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13/07/2023 | FRANCE | N°21BX00447

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 13 juillet 2023, 21BX00447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... H..., mère de Mme G... F..., Mme C... F... et M. D... F..., ses enfants, ainsi que MM. E..., I... et A... F..., ses frères, ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique à leur verser des indemnités d'un montant total de 283 600 euros en réparation des préjudices subis du fait de la prise en charge de

Mme G... F..., décédée dans cet établissement le 11 février 2017.

Par un jugement n° 2000083 du 20 nov

embre 2020, le tribunal a condamné le CHU de Martinique à verser les sommes de 15 000 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... H..., mère de Mme G... F..., Mme C... F... et M. D... F..., ses enfants, ainsi que MM. E..., I... et A... F..., ses frères, ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique à leur verser des indemnités d'un montant total de 283 600 euros en réparation des préjudices subis du fait de la prise en charge de

Mme G... F..., décédée dans cet établissement le 11 février 2017.

Par un jugement n° 2000083 du 20 novembre 2020, le tribunal a condamné le CHU de Martinique à verser les sommes de 15 000 euros à Mme H..., de 19 500 euros à

M. D... F..., de 12 500 euros Mme C... F..., et de 5 000 euros chacun à M. E... F..., M. I... F... et M. A... F....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2021 et un mémoire enregistré le 20 mai 2022, Mme J... H..., Mme C... F..., M. D... F..., M. E... F..., M. I... F... et M. A... F..., représentés par Me Constant, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement en ce qui concerne le montant des sommes allouées ;

2°) de condamner le CHU de Martinique à leur verser des indemnités d'un montant total de 226 600 euros ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Martinique une somme de 1 000 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les sommes allouées au titre du préjudice d'affection sont insuffisantes et doivent être portées à 30 000 euros pour Mme H..., 18 000 euros pour Mme C... F..., 20 000 euros pour M. D... F... et 9 000 euros pour chacun des frères de

Mme G... F... ;

- les souffrances endurées par Mme G... F... doivent être indemnisées à hauteur de 8 000 euros et son préjudice d'angoisse de mort imminente à hauteur de 15 000 euros, soit 12 500 euros pour chacun de ses enfants en leur qualité d'héritiers ; l'expert n'a pas tenu compte de la douleur en lien avec le cancer pour évaluer les souffrances endurées ;

- Mme F... a travaillé jusqu'à la veille de son entrée à l'hôpital, ainsi qu'il en est justifié par les pièces produites ; au demeurant, même si elle avait été en congé de maladie, elle aurait continué à percevoir un revenu ; elle versait 520 euros par mois à sa fille étudiante en métropole, dont elle payait également le loyer ; son fils étudiant à l'IUT de Martinique vivait au foyer et a ensuite poursuivi des études d'ingénieur à Grenoble grâce à la solidarité familiale ; il y a lieu d'estimer que Mme F... versait chaque mois 1 000 euros à chacun de ses enfants ; compte tenu de l'âge de ces derniers au décès de leur mère et de leur progression dans leurs études, il y a lieu de retenir un préjudice économique de 3 ans pour Mme C... F... et de 5 ans pour M. D... F..., soit respectivement 36 000 euros et 57 600 euros ; les sommes sollicitées tiennent compte d'une chance de survie de 22 % sur 5 ans ;

- Mme C... F... n'a pas pu terminer son année de préparation au concours d'entrée à l'école nationale de la magistrature (ENM) du fait du décès de sa mère et s'est orientée l'année suivante vers le concours de greffier car il lui devenait impossible, pour des raisons financières, de faire trois ans d'études supplémentaires à l'ENM ; c'est ainsi à tort que le tribunal a rejeté la demande de 15 000 euros au titre de la perte de chance de poursuivre la préparation du concours de l'ENM ;

- alors qu'ils sollicitaient 1 000 euros par personne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal leur a alloué une somme globale de 1 500 euros, inférieure au montant de l'aide juridictionnelle ; il est demandé à la cour de faire une application équitable de la somme à allouer à chaque requérant, soit 1 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2022, le CHU de Martinique, représenté par la SELAS Tamburini-Bonnefoy, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réduire à de plus justes proportions les sommes allouées au titre des souffrances endurées par la victime et du préjudice d'affection de ses proches. Il demande en outre qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des consorts F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- il ne conteste pas les manquements retenus par l'expert ;

- les sommes allouées au titre du préjudice d'affection doivent être ramenées à 10 000 euros pour Mme H..., à 5 000 euros pour Mme C... F..., alors âgée de 26 ans et qui résidait à Bordeaux, et à 4 000 euros pour chacun des trois frères de Mme F... ; la somme de 15 000 euros allouée à M. D... F..., âgé de 21 ans et qui résidait avec sa mère, est suffisante ;

