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04/07/2023 | FRANCE | N°23BX00433

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 04 juillet 2023, 23BX00433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204790 du 31 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2023, M. A...,

représenté par Me Trébesses, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204790 du 31 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2023, M. A..., représenté par Me Trébesses, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne du 13 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne le jugement attaqué :

- les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle, le préfet s'étant cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mai 2023, le préfet de la Dordogne conclut au non-lieu à statuer en indiquant avoir délivré une carte de séjour " vie privée et familiale " valable du 5 mai 2023 au 4 mai 2024 à M. A....

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Evelyne Balzamo.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né le 9 mars 1985, déclare être entré en France le 17 juin 2019 accompagné de son épouse et de ses deux enfants. Il a déposé une demande d'asile, qui a fait l'objet d'une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 décembre 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 mai 2020. Il a bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé, valable du 9 octobre 2020 au 8 octobre 2021, dont il a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 13 mai 2022, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 31 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, le préfet de la Dordogne a délivré à M. A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " valable du 5 mai 2023 au 4 mai 2024. Cette décision a implicitement mais nécessairement abrogé les décisions en litige. Toutefois ces décisions n'ont pas été retirées et leur abrogation n'est pas devenu définitive. Dès lors les conclusions à fin d'annulation de M. A... ont conservé leur objet et il y a lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une maladie de Parkinson à un stade précoce ainsi que de troubles anxio-dépressifs et psychiatriques. Par un avis du 24 décembre 2021, le collège des médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour contredire cet avis, M. A... se prévaut, comme en première instance, d'un certificat médical rédigé par la neurologue du CHU de Bordeaux en charge de son suivi dans lequel elle relève notamment le caractère particulièrement complexe du traitement des pathologies de M. A..., qui nécessite une étroite collaboration entre différents spécialistes et indique " qu'à [sa] connaissance, un tel réseau de soin ne semble pas disponible dans son pays d'origine ". En outre, M. A... produit nouvellement en appel trois certificats médicaux établis par des psychiatres albanais indiquant que les médicaments pris par l'intéressé ne sont pas disponibles en Albanie. Si tous ces éléments sont postérieurs à la décision en litige, ils se rapportent tous à la situation médicale de l'appelant, qui lui est antérieure. Dans ces circonstances, en l'absence d'argumentation en défense du préfet sur ce point et alors d'ailleurs que M. A... a bénéficié pendant une année d'un titre de séjour afin de bénéficier d'un traitement approprié à cette même pathologie, ce dernier doit être regardé comme apportant suffisamment d'éléments pour remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII. Par suite, en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet de la Dordogne a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ce jugement doit, dès lors, être annulé, ainsi que l'arrêté en litige du 13 mai 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'annulation de l'arrêté du préfet de la Dordogne implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé. Il y a lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre au préfet de la Dordogne de délivrer un titre de séjour à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Trébesses, conseil de M. A..., sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2204790 du 31 octobre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 13 mai 2022 du préfet de la Dordogne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Trébesses une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Jean Trébesses, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La présidente-assesseure,

Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00433
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-04;23bx00433 ?
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