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13/07/2023 | FRANCE | N°21BX02059

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 13 juillet 2023, 21BX02059


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... J..., Mme A... G..., M. F... J..., Mme I... H..., Mme B... D... et M. E... J... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite par laquelle le président du syndicat mixte Eaux de Vienne (SIVEER) a rejeté leur demande, reçue le 29 août 2019, tendant à ce que le syndicat procède à la remise en état de la station d'épuration de Bignoux et cesse tout rejet dans le bois de Lirec leur appartenant, et de lui enjoindre de rétablir l'étanchéité des bassins de lagunag

e de la station d'épuration, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 1 000...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... J..., Mme A... G..., M. F... J..., Mme I... H..., Mme B... D... et M. E... J... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite par laquelle le président du syndicat mixte Eaux de Vienne (SIVEER) a rejeté leur demande, reçue le 29 août 2019, tendant à ce que le syndicat procède à la remise en état de la station d'épuration de Bignoux et cesse tout rejet dans le bois de Lirec leur appartenant, et de lui enjoindre de rétablir l'étanchéité des bassins de lagunage de la station d'épuration, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1903085 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 mai 2021, 5 juillet, 21 septembre et 5 octobre 2022, et 16 juin 2023, les consorts J..., représentés par Me Pouilhe, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite rejetant leur demande reçue le 29 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au syndicat des eaux de Vienne (SIVEER) de rétablir l'étanchéité des bassins de lagunage de la station d'épuration de Bignoux ou, à défaut, de mettre à l'arrêt définitif la station d'épuration ou de prendre un ordre de service portant sur la réalisation d'un nouvel ouvrage d'assainissement, ou, à titre infiniment subsidiaire, de retirer les boues et effluents déposés dans le bois de Lirec en filière spécialisée et de reconstituer les boisements endommagés, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du syndicat des eaux de Vienne la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier faute d'avoir répondu sur l'existence d'un préjudice écologique qui justifie de faire application des dispositions des articles 1246 et suivants du code civil ; de telles conclusions ne présentaient pas de caractère subsidiaire ; à supposer que les premiers juges aient estimé qu'un motif d'intérêt général suffisamment important permettait la poursuite de l'exploitation, ils devaient imposer à l'exploitant des mesures de réparation, à titre principal, en nature et, à défaut, par le versement d'une indemnisation affectée à la remise en état du site ;

- comme le confirment les conclusions de l'expertise, le déversement des effluents dans le bois est dû à un défaut d'entretien généralisé des bassins, dont les membranes sont percées, créant une étendue d'eau viciée à la sortie ; le syndicat ne montre aucune intention de réaliser de quelconques travaux ;

- une fois qu'il est établi que les dommages trouvent leur origine dans le fonctionnement anormal d'un ouvrage, il n'y a pas lieu de rechercher si des efforts ont été faits pour faire cesser le trouble, mais de rechercher s'il existe un motif d'intérêt général pouvant justifier une abstention d'agir ; l'argumentation du syndicat tendant à démontrer qu'il n'est pas resté inactif est inopérante ;

- contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, la commune n'a pris aucun engagement pour la réalisation d'un nouveau système d'assainissement par filtration dès lors qu'elle n'a pris aucune décision de mise en œuvre, ni n'a recueilli aucun des avis préalables, ni fait réaliser les études géotechnique et hydrogéologique nécessaires au dossier d'autorisation ; l'étude géotechnique à laquelle le syndicat se réfère n'a jamais été produite et la faisabilité d'une infiltration des eaux épurées dans le milieu naturel n'est pas établie ; en outre, ce nouvel ouvrage ne peut pas être réalisé dans un délai raisonnable puisque, notamment, il nécessite de créer un réseau séparatif entre les eaux pluviales et les eaux usées ; un projet de remédiation entrant en fonction en mars 2022 était irréalisable ;

- les désordres ne proviennent pas de l'architecture globale du réseau et de sa capacité à gérer les eaux pluviales en cas de fortes précipitations, comme tend à le faire croire le syndicat, mais du défaut des membranes des bassins de lagunage ; le fait qu'il existe une autre cause qui ne relève pas de l'ouvrage d'assainissement ne pouvait justifier d'écarter une remise en état de celui-ci, qui est de nature à faire cesser le rejet quotidien des effluents ;

