Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du 6 décembre 2018 et du 18 mars 2019 par lesquelles le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers l'a informée du rejet de sa candidature sur les postes de référente administrative et d'archiviste, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux reçu le 17 mai 2019 et sa demande de reclassement, et celles par lesquelles il a retenu d'autres candidatures que les siennes sur ces postes.
Par un jugement n° 1902222 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juillet 2021 et 30 novembre 2022, Mme C..., représentée par Me Lelong, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 1er juin 2021 ;
2°) d'annuler les décisions des 6 décembre 2018 et 18 mars 2019, la décision implicite rejetant son recours gracieux reçu le 17 mai 2019 et sa demande de reclassement, ainsi que les décisions attribuant les postes sur lesquels elle a candidaté à d'autres agents ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Poitiers la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable, dès lors que l'ordonnance de référé ayant rejeté sa demande de suspension a été notifiée sans l'informer des conséquences, prévues à l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, d'un défaut de confirmation de la requête au fond ; d'ailleurs, le jugement attaqué n'a pas retenu de désistement d'office ;
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que les chefs de service qui l'ont reçue en entretien dans le cadre de ses deux candidatures, et qui sont les réels décisionnaires, ne disposaient pas de délégations pour lui opposer un refus ; le jugement est ainsi entaché d'irrégularité ;
- il n'est pas démontré que les agents l'ayant reçue en entretien seraient compétents pour lui opposer un refus ;
- les décisions des 6 décembre 2018 et 18 mars 2019 ont été prises par une autorité incompétente ; il n'est pas établi que la délégation de signature dont bénéficiait la directrice des ressources humaines, signataire des décisions, ait été publiée sur un panneau d'affichage librement accessible comme l'exigeaient les dispositions de l'article R. 6143-38 du code de la santé publique ; le rejet implicite de son recours gracieux ne peut avoir régularisé un tel vice ;
- ces deux décisions sont insuffisamment motivées ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, qui a entaché son jugement de contradiction sur ce point, il ne s'agit pas de décisions l'informant d'un refus de candidature, mais bien de décisions refusant son reclassement ; en l'invitant à déposer un curriculum vitae et à faire acte de candidature, le CHU a entaché ses décisions de refus de reclassement d'un vice de procédure ; l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 prévoit seulement que l'agent présente une demande et seul un motif médical pouvait justifier sa non-affectation sur le poste de reclassement identifié ;
- alors même qu'elle n'avait pas formulé de demande, elle était en droit de bénéficier d'une période de préparation au reclassement, conformément à l'article 75-1 de la loi du 9 janvier 1986 ;
- les décisions sont entachées d'erreurs de droit et d'appréciation ; les postes ayant été proposés à d'autres agents, il ne s'agissait pas de propositions fermes et précises, et le CHU ne peut être regardé comme ayant respecté son obligation de reclassement ; le fait d'imposer aux agents de présenter une candidature avec curriculum vitae et de les soumettre à un entretien constitue une procédure non prévue par les textes et étrangère à la procédure de reclassement prévue par l'article 71 de la loi précitée ; le fait que plusieurs agents doivent faire l'objet d'un reclassement pour raison de santé ne peut justifier une telle procédure ; les décisions ne sont pas justifiées par son état de santé mais par de prétendues insuffisances ou manque de compétences ;
- elles sont constitutives d'un détournement de procédure, afin de la maintenir en disponibilité d'office.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2022, le CHU de Poitiers, représenté par la SCP KPL Avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C... de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable, faute pour l'intéressée d'avoir, en première instance, confirmé le maintien de sa demande au fond, après le rejet de son référé pour défaut de moyen sérieux par une ordonnance du 7 novembre 2019;
- les chefs de service l'ayant reçue en entretien n'ont pas pris de décision relative à son reclassement mais ont seulement rendu un avis, de sorte que le moyen tiré de leur incompétence était inopérant, et le tribunal n'était pas tenu d'y répondre ;
- les éventuels vices dont seraient entachées les deux décisions des 6 décembre 2018 et 18 mars 2019 ont été couverts par la décision du directeur du CHU rejetant son recours gracieux ; contrairement à ce que Mme C... soutient, les chefs de service n'ont émis qu'un avis sur l'adéquation des agents aux postes de reclassement proposés ;
- si une décision de refus de reclassement doit être motivée, une décision refusant de nommer un agent sur un poste particulier n'a pas à être motivée dès lors qu'il n'existe aucun droit pour l'intéressé, notamment lorsque plusieurs agents doivent se voir proposer un poste au titre de leur reclassement ;
- le comité médical n'avait pas à être saisi tant que l'agent choisi pour occuper le poste n'avait pas été déterminé ;
- le moyen tiré de ce que Mme C... aurait dû bénéficier d'une période de préparation au reclassement est inopérant à l'encontre de décisions refusant de la nommer sur deux postes précisément identifiés ;
- lorsque plusieurs agents sont à reclasser pour raisons de santé, l'établissement doit tenir compte de l'état de santé de chaque agent, mais aussi de l'intérêt du service au regard de la compétence de ces agents par rapport au poste proposé ; les chefs de service sont les mieux placés pour apprécier cette adéquation ; il ne peut être sérieusement prétendu que le CHU aurait méconnu son obligation de reclassement, d'autant que Mme C... a pu suivre une formation particulière pour augmenter ses possibilités de reclassement ;
- compte tenu des agents à reclasser, au nombre de 82, et de l'insuffisance des postes pour satisfaire tous les agents, le recours à l'avis des chefs de service était justifié et n'a pas eu pour objet de supprimer les garanties dont doit bénéficier Mme C... ; cette dernière ne peut se prévaloir d'un droit de priorité.
Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Duclos, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., recrutée par le CHU de Poitiers en qualité d'agent des services hospitaliers qualifié et titularisée le 1er juillet 2010 sur ce même poste, a été affectée, à compter du 22 novembre 2010, dans le service de stérilisation centrale. Placée en congé de longue maladie du 27 septembre 2016 au 20 août 2017, puis en arrêt de travail pour syndrome anxiodépressif réactionnel à une chirurgie du pied gauche réalisée le 11 janvier 2017, elle a été déclarée totalement et définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions, à la suite d'un avis du comité médical départemental de la Vienne du 3 mai 2018 qui s'est déclaré favorable à un reclassement. A l'épuisement de ses droits à congé de maladie, l'intéressée a été placée en disponibilité d'office à compter du 21 août 2018, dans l'attente de son reclassement. Mme C... a saisi le tribunal administratif de Poitiers afin de demander l'annulation de deux décisions des 6 décembre 2018 et 18 mars 2019 l'informant qu'elle n'était pas retenue sur les postes de référente médico-administrative et d'archiviste sur lesquels il était envisagé de la reclasser. Elle a également sollicité l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le CHU sur son recours gracieux formé le 16 mai 2019, ainsi que l'annulation des décisions ayant retenu d'autres candidats, également en demande de reclassement, pour les deux postes en litige. Par un jugement du 1er juin 2021 dont Mme C... relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU :
2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté ". Il résulte de ces dispositions qu'il ne peut être donné acte du désistement d'office du requérant que si la notification de l'ordonnance de référé qui lui a été adressée comporte la mention prévue au second alinéa de cet article.
3. Il ressort des pièces du dossier que la notification de l'ordonnance de référé du 7 novembre 2019 ne comportait pas les précisions requises par le second alinéa de l'article R. 612-5-2 précité. Au demeurant, la circonstance que Mme C... n'a pas confirmé, devant le tribunal, le maintien de sa requête à fin d'annulation des décisions en litige, après le rejet pour défaut de moyen sérieux de sa demande de suspension de l'exécution de ces décisions, n'est pas de nature à entacher sa requête d'appel d'irrecevabilité. La fin de non-recevoir opposée par le CHU de Poitiers ne peut donc qu'être écartée.
Sur la légalité des décisions :
4. Aux termes de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature. ". Aux termes de l'article R. 6143-38 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions du présent code, les décisions des directeurs des établissements publics de santé et les délibérations non réglementaires de leurs conseils de surveillance sont notifiées aux personnes physiques et morales qu'elles concernent. Leurs décisions et délibérations réglementaires sont affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d'autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l'établissement a son siège ".
5. Mme A... D..., directrice adjointe des ressources humaines et de la formation continue, a reçu, par décisions du directeur général du CHU des 31 octobre 2018 et 1er janvier 2019, délégation à l'effet de signer toute décision relevant de la gestion du personnel non médical, en l'absence ou en cas d'empêchement de la directrice des ressources humaines. Si le directeur général du CHU a attesté devant le tribunal que ces délégations ont été publiées à la fois sur les sites Internet et Intranet de l'établissement, il n'est pas établi, ni même allégué qu'elles aient été affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers, ainsi que l'exigeaient les dispositions précitées de l'article R. 6143-38, dans leur rédaction alors applicable. Dans ces conditions, l'administration n'établissant pas l'effectivité d'une publication régulière des décisions des 31 octobre 2018 et 1er janvier 2019 portant délégation de signature, et le rejet implicite du recours gracieux par le directeur du CHU ne pouvant avoir régularisé les décisions, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, Mme C... est fondée à soutenir que les décisions des 6 décembre 2018 et du 18 mars 2019 refusant sa candidature aux postes de référente médico-administrative et d'archiviste ont été prises par une autorité incompétente.
6. L'annulation des décisions refusant de retenir sa candidature aux postes de référente médico-administrative et d'archiviste implique nécessairement l'annulation de la décision implicite ayant rejeté le recours gracieux de Mme C.... En revanche, l'annulation de ces décisions pour le seul motif d'incompétence n'implique pas nécessairement l'annulation des décisions par lesquelles le CHU de Poitiers a retenu d'autres candidats sur ces postes, à l'encontre desquelles Mme C... ne présente pas de moyens spécifiques.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 6 décembre 2018 et du 18 mars 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
8. D'une part, les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le CHU de Poitiers demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
9. D'autre part, Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Poitiers une somme de 1 500 euros à verser à Me Lelong, avocate de Mme C..., sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Les décisions du 6 décembre 2018 et du 18 mars 2019, la décision implicite rejetant le recours gracieux de Mme C..., ainsi que le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 1er juin 2021 en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre ces décisions, sont annulés.
Article 2 : Le CHU de Poitiers versera à Me Lelong, avocate de Mme C..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au centre hospitalier universitaire de Poitiers et à Me Lelong.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2023.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX03307