Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 7 juillet 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2106347 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2022, M. A... F..., représenté par Me Reix, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 juin 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 7 juillet 2021 de la préfète de la Gironde ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente un récépissé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée en droit dès lors qu'elle ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, expressément invoqué à l'appui de sa demande de titre de séjour ; elle est insuffisamment motivée en fait dès lors que le préfet n'a pas exécuté l'injonction de réexamen de sa situation au regard de l'intérêt supérieur de ses enfants ;
- cette motivation révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle et familiale ainsi que de l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs et de la fille de sa compagne, C..., née en France en 2012, qu'il élève avec sa mère ;
- le refus de titre de séjour contesté porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants et méconnaît ainsi l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; deux de ses enfants mineurs, nés en République Démocratique du Congo en 2007 et 2009, ne connaissent que le système scolaire français ; son fils E..., né le 6 septembre 2018 en France, n'a jamais connu le pays d'origine de ses parents ; ses enfants sont tous scolarisés ; leurs professeurs attestent de leur assiduité, de leur investissement dans l'apprentissage et de leurs bons résultats scolaires et précisent qu'ils bénéficient d'un suivi actif de leur scolarité par leurs parents ;
- le refus de titre de séjour contesté méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; entré en France le 25 novembre 2016, il y réside depuis cinq ans ; il a rejoint la mère de ses deux enfants mineurs, à savoir G..., née en 2007 à Kinshasa, et scolarisée en cours préparatoire, et Parsi, né en 2009 à Kinshasa ; ils sont scolarisés en France depuis le mois d'avril 2014 ; son fils E... est né en France en 2018 ; outre leurs trois enfants communs, il participe à l'éducation et à l'entretien de la fille de sa compagne, née en 2012 et reconnue par un ressortissant français ; la circonstance que le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de la jeune C... ait fondé le refus de délivrance d'un titre de séjour de sa compagne n'a pas eu pour effet de retirer la nationalité français à cette enfant ; le père biologique justifie apporter une contribution financière à l'entretien de son enfant ;
- la décision contestée méconnaît l'autorité de la chose jugée dès lors que, par un jugement du 15 septembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'obligation de quitter sans délai le territoire français pris à son encontre par arrêté du 8 septembre 2020 au motif qu'elle portait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, y compris de celui qu'il élève ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. F... ne sont pas fondés.
Par une décision du 30 août 2022, la demande de M. F... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Hugon substituant Me Reix, représentant M. F....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... F..., né le 16 mai 1979, de nationalité congolaise, déclare être entré en France le 25 novembre 2016. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 juin 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 15 novembre 2017. Sa demande de réexamen, instruite dans le cadre de la procédure accélérée, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 février 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 22 octobre 2018. L'intéressé a alors demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 mars 2019, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le recours contre cet arrêté préfectoral a été rejeté par le tribunal administratif de Bordeaux par un jugement du 25 septembre 2019. L'appel contre ce jugement a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 10 juillet 2020. Le 8 septembre 2020, M. F... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2004039 du 15 septembre 2020, devenu définitif, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette mesure d'éloignement au motif qu'elle portait atteinte à l'intérêt supérieur des enfants du requérant, y compris de celui qu'il élève sans en être le père. Le 17 septembre 2020, M. F... a sollicité son admission au séjour sur les fondements des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 7 juillet 2021, la préfète la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour. M. F... relève appel du jugement du 14 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. F... est le père de G..., née le 16 septembre 2007 en République démocratique du Congo, de Persi, né le 19 novembre 2009 en République démocratique du Congo, et de E..., né en France le 6 septembre 2018. Le requérant vit à Bordeaux avec ces derniers et leur mère, Mme H... D..., depuis son entrée en France en 2016. Le couple élève également la fille de Mme D..., C..., née le 4 juin 2012, de nationalité française. A la date de la décision contestée, G... et Persi, qui vivent en France depuis 2014, étaient scolarisés respectivement en classe de 4ème et en classe en 6ème. La jeune C..., âgée de 9 ans à la date de la décision contestée, était scolarisée en classe de CM1 au titre de l'année scolaire 2021/2022. Il ressort également des pièces du dossier que le troisième enfant du requérant, E..., né en France, était âgé de deux ans et dix mois à la date de la décision contestée. Si la préfète la Gironde se prévaut du caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de la jeune C... par un ressortissant français, il n'est ni établi ni même soutenu que cette enfant aurait perdu la nationalité française. Il ressort par ailleurs des nombreuses pièces produites au dossier, en première instance comme en appel, que G... et Persi ont de très bons résultats scolaires, sont assidus et motivés dans les apprentissages et sont parfaitement insérés dans la société française. Il ressort de ces mêmes pièces que M. F... s'investit de manière active dans le suivi de chacun des enfants du foyer. Dans ces conditions, compte tenu de l'âge des enfants dont le requérant a la charge, de leur durée de présence en France et de leur insertion dans la société française, et alors en outre que l'une d'entre eux est de nationalité française, la décision de refus de titre de séjour contestée a, dans les circonstances de l'espèce, porté atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 juillet 2021 de la préfète la Gironde.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'annulation de la décision du 7 juillet 2021 de la préfète de la Gironde implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. F.... Il y a lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros à verser à M. F... sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2106347 du 14 juin 2022 du tribunal administratif de Bordeaux et la décision du 7 juillet 2021 de la préfète de la Gironde sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. F... une somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. F... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2023.
La rapporteure,
Agnès B...La présidente,
Marie Pierre BEUVE DUPUY
La greffière,
Sylvie HAYET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX02802