- l'action pour faire cesser un préjudice écologique visé à l'article 1246 du code civil n'est pas réservée aux collectivités publiques et associations, mais est ouverte à toute victime ; en l'espèce, ce préjudice est constitué par l'atteinte à l'écosystème que représente le bois de Lirec, répertorié parmi les zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I ; l'intérêt général qui permet de justifier une abstention de prendre des mesures correctives, s'il peut s'appliquer aux désordres causés par des ouvrages publics, ne peut justifier une inaction en présence d'un dommage environnemental ; alors que le tribunal a reconnu une faute dans la conception et l'entretien de l'ouvrage, il ne pouvait retenir le coût disproportionné des travaux pour rejeter la demande d'injonction, d'autant que le caractère disproportionné par rapport au préjudice subi n'est pas démontré par des données factuelles ; alors même qu'il n'y aurait pas d'abstention fautive, le tribunal aurait dû définir les mesures de nature à faire cesser définitivement le dommage, et prévoir un délai d'exécution de trois mois.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 février 2022, 30 août 2022, et 12 mai 2023, le syndicat des eaux de Vienne (SIVEER), représenté par Me Pierson, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le tribunal a considéré que le syndicat devait être regardé comme responsable des préjudices consécutifs au fonctionnement anormal de la station d'épuration et qu'il n'y avait dès lors pas lieu de statuer sur la responsabilité recherchée à titre subsidiaire sur le fondement d'un préjudice environnemental ; le moyen tiré d'une omission à statuer sur un moyen n'est pas fondé ;

- s'agissant de la demande d'injonction, aucune abstention fautive ne peut être imputée au syndicat, qui a entrepris d'importants travaux de rénovation de la station d'épuration ; une étude de diagnostic du système d'assainissement et trois schémas directeurs de gestion des eaux pluviales ont été réalisés ; alors que le réseau de la commune de Bignoux est unitaire, la station d'épuration recueillant aussi bien des eaux pluviales que des eaux usées, il a été constaté que des dysfonctionnements affectent le système des eaux pluviales, en particulier le bassin d'orage, dont l'entretien relève de la communauté urbaine du Grand Poitiers ; pour le renouvellement du système de traitement des eaux usées, le syndicat a fait le choix de créer une nouvelle " station d'épuration avec filtres plantés de roseaux " pour un coût de 750 000 euros, permettant d'éviter le rejet d'eaux dans le bois de Lirec ; le syndicat avait établi le dossier de déclaration dit " loi sur l'eau ", mais une étude complémentaire hydrogéologique a dû être réalisée en raison de la présence d'un périmètre de protection des captages d'eau à proximité ; après la remise de cette étude le 3 octobre 2021, un nouveau calendrier prévisionnel des travaux a été établi et l'actualisation du dossier " loi sur l'eau " déposée le 22 mars 2023 ; il ne saurait être fait grief au syndicat de ces délais, eu égard à la complexité du projet et aux contraintes auxquelles il est soumis ; l'intérêt général justifie non seulement que la procédure de reprise de la station d'épuration se poursuive comme prévu et ne soit pas retardée par la nécessité d'envisager des travaux de nature différente, mais aussi qu'il ne soit pas engagé des frais sur des bassins qui ont vocation à être détruits, d'autant qu'il n'est pas démontré que de tels travaux garantiraient la fin des troubles eu égard aux dysfonctionnements dans la gestion des eaux pluviales ; de même, l'intérêt des habitants s'oppose à l'arrêt du fonctionnement de la station d'épuration avant la mise en service de la nouvelle ;

- les requérants ne sont pas recevables à agir sur le fondement des dispositions du code civil relatives au préjudice écologique, cette action n'étant ouverte qu'aux collectivités ou aux associations qui défendent un intérêt collectif en matière écologique ; elle n'est pas ouverte aux particuliers en vertu du principe d'autonomie du préjudice écologique ; en outre, aucun préjudice environnemental n'est caractérisé en l'espèce ; dans ce contentieux relatif à l'étanchéité des bassins de la station d'épuration, les requérants ne sauraient demander le retrait des boues et effluents de leur bois et la reconstitution des boisements endommagés ; au demeurant, leur préjudice a déjà été réparé par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2021, devenu définitif ;

- en tout état de cause, la reconnaissance éventuelle d'un préjudice écologique n'a pas pour effet de conférer aux juges des pouvoirs d'injonction exorbitants du droit commun, et ceux-ci demeurent subordonnés à l'existence d'une carence fautive ; les dispositions de l'article 1249 du code civil prévoient seulement qu'il convient de privilégier une réparation en nature.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pouilhe, représentant les requérants et celles de Me Le Guillard, substituant Me Pierson, représentant le SIVEER.

