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06/07/2023 | FRANCE | N°21BX02569

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 06 juillet 2023, 21BX02569


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Réunion

de condamner le centre hospitalier Ouest Réunion (CHOR) à lui verser une somme totale

de 109 379 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'absence de conclusion d'une convention liée à son engagement, en 2013, sur un poste à recrutement prioritaire.

Par un jugement n° 1800908 du 10 mars 2021, le tribunal administratif de la Réunion a condamné le CHOR à verser à Mme B... la somme de 24 000 euros.

P

rocédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juin 2021 et 8 décembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Réunion

de condamner le centre hospitalier Ouest Réunion (CHOR) à lui verser une somme totale

de 109 379 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'absence de conclusion d'une convention liée à son engagement, en 2013, sur un poste à recrutement prioritaire.

Par un jugement n° 1800908 du 10 mars 2021, le tribunal administratif de la Réunion a condamné le CHOR à verser à Mme B... la somme de 24 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juin 2021 et 8 décembre 2022,

le CHOR, représenté par la SELARL Dugoujon et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Réunion du 10 mars 2021 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière à le garantir de toute condamnation, et à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la créance de Mme B... est prescrite depuis le 31 décembre 2017 ; c'est à tort que le tribunal a retenu, comme point de départ du délai de prescription quadriennale, le 1er mars 2014, date à laquelle, selon lui, une convention aurait dû être conclue par l'établissement avec l'intéressée, alors que cette dernière a été nommée le

1er décembre 2013 ; les droits revendiqués par Mme B... ont été acquis à cette dernière date ; les courriers invoqués ne remplissent pas les conditions requises pour être regardés comme interruptifs de prescription ;

- le poste sur lequel l'intéressée a été recrutée n'étant pas un recrutement prioritaire, il ne saurait créer un droit à bénéficier des indemnités prévues dans un tel cas, et la décision de reconnaissance de cette qualité par le CHOR ne s'imposait pas, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal ; aucune des deux conditions prévues par l'article R. 6152-5 du code de la santé publique, soit des difficultés de recrutement ou des difficultés dans l'exercice des fonctions, n'est remplie ; la seule publication comme tel, qui relève d'une erreur du centre de gestion, ne suffit pas à qualifier le poste de recrutement prioritaire ; l'absence de signature d'une convention reconnaissant le caractère prioritaire de l'emploi n'est donc pas susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement ;

- il n'y a pas de lien de causalité directe entre le préjudice allégué et la faute qu'il aurait commise, dès lors que l'hôpital est tenu de respecter la réglementation sur les postes à caractère prioritaire et que sa décision de ne pas signer la convention était justifiée ;

- le préjudice allégué est incertain s'agissant de la perte de chance de bénéficier d'un avancement accéléré pour la période future ; en outre, le retard de titularisation est sans lien avec l'objet du litige ; au demeurant, le léger retard a été régularisé par une décision prenant effet au 1er décembre 2014 ; enfin, Mme B... ne démontre pas ne pas avoir eu suffisamment de jours de congé formation pour suivre sa formation d'allergologue, dès lors qu'elle n'a pas épuisé ses droits à congé pour la période en cause ; le préjudice moral n'est pas établi, l'intéressée ayant exercé ses fonctions de médecin ;

- si une responsabilité était malgré tout retenue, elle incomberait au centre national de gestion, auquel il appartient d'établir la liste des postes prioritaires de praticiens hospitaliers et d'assurer la gestion de carrière de ces derniers, sans être lié par la proposition de l'ARS ; le centre hospitalier a demandé la publication d'un rectificatif au centre de gestion, qui n'y a pas fait droit alors que rien ne s'y opposait ; en tout état de cause, l'erreur matérielle commise ne saurait avoir pour effet de requalifier le poste non prioritaire en poste prioritaire et d'obliger l'établissement à conclure un contrat avec Mme B..., car cela créerait une rupture d'égalité avec les autres médecins qui occupent les mêmes fonctions au sein de l'établissement ;

