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06/07/2023 | FRANCE | N°21BX01996

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 21BX01996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) " Aux friandises de l'océan " et ses gérants, M. et Mme B..., ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Châtelaillon-Plage (Charente-Maritime) à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison des fautes commises par la commune dans le cadre de l'examen de la demande d'agrément de leur successeur pour l'activité exercée dans la halle du marché couvert communal

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Par un jugement n° 2000583 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Po...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) " Aux friandises de l'océan " et ses gérants, M. et Mme B..., ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Châtelaillon-Plage (Charente-Maritime) à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison des fautes commises par la commune dans le cadre de l'examen de la demande d'agrément de leur successeur pour l'activité exercée dans la halle du marché couvert communal.

Par un jugement n° 2000583 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2021, la SARL " Aux friandises de l'océan " et M. et Mme B..., en leur qualité de gérants, représentés par Me Denis, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de condamner la commune de Châtelaillon-Plage à leur verser la somme de

50 000 euros en réparation de la perte de chance d'avoir pu céder leur fonds de commerce et leur activité en septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Châtelaillon-Plage la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la possibilité d'exploiter un fonds de commerce sur le domaine public est prévue par l'article L. 2124-32-1 du code générale de la propriété des personnes publiques et sa cession par l'article L. 2224-18-1 du code général des collectivités territoriales ; cet article et la convention d'occupation du domaine public qu'elle a signée prévoyaient un délai de réponse de 2 mois en cas de présentation d'une demande d'agrément du successeur qui n'a pas été respecté ; la responsabilité de la commune est donc engagée du fait de la perte de leur repreneur en raison d'une réponse tardive ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, pour fixer le point de départ du délai, la commune ne pouvait ajouter des conditions non prévues par les textes et il convient de prendre en compte la demande orale qu'elle avait formulée dès le 2 juillet 2019 ;

- si la commune avait répondu dans le délai légal, leur fonds de commerce aurait été cédé et ils auraient pu engager leur reconversion professionnelle ; le lien direct et certain entre la décision tardive et donc fautive de la commune et la perte de chance de céder leur fonds de commerce est établi, cette dernière pouvant être indemnisée à hauteur de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2023, la commune de Châtelaillon-Plage, représentée par Me Simon, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des appelants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique:

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Simon, représentant la commune de Châtelaillon-Plage.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., co-gérants de la SARL " Aux friandises de l'océan ", exploitent depuis 2007 une activité de préparation et de vente de produits de la mer dans la halle communale du marché de Châtelaillon-Plage et ont bénéficié à ce titre d'une convention d'occupation du domaine public renouvelée en dernier lieu en février 2015 pour une durée de six ans. Souhaitant cesser leur activité, ils ont exercé le droit de présenter leur successeur en application de l'article L. 2224-18-1 du code général des collectivités territoriales. Estimant que la décision du 17 octobre 2019 par laquelle le maire de la commune de Châtelaillon-Plage a donné une réponse positive à leur demande est intervenue tardivement et que ce retard est à l'origine d'une perte de chance de réaliser la cession du fonds de commerce qu'ils exploitaient, la SARL " Aux friandises de l'Océan " et ses gérants ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'État à leur verser la somme de 50 000 euros au titre des préjudices subis. Ils relèvent appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Sur la responsabilité de la commune :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " L'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être consentie, à titre précaire et révocable, par la voie d'une décision unilatérale ou d'une convention ". Selon l'article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales : " (...) Le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et marché est défini conformément aux dispositions d'un cahier des charges ou d'un règlement établi par l'autorité municipale après consultation des organisations professionnelles intéressées ". L'article L. 2224-18-1 du même code prévoit que : " Sous réserve d'exercer son activité dans une halle ou un marché depuis une durée fixée par délibération du conseil municipal dans la limite de trois ans, le titulaire d'une autorisation d'occupation peut présenter au maire une personne comme successeur, en cas de cession de son fonds. Cette personne, qui doit être immatriculée au registre du commerce et des sociétés, est, en cas d'acceptation par le maire, subrogée dans ses droits et ses obligations. (...) La décision du maire est notifiée au titulaire du droit de présentation et au successeur présenté dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. Toute décision de refus doit être motivée ". Enfin aux termes de l'article 10 de la convention d'occupation de février 2015 : " Présentation d'un successeur-décès-incapacité-retraite : Sous réserve d'exercer son activité depuis une durée fixée par délibération du conseil municipal dans la limite de trois ans, le titulaire d'une autorisation d'occupation peut présenter au maire son successeur. (...) La décision du maire est notifiée au titulaire du droit de présentation et au successeur présenté dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande après avis de la commission marchés et commerce. Toute décision de refus doit être motivée ".