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts J... sont propriétaires en indivision de terrains situés sur le territoire de la commune de Bignoux (Vienne). En amont de leurs parcelles, une station d'épuration par lagunage a été réalisée en 1982 afin d'assurer le traitement des eaux pluviales et des eaux usées de la commune, et a fait l'objet d'une extension en 1992, avec la création de nouveaux bassins de lagunage réalisés sur des parcelles dont les consorts J... ont été expropriés. Le syndicat intercommunal des eaux de Vienne (SIVEER), initialement exploitant de l'équipement pour le compte de la commune, en est devenu propriétaire le 1er janvier 2017. Constatant que les eaux issues de la station d'épuration étaient rejetées dans le bois de Lirec leur appartenant, et que se constituait, sur une surface de 2,4 hectares, une zone de stagnation des eaux seulement partiellement épurées, qui entraînait le dépérissement des arbres, les requérants ont saisi le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, afin que soit rétablie l'étanchéité de l'ouvrage. Par une décision du 5 juin 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du juge des référés du 19 septembre 2019 qui avait fait droit à leur demande et a rejeté celle-ci pour défaut d'urgence, en l'absence de danger immédiat sur le plan sanitaire ou environnemental, alors que les désordres se réalisaient depuis l'année 2010. Les consorts J... ont alors saisi le tribunal administratif de Poitiers pour demander la condamnation du SIVEER à réparer leur préjudice subi pour la période passée et à faire cesser le préjudice actuel en procédant à la remise en état des bassins de lagunage. Par un premier jugement n° 1903086 du 11 mars 2021 devenu définitif, le tribunal a condamné le SIVEER à leur verser la somme de 37 403,20 euros en réparation des préjudices subis à la suite des dysfonctionnements de la station d'épuration. Par un second jugement n° 1903085 du 11 mars 2021, dont ils relèvent appel, le tribunal a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint au syndicat de procéder à la remise en état de la station d'épuration et de faire cesser tout rejet dans le bois de Lirec.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué, et notamment des points 5 à 7, que les premiers juges ont relevé que les consorts J... avaient la qualité de tiers par rapport à la station d'épuration et qu'il ressortait notamment du rapport d'expertise du 20 juin 2019 que les dégradations constatées dans le bois de Lirec provenaient de dysfonctionnements de l'ouvrage révélant une faute dans son entretien. Ils ont ensuite estimé que, dans ces conditions, le SIVEER devait être regardé comme responsable de la totalité des préjudices consécutifs au fonctionnement anormal de la station. En considérant qu'eu égard à l'obligation de réparation intégrale pesant sur le SIVEER, il n'y avait pas lieu de statuer sur la responsabilité recherchée sur le fondement d'un préjudice écologique, prévue par les dispositions des articles 1246 et suivants du code civil, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une omission à statuer, et la critique de leur raisonnement ne saurait être examinée qu'au regard du bien-fondé du jugement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

3. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.

4. Pour la mise en œuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies au point précédent, alors même que le requérant demanderait l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction à prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 20 juin 2019, que la station d'épuration est constituée d'un déversoir d'orage qui assure deux fonctions, la collecte des eaux usées et le détournement du surplus des effluents en provenance du réseau unitaire de la commune, en période d'intempéries, dans le bassin d'orage, ainsi que de trois bassins de lagunage par lesquels les eaux doivent passer successivement pour bénéficier du processus bactériologique de traitement par oxygénation et décantation. Toutefois, l'expert a constaté que le cours normal des eaux ne s'effectue pas, aucun transfert ne s'opérant par les surverses entre les bassins, et les bassins 2 et 3 présentant des eaux stagnantes. La cause de ce phénomène a été identifiée dans le mauvais état des membranes devant assurer l'étanchéité des bassins, laissant apparaître de nombreuses perforations, de sorte que les effluents percolent sous les membranes et sont collectés par des drains, dont la fonction théorique est de récolter les eaux de nappe remontant dans le sol sous les membranes afin d'éviter un phénomène de " bulle et de cloquage " de celles-ci. En s'évacuant par ces drains raccordés à une canalisation, les effluents non traités se déversent, avec un fort débit estimé à 160 m3 par jour, directement dans l'exutoire naturel. Cette arrivée excessive d'eau a provoqué une saturation des terrains forestiers situés en aval de la station et l'asphyxie des arbres situés dans le bassin versant, sur une superficie de 2,4 hectares.

6. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Poitiers dans un jugement du même jour que celui attaqué, et devenu définitif, les désordres constatés sur les terrains appartenant aux consorts J... dans le bois de Lirec sont directement imputables au mauvais entretien de la station d'épuration depuis plusieurs années. Les consorts J... étant des tiers par rapport à cet ouvrage jouxtant leurs terrains, la responsabilité sans faute du SIVEER, propriétaire de l'ouvrage, est engagée. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, le dommage perdure en l'absence de réalisation par le SIVEER de rénovation des équipements de la station d'épuration.

