Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 12 mai 2020 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2000391 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 janvier 2021, régularisée le 4 avril 2023, M. A..., représenté par Me Bokolombe, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 15 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 12 mai 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige n'est pas suffisamment motivé, ce qui révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- cet arrêté méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a tissé des liens forts, stables et intenses en France, où il a établi le centre de ses intérêts ;
- le préfet a commis une erreur de droit, dès lors qu'il s'est estimé lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ;
- il a été porté atteinte à son droit d'être entendu.
La requête a été communiquée au préfet de la Guadeloupe qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 8 avril 2021.
Une ordonnance en date du 12 avril 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 12 mai 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Charlotte Isoard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant haïtien né le 24 juin 1965, a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, qui a été rejeté par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 28 février 2020. Par un arrêté du 12 mai 2020, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2020.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 mai 2020 :
2. En premier lieu, l'arrêté litigieux fait état de la situation administrative de M. A..., notamment de la circonstance que sa première demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 27 janvier 2014, et de ce qu'il a déclaré être entré en dernier lieu sur le territoire français le 1er mai 2019. Il indique également que l'intéressé est célibataire et sans enfant et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de vie privée et familiale. Si cette motivation est succincte, M. A... ne précise pas quels éléments tenant à sa situation personnelle n'auraient pas été pris en compte, la seule circonstance qu'il a fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement ne suffisant pas à établir, contrairement à ce qu'il soutient, une présence continue en France, alors qu'il a lui-même déclaré y être de nouveau entré clandestinement en 2019. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux et du défaut d'examen sérieux de sa situation doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente serait tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter son point de vue de manière utile et effective. En particulier, l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français au titre de l'asile, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il lui appartient donc, lors du dépôt de sa demande, de produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande, et il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Par ailleurs, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu avoir une influence sur le contenu de la décision. Si M. A... soutient qu'il n'a pas été mis à même de présenter utilement ses observations préalablement à l'édiction de l'arrêté litigieux, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait eu des éléments nouveaux à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre des décisions différentes à son égard. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu et de la violation du principe des droits de la défense doit être écarté.
4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Guadeloupe se serait estimé lié par la décision du 28 février 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, contrairement à ce que soutient le requérant. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. Enfin, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des déclarations de M. A... du 29 janvier 2020, qu'il est entré en dernier lieu sur le territoire français au mois de mai 2019. Le requérant se borne à soutenir qu'il aurait tissé des liens personnels et amicaux en France, sans toutefois verser aucune pièce au dossier attestant d'une intégration sur le territoire national. À cet égard, il ne peut se prévaloir d'une présence en France depuis 2008, alors qu'il a lui-même déclaré, lors de son audition par les services de police, avoir quitté le territoire français entre 2014 et 2019. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant à charge en France, et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-quatre ans et où résident notamment ses deux filles, âgées de dix-sept et vingt-deux ans à la date de l'arrêté litigieux. En outre, il a déjà fait l'objet, depuis sa dernière entrée en France d'une mesure d'éloignement du 30 janvier 2020 qu'il n'a pas exécutée, ainsi que de trois précédentes obligations de quitter le territoire français des 12 mai 2009, 9 juillet 2012 et 22 janvier 2014. Au regard de l'ensemble de ces éléments, alors même que M. A... n'aurait plus de contact avec ses filles restées en Haïti, il ne peut être regardé comme ayant fixé le centre de ses intérêts privés sur le territoire français, contrairement à ce qu'il soutient. Ainsi, l'arrêté en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de vie privée et familiale de l'intéressé au regard des buts poursuivis. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
La rapporteure,
Charlotte IsoardLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX00276 2