- si une indemnisation est mise à la charge de l'établissement, celui-ci doit être entièrement garanti par le centre national de gestion, qui a commis une faute en qualifiant le poste de prioritaire lors de sa publication.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 17 janvier 2022 et 28 octobre 2022, Mme B..., représentée par la SCP Gaillard-Saubert, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation du CHOR à lui verser la somme de 93 760 euros correspondant à son préjudice de carrière et à son préjudice moral ;

3°) à la mise à la charge du CHOR de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la seule nomination, au demeurant pour une période probatoire d'un an, ne

suffit pas à ouvrir le droit à bénéficier des indemnités prévues pour les emplois à caractère prioritaire, il est nécessaire de signer une convention avec l'établissement dans

un délai de trois mois ; le point de départ du délai de prescription ne peut donc être

le 1er décembre 2013 ; en outre, en saisissant l'Agence régionale de santé le 30 avril 2014, qui a demandé à l'établissement de signer avec elle un contrat d'engagement, puis en adressant en ce sens un courriel à son employeur le 16 juin 2016, elle a interrompu le cours de la prescription ;

- si le centre national de gestion a établi la liste des postes prioritaires, c'est au vu d'une demande de l'établissement hospitalier ; le fait qu'il s'agisse d'un poste de praticien en médecine générale ne fait pas obstacle à son caractère prioritaire, l'arrêté du 14 mars 2017 n'étant pas applicable à sa situation ; en refusant de signer la convention d'engagement, l'établissement a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- ce n'est que postérieurement à son recrutement que le centre hospitalier a demandé au centre de gestion de rectifier une prétendue erreur sur le caractère prioritaire du poste, dont il est le seul responsable ;

- elle a subi une perte de chance d'être nommée sur un poste à caractère prioritaire et de bénéficier des avantages y afférents ; ainsi que l'a reconnu le tribunal, le préjudice financier s'élève à 10 000 euros pour la perte de l'allocation spécifique, à laquelle s'ajoute la perte de chance d'obtenir un avancement accéléré de deux ans, en application de

l'article R. 6152-22 du code de la santé publique ; ce dernier préjudice s'élevait, à la date du jugement, à 8 412,98 euros, auquel il convient d'appliquer le coefficient de vie chère

de 1,40 point, soit 11 778 euros ; il convient d'actualiser l'indemnisation accordée par le tribunal à la date de l'arrêt à intervenir ;

- s'y ajoute un préjudice futur, ce retard dans l'avancement affectant l'ensemble de sa carrière à venir ; la perte financière jusqu'au 13e échelon s'élève ainsi à 85 760 euros ;

- la difficulté à obtenir sa titularisation, qui n'est intervenue que le 31 mars 2015 avec effet au 1er décembre 2014, tient au conflit existant entre le CHOR et le centre national de gestion quant à la nature du poste qu'elle occupe ; l'attitude du CHOR l'a également privée de vingt-cinq jours de congé formation qui lui auraient été nécessaires pour la préparation de son diplôme d'allergologue, qu'elle a obtenu en 2018 ; la demande de rectificatif sur la nature du poste après qu'elle a été nommée révèle un manque de loyauté de l'établissement qui n'a d'ailleurs toujours pas exécuté le jugement attaqué ; son préjudice moral peut être évalué

à 8 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 23 novembre 2022, le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le directeur de l'établissement employeur étant seul compétent pour conclure la convention d'engagement, le centre national de gestion ne saurait être regardé comme coauteur des dommages subis par Mme B... ;

- il n'a pas commis de faute distincte de celle commise par le CHOR et ayant concouru au dommage, dès lors que c'est le directeur par intérim du centre hospitalier qui a demandé la publication d'un poste de praticien hospitalier en médecine générale dans la liste des postes à recrutement prioritaire, et que cette demande a été validée par l'Agence régionale de santé ; le centre national de gestion se trouvait donc en compétence liée pour publier ce poste dans la liste des postes à recrutement prioritaire ;

- la demande de rectification de la publication n'a été faite par le CHOR qu'un mois après la nomination et l'installation de l'intéressée sur son poste ; au demeurant, seule une proposition du directeur général de l'ARS permettrait de rectifier une éventuelle erreur, ce qui n'a en l'espèce pas été fait.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 68-150 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 2017-326 du 14 mars 2017, notamment son article 15 ;