- c'est à tort que le tribunal a alloué des sommes à chaque enfant au titre des souffrances endurées par Mme F..., alors que l'indemnisation de ce préjudice de la victime doit être versée à ses ayants droits, à charge pour ces derniers de se partager la somme allouée ; seules les souffrances endurées du fait de la faute sont indemnisables, à l'exclusion de celles en lien avec le cancer métastasé, et elles ont été brèves ; l'indemnisation des souffrances et du préjudice lié à la conscience d'une mort imminente ne saurait excéder une somme globale de 4 000 euros, de sorte que l'indemnité d'un montant total de 9 000 euros allouée par le tribunal est excessive ;

- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes relatives aux préjudices économiques des enfants de Mme F..., dont les pièces produites en appel n'établissent toujours pas l'existence ; au demeurant, ces préjudices devraient être appréciés en tenant compte du risque de décès de 78 % dans les 5 ans auquel Mme F... était exposée du fait du cancer avec métastases ;

- Mme C... F... ne démontre pas davantage en appel qu'en première instance que le décès de sa mère lui aurait fait perdre une chance sérieuse d'être admise au concours de l'ENM ;

- les consorts F..., qui ont déposé une requête unique, ne sont pas fondés à demander une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requête a été communiquée à la Poste, qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 7 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mai 2023.

Par lettre du 12 juin 2023, les parties ont été informées, en application de

l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement en ce que le tribunal n'a pas mis en cause la Poste, employeur public de Mme F....

Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été présentées pour les consorts F... le 6 juillet 2023, postérieurement à l'audience, et n'ont donc pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la santé publique ;

- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Taverne, représentant le CHU de Martinique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... F..., née le 24 décembre 1965, a été prise en charge en 2010 au CHU de Martinique pour un cancer du sein gauche, considéré en rémission complète en juillet 2015. En novembre 2016, elle a consulté son rhumatologue pour des douleurs osseuses chroniques, et le 7 décembre suivant, une IRM du rachis lombaire a mis en évidence de probables métastases. Un scanner thoraco-abdomino-pelvien réalisé le 20 décembre 2016 au centre anti-cancéreux de Bordeaux a permis de diagnostiquer une diffusion métastatique avec des atteintes pulmonaires, hépatiques, et osseuses au niveau du bassin, du rachis vertébral et des côtes, justifiant l'instauration d'une chimiothérapie. A partir du 5 janvier 2017, la patiente a été prise en charge au CHU de Martinique, où une biopsie hépatique en vue d'une nouvelle biologie tumorale a été réalisée le 10 février 2017 au matin. Cette intervention s'est compliquée d'un saignement nécessitant l'injection d'un produit hémostatique, sans que l'opérateur le mentionne dans son compte-rendu définitif, ni en informe l'équipe soignante. A partir de 12 heures 30, Mme F... a présenté des vomissements, des douleurs abdominales intenses et une anxiété majeure, puis un état de confusion, une chute de tension et une tachycardie. Elle a été transférée à 18 heures 30 dans l'unité de déchocage du service des urgences, où elle a reçu une transfusion de quatre culots globulaires rouges en raison d'une anémie à 6,9 g, ainsi qu'un traitement vasoconstricteur. Un scanner a révélé un abondant épanchement intra-abdominal et la présence de deux larges blushs hépatiques, compatibles avec un saignement artériel. Après l'échec d'une tentative d'embolisation des artères hépatiques, une hémostase chirurgicale a été réalisée en urgence, mais l'état de Mme F... s'est à nouveau dégradé, avec une défaillance multiviscérale conduisant à son décès le 11 février 2017 à 11 heures 37.

2. Les enfants de Mme F... ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique d'une demande d'expertise, à laquelle il a été fait droit par une ordonnance du 15 juin 2018. L'expert a estimé qu'eu égard aux risques de complications graves, notamment hémorragiques, dont la patiente n'avait d'ailleurs pas été informée, la biopsie ne s'imposait pas pour confirmer la localisation hépatique d'une métastase d'un cancer du sein, alors qu'un prélèvement osseux ou ganglionnaire aurait pu apporter des informations similaires avec des complications potentielles nettement moins graves. Il a en outre relevé que le traitement anti-inflammatoire prescrit pour les douleurs osseuses n'avait pas été arrêté à titre préventif, ce qui avait pu diminuer la qualité de la coagulation, et que le suivi post-interventionnel n'avait pas été consciencieux et attentif, tant en ce qui concerne l'opérateur, lequel n'avait délivré aucune information sur la survenue d'une hémorragie, que le service de chirurgie digestive, dans lequel la surveillance clinique n'avait pas été suffisante compte tenu des symptômes présentés à partir de 12 heures 30. Enfin, il a qualifié de non consciencieux, non diligents et non conformes aux données acquises de la science les soins délivrés dans le service de déchocage des urgences, avec un retard à la réalisation en urgence d'un scanner abdominal et un manque de coordination entre les différents acteurs médicaux, à l'origine d'un retard de prise en charge aggravé par la tentative d'hémostase par embolisation réalisée près de quinze heures après le début de l'hémorragie, de sorte que l'intervention chirurgicale qui s'imposait en extrême urgence avait été réalisée trop tardivement.