3. Il résulte de l'instruction que si M. et Mme B... ont évoqué oralement début juillet 2019 avec un adjoint au maire de la commune de Châtelaillon-Plage leur volonté de cesser leur activité et leurs discussions avec un repreneur, et que celui-ci a également rencontré l'adjoint au maire avant d'être reçu par la commission des marchés, ces entretiens ne peuvent être regardés comme constituant une demande de présentation d'un successeur au sens des dispositions précitées de nature à faire courir le délai de deux mois ouvert au maire pour y répondre, en l'absence de formalisation d'une demande explicite comportant l'ensemble des informations exigées s'agissant de la qualité du repreneur et notamment la justification de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés. À cet égard, le caractère exploratoire de ces démarches est confirmé par les différents courriers de la mairie en date du 15 juillet, du 9 août et du 9 septembre 2019, qui indiquent que les services communaux ont pris bonne note du projet de cessation d'activité des intéressés et leur précisent la nécessité de déposer une demande en bonne et due forme pour débuter la procédure. Si les requérants contestent l'exigence de la mairie consistant à fixer une date de départ à cette occasion, il est constant qu'ils n'ont pas déposé avant le 10 septembre 2019 de demande explicite de présentation d'un successeur, le courrier du 30 juillet 2019 de leur conseil n'évoquant que le souhait de M. A... de reprendre le banc qu'ils exploitaient sans indiquer que cette démarche s'inscrivait dans le cadre de l'article L. 2224-18-1 avec l'accord des exploitants actuels, ni fournir de document d'immatriculation.

4. Ainsi, d'une part la commune, en sollicitant une demande formelle, ne peut être regardée comme ayant ajouté une condition non prévue par les textes et, d'autre part, la demande de présentation d'un successeur ayant été formulée au plus tôt le 10 septembre 2019, la décision d'agrément intervenue le 17 octobre 2019, dans le délai de deux mois prévu par les textes, n'était pas tardive. Par suite, les requérants ne peuvent se prévaloir d'aucune faute de la commune dans la cadre de l'instruction de leur demande de présentation d'un successeur. En outre, en admettant même qu'une demande ait été déposée le 2 juillet 2019, d'une part un refus tacite est né en l'absence de réponse et, d'autre part, les requérants ne justifient pas de ce que les autres conditions suspensives de l'acte d'engagement signé avec M. A... auraient été levées avant le 2 septembre 2019 alors, au demeurant, que cette demande aurait été présentée tardivement compte tenu du délai de deux mois prévu par les dispositions du code général des collectivités territoriales et de la date limite du 2 septembre 2019 prévue dans cet acte pour la signature de l'acte de vente.

5. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Châtelaillon-Plage, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, verse la somme réclamée par les appelants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu en application de ces dispositions de mettre à la charge de M. et Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Châtelaillon-Plage et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL " Aux friandises de la mer " et de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : La SARL " Aux friandises de la mer " et M. et Mme B... verseront une somme de 1 500 euros à la commune de Châtelaillon-Plage au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et Mme C... B..., à la SARL " Aux friandises de l'océan " et à la commune de Châtelaillon-Plage.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01996 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01996
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DENIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-06;21bx01996 ?
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