- l'arrêté du 23 octobre 2001 fixant les modalités d'application des dispositions relatives aux postes à recrutement prioritaire prévues à l'article 5 du décret n° 84-131

du 24 février 1984 modifié portant statut des praticiens hospitaliers et à l'article 3-1 du décret n° 85-384 du 29 mars 1985 modifié portant statut des praticiens exerçant leur activité à temps partiel dans les établissements d'hospitalisation publics ;

- l'arrêté du 14 mars 2017 fixant les modalités d'application des dispositions relatives à la prime d'engagement de carrière hospitalière des assistants des hôpitaux et des praticiens contractuels exerçant leur activité dans les établissements publics de santé, et notamment son article 11 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Simon, substituant le cabinet Dugoujon et associés, représentant le centre hospitalier Ouest Réunion.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la publication d'un avis de vacances de postes,

Mme B..., médecin généraliste, a été recrutée le

1er décembre 2013 par le centre hospitalier Gabriel Martin de Saint-Paul, devenu le centre hospitalier Ouest Réunion (CHOR), en tant que praticien hospitalier à temps complet. Après une année probatoire, elle a été nommée, par un arrêté du 31 mars 2015, à titre permanent dans le corps des praticiens hospitaliers, avec effet au 1er décembre 2014. L'établissement hospitalier a, en revanche, refusé de signer la convention d'engagement, prévue par

l'article R. 6152-5 du code de la santé publique lorsque le poste est un recrutement prioritaire, au motif que si le poste avait été qualifié comme tel dans l'avis de vacances émis par le centre national de gestion, il ne remplissait pas les conditions pour l'être. Mme B... lui a demandé en vain la réparation des préjudices matériel et moral du fait de la non-conclusion de cette convention. Par un jugement du 10 mars 2021, le tribunal administratif de la Réunion a condamné le CHOR à verser à Mme B... la somme de 24 000 euros. Par la présente requête, le CHOR relève appel de ce jugement. Mme B... demande, par la voie de l'appel incident, le rehaussement de l'indemnité qui lui a été allouée, en sollicitant la somme de 93 760 euros pour la réparation de ses préjudices de carrière et moral.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 6152-5 du code de la santé publique, alors en vigueur, applicable aux praticiens recrutés sur un poste à recrutement prioritaire avant le 1er janvier 2019 : " Sur proposition des directeurs généraux d'agence régionale de santé, le directeur général du Centre national de gestion établit une liste de postes à recrutement prioritaire qui, d'une part, sont conformes aux objectifs définis par les schémas régionaux ou interrégionaux de santé, d'autre part, présentent des difficultés particulières de recrutement et d'exercice. / Le praticien hospitalier, nommé ou en fonction sur l'un des postes mentionnés à l'alinéa précédent, s'engage par convention conclue avec le directeur de l'établissement de santé à exercer ses fonctions pendant cinq ans. Un praticien ne peut pas signer plus d'un engagement de servir dans le même établissement au cours de sa carrière. (...) ".

3. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 23 octobre 2001 susvisé, qui demeure applicable aux praticiens recrutés avant le 1er janvier 2019 : " Les praticiens hospitaliers qui s'engagent, par convention conclue avec le directeur de l'établissement, à exercer leurs fonctions pendant cinq ans sur l'un des postes figurant sur la liste mentionnée à l'article 1er ci-dessus perçoivent une allocation spécifique versée en une seule fois dans les six mois suivant la signature de la convention. / Le montant de cette allocation spécifique est fixé