7. Il résulte néanmoins de l'instruction que le SIVEER a engagé, en 2019, une étude de diagnostic des systèmes d'assainissement et d'établissement de schémas directeurs des eaux pluviales. En vue de répondre à l'objectif de mise en place d'un système de traitement efficace dans le bourg de la commune de Bignoux, dont la population s'accroît, avec un exutoire adapté pour les eaux traitées, le SIVEER a opté, parmi différentes options envisagées, pour la réalisation d'un nouvel équipement en lieu et place de l'actuel ouvrage, consistant en une station d'épuration par filtres plantés de roseaux, comportant notamment quatre bassins d'infiltration afin de supprimer les rejets d'effluents dans le bois de Lirec. Situé dans le périmètre de protection rapprochée du champ captant d'alimentation en eau potable de Charassé, qui comprend trois forages, ce projet a nécessité l'avis favorable d'un hydrogéologue, qui a été obtenu en juillet 2021. Le dossier de déclaration du projet, déposé le 23 novembre 2021, a été déclaré complet le 22 mars 2023. Le calendrier prévisionnel établi par le SIVEER prévoit un démarrage des travaux fin 2023, début 2024 et une mise en service au printemps 2024, et le bureau du syndicat a décidé, le 11 avril 2023, le lancement de la procédure de consultation pour la passation d'un marché de travaux et autorisé son président à signer à son terme le contrat. Il ressort des documents produits que ce nouvel ouvrage, d'un coût estimé à 789 000 euros, est de nature à répondre aux désordres constatés sur les propriétés des consorts J..., alors que la réhabilitation des bassins de lagunage avec réfection des géomembranes, qui assurerait, selon le cabinet de conseil ayant étudié les différentes options, des performances fluctuantes selon les saisons, présente un coût estimé en 2019 de 190 000 euros. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il existerait une solution transitoire, moins onéreuse, qui permettrait de résoudre les désordres occasionnés sur les parcelles des consorts J... dans l'attente de la construction du nouvel ouvrage. Celui-ci n'est pas irréalisable, contrairement à ce que soutiennent les consorts J..., du seul fait que sa mise en service doit s'accompagner de travaux de réduction des entrées d'eaux pluviales dans le réseau unitaire, que le Grand Poitiers a déjà envisagés. Dans ces conditions, eu égard à l'intérêt général que présente la construction d'une nouvelle station d'épuration, notamment pour les habitants de la commune de Bignoux, le SIVEER n'a pas commis de faute en s'abstenant de procéder à la rénovation des géomembranes. Les consorts J... ne peuvent par suite demander qu'il lui soit enjoint de les rendre étanches et aucune autre mesure transitoire ne parait pouvoir être ordonnée pour mettre fin aux dommages. S'ils font état de la poursuite d'un préjudice au-delà de la période pour laquelle ils ont obtenu réparation par un jugement distinct du 11 mars 2021, qui a mis à la charge du SIVEER le coût de dégagement des arbres morts et de la replantation, il leur appartiendra d'en chiffrer les éléments lorsque le dommage aura pris fin, et il n'y a pas lieu, en l'état, de procéder à son évaluation. Enfin, la demande concernant le retrait des boues, qui ne couvre pas le même préjudice que celui déjà indemnisé contrairement à ce que soutient le SIVEER, est prématurée, dès lors que les écoulements n'ayant pas pris fin, cette mesure ne serait pas de nature à assurer la remise en état du site.

Sur la demande de réparation d'un préjudice écologique :

8. Aux termes de l'article 1246 du code civil : " Toute personne responsable d'un préjudice écologique est tenue de le réparer ". Aux termes de l'article 1247 de ce code : " Est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement ". Aux termes de l'article 1248 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l'Etat, l'Agence française pour la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement ". Selon l'article 1249 du même code : " La réparation du préjudice écologique s'effectue par priorité en nature. (...) ". L'article 1252 du même code prévoit que : " Indépendamment de la réparation du préjudice écologique, le juge, saisi d'une demande en ce sens par une personne mentionnée à l'article 1248, peut prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou faire cesser le dommage. "

9. En se bornant à faire valoir que le bois de Lirec est répertorié parmi les zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I et que les dysfonctionnements de la station d'épuration ont conduit à la formation d'une étendue d'eau stagnante, d'une surface de 2,4 hectares, qui provoque le dépérissement des arbres, les consorts J... n'établissent pas l'existence d'une atteinte non négligeable à un écosystème ou à des bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement, justifiant que soit recherchée une réparation en nature en dehors des voies de droit commun ouvertes aux particuliers. Par suite, leur demande d'injonction de réparer un préjudice écologique doit, en tout état de cause, être rejetée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts J... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête des consorts J... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le SIVEER sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... J..., représentant unique des consorts J..., et au syndicat des eaux de Vienne.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX02059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02059
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : POUILHE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-13;21bx02059 ?
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