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06/07/2023 | FRANCE | N°22BX02558

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 06 juillet 2023, 22BX02558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 27 octobre 2021 par laquelle l'établissement public de santé mentale (EPSM) de la Guadeloupe l'a suspendue de ses fonctions sans rémunération à compter du 5 novembre 2021, jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination contre la Covid-19.

Par un jugement n° 2101723 du 21 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 27 septembre 2022, Mme B..., représentée par la SELARL Roland Ez...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 27 octobre 2021 par laquelle l'établissement public de santé mentale (EPSM) de la Guadeloupe l'a suspendue de ses fonctions sans rémunération à compter du 5 novembre 2021, jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination contre la Covid-19.

Par un jugement n° 2101723 du 21 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2022, Mme B..., représentée par la SELARL Roland Ezelin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 27 octobre 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'EPSM de la Guadeloupe une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'employeur ne justifie pas de la mise en demeure prévue par la loi, laquelle est essentielle en raison de la nature de la suspension qui s'apparente à une sanction ;

- elle bénéficiait d'un congé annuel du 3 au 17 novembre 2021, signé par le cadre de santé ;

- la suspension de fonctions, qui a des conséquences économiques graves pour

elle-même et l'ensemble de sa famille, n'est pas justifiée par la protection générale de la santé publique, dès lors que plusieurs centres hospitaliers sont en train de rappeler le personnel suspendu dans le cadre du " plan blanc " qui est ou ne tardera pas à être en vigueur dans l'ensemble des structures hospitalières de la Guadeloupe ;

- il ne peut lui être reproché de s'être placée elle-même dans une situation qu'elle " ne pouvait pas ne pas connaître " dès lors que la loi a rendu le dispositif inintelligible pour un profane ;

- la mise en œuvre de la loi dans la situation particulière du salarié gréviste est contraire au droit de grève reconnu par la Constitution ; en l'espèce, aucune disposition ne venait limiter le droit de grève, et en prononçant sa suspension sur le fondement de la loi du 5 août 2021, l'employeur l'a privée d'avantages dont la qualité de gréviste ne la prive pas, notamment de l'ancienneté ; cette " mise en œuvre sans nuance " aboutit à entraver l'exercice du droit de grève, ce qui constitue une infraction.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2022, l'EPSM de la Guadeloupe, représenté par Me Albina Collidor, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative.

Il fait valoir que :

- plusieurs notes de service ont informé les personnels de la nécessité de fournir

les justificatifs exigés par la loi du 5 août 2021, et des risques de suspension auxquels

ils s'exposaient s'ils ne les produisaient pas ; en outre, un courrier personnel en date

du 5 octobre 2021 a été adressé à Mme B... ;

- Mme B... n'ayant pas produit les justificatifs sollicités, sa suspension devait être prononcée ;

- le départ en congé est postérieur à la décision de suspension, comme l'a relevé

le tribunal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 27 octobre 2021, Mme B..., monitrice éducatrice titulaire affectée à l'établissement public de santé mentale (EPSM) de la Guadeloupe, a été suspendue

de ses fonctions à compter du 5 novembre 2021, jusqu'à la production d'un justificatif

de vaccination ou de contre-indication à la vaccination contre la Covid-19. Elle relève appel du jugement du 21 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande d'annulation de cette décision au motif que l'administration se trouvait en situation de compétence liée.

2. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre

la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...). " Aux termes de l'article 13 de la même loi : " I. -Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de

l'article 12. (...) / (...) / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité. / (...). " Aux termes de l'article 14 de cette loi : " I. / (...) / B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / (...) / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. / Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. / (...). "

3. En premier lieu, les dispositions de la loi du 5 août 2021, qui imposent une obligation vaccinale pour l'ensemble des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, ont pour objet, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de Covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé, de garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et de protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des malades hospitalisés. Par suite, Mme B... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la suspension d'un agent ne satisfaisant pas à l'obligation vaccinale ne serait pas justifiée par un objectif de protection de la santé publique, ni que cette mesure aurait le caractère d'une sanction.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., l'intelligibilité

des dispositions citées au point 2 ne pose pas de difficulté. La requérante n'est d'ailleurs pas fondée à se prévaloir de sa qualité de " profane " pour prétendre qu'elle ne pouvait

les comprendre dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'EPSM de la Guadeloupe a diffusé dès le 16 août 2021 une note à l'ensemble de son personnel, explicitant l'obligation vaccinale imposée par la loi ainsi que la suspension de fonctions sans rémunération à laquelle s'exposeraient les agents qui ne respecteraient pas cette obligation, et indiquant les documents à produire selon les différentes situations, ce qui a été rappelé par des notes d'information ou de service des 3 septembre, 17 septembre, 8 octobre et 21 octobre 2021.

5. En troisième lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. Les dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 citées au point 2 imposent à l'employeur d'informer sans délai l'agent qui ne peut plus exercer son activité faute de respecter l'obligation vaccinale des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi, ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Si Mme B... soutient qu'il n'est pas établi qu'elle aurait reçu le courrier du 5 octobre 2021 produit par l'EPSM de la Guadeloupe, auquel la décision du 27 octobre 2021 fait référence, l'envoi de tels courriers et leur calendrier étaient annoncés par les notes de service précédemment adressées à tous les agents, et Mme B... a déposé le 25 octobre une demande de congé annuel du 3 au 17 novembre, ce qui établit qu'elle était parfaitement informée des moyens de régulariser au moins temporairement sa situation. Dans ces conditions, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

7. En quatrième lieu, les dispositions du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 subordonnent à l'accord de l'employeur la possibilité, pour l'agent faisant l'objet d'une interdiction d'exercer, d'utiliser des jours de congés payés. Il ressort des pièces du dossier que

si la demande de congé déposée le 25 octobre 2021 par Mme B... pour la période

du 3 au 17 novembre 2021 a été visée par sa cadre de santé, elle n'a pas été validée par le directeur des ressources humaines. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir d'un placement en congé annuel du 3 au 17 novembre 2021.

8. En cinquième lieu, contrairement à ce qu'affirme Mme B..., le jugement ne comporte aucune motivation relative à une qualité de gréviste, dont elle ne se prévaut pas davantage en appel qu'en première instance.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.

10. Mme B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par l'EPSM de la Guadeloupe à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'EPSM de la Guadeloupe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'établissement public

de santé mentale de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

22BX02558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02558
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SCP EZELIN DIONE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-06;22bx02558 ?
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