à 10 000 euros lorsque l'activité est exercée à temps plein. (...) ". Aux termes de l'article 3 suivant : " La signature de la convention conclue entre le praticien et le directeur de l'établissement doit intervenir dans un délai maximum de trois mois soit à compter de la date d'installation dans les fonctions pour les praticiens nouvellement nommés, soit à compter de la date de publication de la liste prévue à l'article 1er ci-dessus pour les praticiens déjà en fonctions sur l'un de ces postes. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 6152-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " La procédure de recrutement en qualité de praticien hospitalier a pour but de pourvoir à la vacance de postes dans un pôle d'activité d'un établissement public de santé, déclarée par le directeur général du Centre national de gestion sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé. Chaque vacance donne lieu à établissement d'un profil de poste, dont les caractéristiques relatives notamment à la spécialité et à la position du praticien dans la structure hospitalière sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. / La vacance des postes à recrutement prioritaire définie à l'article R. 6152-5 fait l'objet d'une liste distincte. / Les listes de postes mentionnées aux articles R. 6152-5 et R. 6152-6 sont publiées par voie électronique sur le site internet du Centre national de gestion. / Les candidatures à un poste doivent être déposées dans le délai de quinze jours à compter de la publication de la vacance du poste. La recevabilité des candidatures est appréciée à la date de clôture du dépôt des candidatures. (...) ".

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale opposée par le CHOR :

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ".

6. Le fait générateur de la créance dont se prévaut Mme B... est constitué par l'absence de signature de la convention d'engagement qui aurait dû intervenir dans un délai maximal de trois mois à compter de la date d'installation dans les fonctions, conformément à l'article 3 de l'arrêté du 23 octobre 2001 précité. Le CHOR ayant installé l'intéressée dans ses fonctions de praticien hospitalier à temps plein en période probatoire

le 1er décembre 2013, le jour même de sa nomination, la convention d'engagement aurait dû être signée au plus tard le 1er mars 2014. Dans ces conditions, les droits sur lesquels cette créance est fondée ont ainsi été acquis au cours de l'année 2014. Le CHOR n'est pas fondé à soutenir qu'ils auraient été acquis au cours de l'année précédente, du fait de la date de nomination au 1er décembre 2013, dès lors que le versement de l'allocation spécifique prévue à l'article 2 de l'arrêté du 23 octobre 2001 est une contrepartie de l'engagement d'exercer les fonctions pendant cinq ans, et non de la nomination en tant que praticien hospitalier. En application des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription a commencé à courir le 1er janvier 2015 et, lorsque Mme B... a adressé sa demande préalable à l'établissement hospitalier le 4 juin 2018, reçue le lendemain, la créance n'était pas prescrite. Par suite, l'exception opposée par le CHOR doit être écartée.

En ce qui concerne la responsabilité :

7. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 10 septembre 2013, le directeur par intérim du centre hospitalier Gabriel Martin a fait part à l'agence régionale de santé Océan Indien (ARS-OI) de son besoin de pourvoir un poste vacant de praticien hospitalier à temps complet en médecine générale, en le qualifiant de poste à recrutement prioritaire. Ce besoin ayant été repris par l'ARS-OI dans sa proposition adressée au centre national de gestion, l'avis de vacances de postes de praticiens hospitaliers à temps plein publié le 15 octobre 2013 par le centre national de gestion a fait figurer ce poste dans la liste des postes à recrutement prioritaire. A l'issue de cette procédure, Mme B... a été recrutée, nommée et installée le 1er décembre 2013. Il ne résulte pas de l'instruction que ce poste de praticien hospitalier en médecine générale n'aurait pas rempli les conditions pour être qualifié de poste à recrutement prioritaire. Par conséquent, le CHOR, qui ne peut se prévaloir de son obligation de ne pas appliquer un acte réglementaire illégal, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de signer la convention d'engagement.

8. Contrairement à que soutient le CHOR, les préjudices allégués par Mme B... sont en lien direct avec la faute commise par le CHOR, qui ne peut remettre en cause, après l'installation du praticien hospitalier, les caractéristiques du poste telles que mentionnées dans l'avis de vacance, sur la base desquelles la candidature a été présentée.

En ce qui concerne les préjudices :

9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 6152-20 du code de la santé publique : " La carrière des praticiens hospitaliers comprend treize échelons. ". La durée de chaque échelon est fixée par l'article R. 6152-21 du même code. Aux termes de l'article R. 6152-22 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Les praticiens bénéficient, lorsqu'ils ont accompli cinq ans de services effectifs dans le cadre de l'engagement de servir prévu à l'article R. 6152-5, d'un avancement accéléré d'une durée de deux ans prononcé par le directeur général du Centre national de gestion. ".