3. Mme H..., mère de Mme G... F..., Mme C... F... et M. D... F..., ses enfants, ainsi que MM. E..., I... et A... F..., ses frères, ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner le CHU de Martinique à leur verser des indemnités d'un montant total de 283 600 euros en réparation des préjudices de Mme G... F... entrés dans sa succession et de leurs préjudices propres. Ils relèvent appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel le tribunal a seulement condamné le CHU à verser les sommes de 15 000 euros à Mme H..., de 19 500 euros à M. D... F..., de 12 500 euros à Mme C... F... et de 5 000 euros chacun à MM. E..., I... et A... F..., en ce qu'il a rejeté le surplus de leur demande. Par son appel incident, le CHU de Martinique demande à la cour de réduire les sommes allouées au titre des préjudices de la victime et du préjudice d'affection de ses proches. Mme H... est décédée en cours d'instance le 23 avril 2021.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, en vigueur à la date du jugement et désormais codifié à l'article L. 825-6 du code général de la fonction publique, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers " doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ". Cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit.

5. La qualité d'agent public des services de la Poste de Mme F... ressortait des pièces du dossier, notamment de l'expertise. Le tribunal n'a pas communiqué la requête à l'employeur de la victime. Par suite, le jugement est irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu pour la cour de se prononcer par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme H... et des consorts F....

Sur la responsabilité :

6. Le CHU de Martinique ne conteste pas les manquements fautifs retenus par l'expert et détaillés au point 2, à l'origine d'une perte de chance de survie de 100 %, alors que, selon l'expert, l'espérance de vie de Mme F... au regard de sa pathologie était de 22 % à 5 ans.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices de Mme F... entrés dans sa succession :

7. Les souffrances endurées par Mme F..., cotées à 3 sur 7 par l'expert, sont en lien avec les conséquences de la biopsie hépatique, et non avec les douleurs osseuses provoquées par le cancer métastasé. Il y a lieu d'évaluer ce préjudice à 3 000 euros.

8. L'expert a estimé que Mme F... avait pu avoir " conscience de l'extrême gravité de sa situation et de l'angoisse de perdre la vie " avant sa sédation et son intubation avec une ventilation artificielle, ce qui est corroboré par le dossier médical indiquant qu'elle était très anxieuse à 13 heures 30, ainsi que par la plainte d'être très souffrante que Mme F... a exprimée ultérieurement par téléphone à sa fille et à son frère, et par le fait qu'elle a rappelé son frère vers 17 h 30, alors qu'elle avait des difficultés à s'exprimer. L'existence d'un préjudice d'angoisse de mort imminente doit ainsi être regardée comme établie. Il en sera fait une juste appréciation en fixant son indemnisation à 5 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices des proches :

S'agissant de Mme H... :

9. Il résulte de l'instruction que Mme H..., âgée de 74 ans à la date du décès de sa fille, résidait au foyer de cette dernière. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'affection, entré dans sa succession, en l'évaluant à 15 000 euros.

S'agissant de Mme C... F... :

10. Il résulte de l'instruction que Mme C... F..., titulaire d'une maîtrise de droit, économie et gestion délivrée par l'université de Bordeaux au titre de l'année 2014-2015, suivait à Bordeaux, au cours de l'année 2016-2017, une préparation privée au concours de l'école nationale de la magistrature (ENM), qu'après le décès de sa mère, elle a sollicité et obtenu l'autorisation de reporter cette formation pour une présentation à la session 2018 du concours, mais qu'elle s'est réorientée vers le concours de greffier des services judiciaires, auquel elle a été admise le 6 juillet 2018. Si des difficultés psychologiques et financières en lien avec le décès de sa mère peuvent expliquer le renoncement de Mme C... F... à préparer le concours de l'ENM, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait eu une chance sérieuse d'y être admise, eu égard au caractère très sélectif de ce concours dont la très grande majorité des lauréats sont titulaires d'un master. Par suite, la demande d'indemnisation d'une perte de chance de poursuivre la préparation du concours de l'ENM ne peut être accueillie.

