dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, au titre des prestations réalisées à destination de ses clients. La société Vacances et Littoral relève appel du jugement du 16 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de TVA qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 octobre 2014.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 52 du livre de procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; / (...) / III.- En cas de mise en œuvre du I de l'article L. 47 A, le délai de trois mois prévu au I du présent article est suspendu jusqu'à la remise de la copie des fichiers des écritures comptables à l'administration. (...) ". Aux termes du I de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la vérification sur place des livres et documents mentionnée à l'article L. 52 débute à la date à laquelle le vérificateur commence à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales et se trouve suspendue, dans le cas de remise incomplète des écritures comptables, jusqu'au jour de la remise complète des documents comptables informatisés de l'entreprise vérifiée.

3. Il est constant que la comptabilité de la société Vacances et Littoral était tenue au moyen de systèmes informatisés. A la suite de la réception de l'avis de vérification du 19 décembre 2014, elle n'a remis que le 22 janvier 2015 la copie complète des fichiers de ses écritures comptables, comprenant la période du 1er janvier au 31 octobre 2014 pour laquelle la société n'avait pas remis de fichiers des écritures comptables au vérificateur lors de sa première intervention sur place, le 15 janvier 2015. En application des dispositions précitées du III de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, le délai de trois mois a ainsi été suspendu jusqu'à cette remise et n'était dès lors pas échu lors de la dernière intervention sur place, le 15 avril 2015. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. (...) ". Aux termes du 1 du I de l'article 271 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article 261 D du code général des impôts que pour être soumises à la TVA, les prestations offertes doivent l'être dans des conditions plaçant le loueur d'un établissement d'hébergement, qui fait l'objet d'une exploitation professionnelle, en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Les critères définis par ces dispositions législatives n'exigent pas que les prestations para-hôtelières soient effectivement rendues mais seulement que le loueur en meublé dispose des moyens nécessaires pour répondre aux éventuelles demandes. Pour apprécier si des prestations para-hôtelières sont proposées dans des conditions plaçant le loueur en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières, les conditions de qualité et de prix caractérisant ces prestations peuvent, notamment, être prises en compte. La circonstance que le loueur d'un logement meublé délègue à un tiers la fourniture de ces prestations ne fait pas obstacle à ce qu'il soit soumis à la TVA en application de ces dispositions lorsque la prestation est proposée dans des conditions similaires à celles proposées dans le secteur hôtelier et que l'exploitant demeure seul responsable de cette prestation vis-à-vis de ses clients.

6. Il résulte de l'instruction que la société Vacances et Littoral propose à la location une ancienne ferme rénovée de 480 m² aménagée en gîte rural d'une capacité de 26 personnes comprenant notamment sept chambres, une salle à manger, une cuisine, une piscine ainsi qu'une buanderie. L'administration, qui ne conteste pas que la société assure la fourniture de linge de maison à ses clients, fait toutefois valoir que cette dernière ne fournit pas les prestations de réception de la clientèle, de petit déjeuner et de nettoyage régulier des locaux dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.

7. La société Vacances et Littoral, qui admet, à hauteur d'appel, qu'elle ne propose pas à ses locataires de prestation de petit déjeuner en se bornant à leur fournir les coordonnées d'un traiteur qui assure cette prestation sous sa propre responsabilité, fait valoir qu'elle assure un accueil personnalisé de ses clients et qu'elle leur offre, par l'intermédiaire de son mandataire, la société Axeo Pro Services, des prestations de ménage comparables à celles offertes par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de la copie d'un panel de contrats conclus entre la société et ses clients durant la période en cause ainsi que du contrat de prestation de services conclu avec la société Axeo Pro Services que si le prix du séjour comprend le ménage à l'entrée et à la sortie des locataires, les prestations de ménage en cours de séjour ne sont, en revanche, assurées de manière optionnelle par la société Axeo Pro Services, au tarif horaire de 25 euros, qu'à la condition d'avoir été sollicitées 72 heures au moins avant la date de la prestation et sous réserve de personnel disponible. Dans ces conditions, alors qu'à l'analyse du panel de contrats fournis par la requérante, la durée de séjour de ses clients s'échelonne généralement de deux à sept jours, ce délai minimal de trois jours nécessaire, en cours de séjour, entre la date de sollicitation de la prestation de ménage par le client et la date de sa réalisation, ne permet pas de regarder la société Vacances et Littoral comme disposant des moyens nécessaires pour offrir à sa clientèle un service de nettoyage selon une périodicité régulière, dans des conditions similaires aux prestations de même type proposées dans le secteur hôtelier. A cet égard, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si les factures versées à l'instance démontrent que de nombreuses prestations de ménage ont été réalisées par la société la société Axeo Pro Services en semaine et durant le week-end, les mentions de ces factures ne permettent pas d'établir qu'elles correspondraient à des prestations de nettoyage en cours de séjour. Par ailleurs, si la société Vacances et Littoral soutient qu'elle était en mesure, au titre de la période vérifiée, d'assurer une prestation de réception de la clientèle, il résulte de l'instruction qu'elle ne dispose d'aucun local affecté à l'accueil ou à la réception de sa clientèle, la société se prévalant uniquement de la proximité du domicile de son gérant avec le gîte. La circonstance que le gérant de la société ou, en son absence, son épouse ou son frère peuvent en outre, sur rendez-vous, remettre aux clients les clés du logement à leur arrivée ne s'apparente pas à une prestation de réception de la clientèle fournies dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier. De même, le fait que la société dispose d'une ligne téléphonique fixe et mobile ainsi que d'une adresse de messagerie électronique ne permet pas de considérer qu'elle dispose d'un accueil de type électronique. Il résulte de ce qui précède que la société Vacances et Littoral n'assure qu'une seule des quatre prestations mentionnées au b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts et n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'exonération de TVA prévue par ces mêmes dispositions ne lui serait pas applicable. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité des montants de TVA supportés par la société Vacances et Littoral pour l'exercice de son activité de location.

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

8. Si la société Vacances et Littoral se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale exposée dans le paragraphe n° 40 du BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20, ce document ne contient aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il lui est fait application dans le cadre de la présente instance.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vacances et Littoral n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative fiscales doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Vacances et Littoral est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vacances et Littoral et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00659

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00659
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-18;21bx00659 ?
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