10. Mme B... a été privée de la possibilité de bénéficier de l'avancement accéléré de deux ans, prévu par les dispositions précitées pour les praticiens ayant accompli cinq ans de services effectifs dans le cadre de l'engagement de service. Il résulte de l'instruction que l'intéressée aurait dû être reclassée au 7e échelon à la date du 1er décembre 2018 et que son préjudice de carrière peut être évalué, selon les modalités proposées par l'intéressée et non contestées par le CHOR, à 19 315 euros pour la période passée, en tenant compte du coefficient de vie chère applicable à la Réunion. Pour la période future, le préjudice est, contrairement à ce que soutient le CHOR, suffisamment certain, dès lors que Mme B... occupe toujours son poste de praticien hospitalier au sein du CHOR. Il peut être fait une juste appréciation de cette part du préjudice à la somme

de 47 236,54 euros, sans tenir compte du coefficient de vie chère, la poursuite de la carrière en outre-mer n'étant pas un fait acquis. Il s'ensuit que le CHOR doit être condamné à verser à Mme B... la somme de 66 551,54 euros au titre de son préjudice de carrière.

11. En deuxième lieu, le fait que la nomination de Mme B..., en tant que praticien hospitalier à titre permanent, a pris quatre mois de retard est sans lien avec la faute commise par l'établissement, tout comme le fait que le CHOR a fait appel du jugement attaqué et ne l'a toujours pas exécuté. En outre, alors notamment qu'il résulte de l'instruction que Mme B... n'a pas pris la totalité de ses congés de formation pour les années 2014, 2015 et 2018, la circonstance qu'elle n'a pas bénéficié des cinq jours supplémentaires par an au titre du congé formation, prévus par les dispositions de l'article R. 6152-49 du code de la santé publique pour les praticiens ayant souscrit la convention d'engagement, n'est pas susceptible de démontrer un quelconque préjudice, notamment pour le suivi de sa formation d'allergologue. En revanche, Mme B... a subi un préjudice du fait du refus du CHOR, pendant plusieurs années, de lui reconnaître les avantages liés à son recrutement sur un poste à caractère prioritaire. Dans les circonstances de l'espèce, le tribunal n'a pas fait une insuffisante appréciation de son préjudice moral en lui allouant la somme de 2 000 euros.

12. En dernier lieu, l'indemnité de 10 000 euros allouée en première instance en raison de la non-perception par Mme B... de l'allocation spécifique prévue à l'article 2 de l'arrêté du 23 octobre 2001 n'est pas contestée dans son quantum.

13. Il résulte de ce qui précède que les préjudices subis par Mme B..., du fait du refus du CHOR de conclure une convention d'engagement, s'élèvent

à 78 551,54 euros.

En ce qui concerne l'appel en garantie du CHOR à l'encontre du centre national de gestion :

14. Ainsi qu'il a été dit au point 7 la publication d'un avis de vacance pour un poste de praticien hospitalier en médecine générale, avec la mention de son caractère prioritaire, résulte d'une demande du directeur par intérim du centre hospitalier Gabriel Martin. L'établissement n'a ensuite entrepris aucune démarche afin que soit corrigée l'erreur alléguée, avant l'installation de la médecin recrutée sur ce poste. Le CHOR n'est pas fondé à soutenir que le centre national de gestion aurait commis une faute dans la publication de cet avis de vacance de poste, ni à demander, en conséquence, à être garanti par ce dernier de sa condamnation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le CHOR n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion l'a condamné à indemniser Mme B.... Cette dernière est fondée à demander que la somme que

le CHOR a été condamné à lui verser par le tribunal soit portée de 24 000 euros

à 78 551,54 euros.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... ou du CNG, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que le CHOR demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHOR une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CHOR est rejetée.

Article 2 : La somme que le CHOR a été condamné à verser à Mme B... par

le tribunal administratif de la Réunion est portée de 24 000 euros à 78 551,54 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de la Réunion du 10 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au point 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le CHOR versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Ouest Réunion,

à Mme A... B... et au centre national de gestion des praticiens hospitaliers

et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière. Copie en sera adressée

à l'agence régionale de santé de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX02569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02569
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : DUGOUJON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-06;21bx02569 ?
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