11. Les relevés de compte de Mme C... F... font apparaître que sa mère contribuait à son entretien à hauteur d'environ 520 euros par mois, essentiellement pour le paiement de son loyer. L'existence de contributions d'autres personnes est sans incidence sur le caractère indemnisable de la perte de cette aide du fait du décès de Mme G... F.... Il résulte de l'instruction que cette dernière, directrice d'établissement à la Poste, était en bon état général malgré des douleurs à la marche lorsqu'elle a été vue pour la première fois en consultation au CHU de Martinique le 5 janvier 2017, qu'elle a travaillé jusqu'à son admission à l'hôpital le 9 février 2017, que son état de santé ne l'exposait pas à un décès à court terme dès lors que ses chances de survie étaient de 22 % à 5 ans, et que son statut de fonctionnaire lui ouvrait droit à un congé de maladie de longue durée à plein traitement durant trois ans, ce qui lui aurait permis de poursuivre son aide à sa fille engagée dans une préparation de concours. Il y a lieu d'admettre que Mme G... F... avait une chance sérieuse de survie à deux ans, et qu'elle aurait pu contribuer à l'entretien de sa fille jusqu'à ce que celle-ci accède à l'autonomie financière avec sa nomination en qualité de stagiaire dans le corps des greffiers des services judiciaires à compter du 19 novembre 2018. Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir un préjudice économique de Mme C... F... de 520 euros par mois durant 21 mois, soit 10 920 euros.

12. Si Mme C... F..., âgée de 26 ans à la date du décès de sa mère, était proche de cette dernière qui lui avait d'ailleurs rendu visite à Bordeaux en décembre 2016, elles ne résidaient plus ensemble depuis plusieurs années. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection de Mme C... F... en fixant son indemnisation à 10 000 euros.

S'agissant de M. D... F... :

13. Il résulte de l'instruction qu'à la date du décès de sa mère, M. D... F..., âgé de 21 ans, résidait au foyer de celle-ci et préparait un diplôme universitaire de technologie (DUT) en hygiène, sécurité et environnement, qu'il a obtenu en 2017, puis qu'il a ultérieurement poursuivi ses études à l'école polytechnique universitaire de Grenoble, où il a obtenu un diplôme d'ingénieur au titre de l'année 2019-2020. Il y a lieu d'admettre que Mme G... F... consacrait 15 % de ses revenus à l'entretien de son fils, soit 600 euros par mois sur la base du dernier traitement mensuel net de 4 001 euros figurant sur le bulletin de paie de novembre 2016. Dans ces circonstances, le préjudice économique de M. D... F... peut être regardé comme établi sur une période de deux ans correspondant à la perte de chance sérieuse de survie de sa mère, soit 14 400 euros.

14. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection de M. D... F... en fixant son indemnisation à 15 000 euros.

S'agissant des frères de Mme F... :

15. Il y a lieu d'évaluer le préjudice d'affection de MM. E..., I... et A... F..., frères de Mme F..., à 5 000 euros chacun.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de Martinique doit être condamné à verser les sommes de 15 000 euros à la succession de Mme H..., de 8 000 euros à la succession de Mme G... F..., de 20 920 euros à Mme C... F..., de

29 400 euros à M. D... F... et de 5 000 euros chacun à MM. E..., I... et A... F....

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

17. Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique, liquidés et taxés à 3 397 euros par une ordonnance du

1er mars 2019, doivent être mis à la charge définitive du CHU de Martinique.

18. Les consorts F..., qui ne bénéficient pas de l'aide juridictionnelle en appel, ne sauraient prétendre à une somme globale équivalant individuellement à une somme supérieure au barème de cette aide, alors au demeurant que leur requête unique ne nécessitait pas une facturation individuelle des honoraires de leur avocat. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Martinique une somme globale de 3 000 euros au titre des frais qu'ils ont exposés à l'occasion du litige en première instance et en appel.

19. Le CHU de Martinique, qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 2000083 du

20 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : Le CHU de Martinique est condamné à verser les sommes de 15 000 euros à la succession de Mme H..., de 8 000 euros à la succession de Mme G... F..., de 20 920 euros à Mme C... F..., de 29 400 euros à M. D... F..., et de 5 000 euros chacun à MM. E..., I... et A... F....

Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique, liquidés et taxés à 3 397 euros par une ordonnance du

1er mars 2019, sont mis à la charge définitive du CHU de Martinique.

Article 4 : Le CHU de Martinique versera aux consorts F... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F..., représentante unique pour l'ensemble des requérants, au centre hospitalier universitaire de Martinique, à la Poste et à la caisse générale de sécurité sociale de Martinique.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX00447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00447
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CONSTANT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-13;21bx00447 ?
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