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04/07/2023 | FRANCE | N°21BX04298

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 04 juillet 2023, 21BX04298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pena Environnement a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le maire de la commune de Samonac a règlementé la circulation sur le chemin de la Fontaine St Justin et sur la portion de la rue de la Fontaine St Justin allant de la place de la Mairie au carrefour de l'église.

Par un jugement n° 1906334 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 24 novembre 2021 et un mémoire enregistré le 21 septembre 2022,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pena Environnement a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le maire de la commune de Samonac a règlementé la circulation sur le chemin de la Fontaine St Justin et sur la portion de la rue de la Fontaine St Justin allant de la place de la Mairie au carrefour de l'église.

Par un jugement n° 1906334 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2021 et un mémoire enregistré le 21 septembre 2022, la commune de Samonac, représentée par Me Boissy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 septembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Pena Environnement devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la société Pena Environnement la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la voirie ne peut pas supporter le trafic de véhicules d'un tonnage supérieur à 3,5 tonnes ;

- le trafic de poids lourds est dangereux pour la sécurité " des usagers et des élèves " et participe de l'apparition des fissures affectant l'église ;

- l'arrêté annulé ne méconnaît pas le principe d'égalité et n'est pas entaché d'un détournement de pouvoir ;

- les mesures édictées par cet arrêté ne présentent pas un caractère disproportionné et ne portent en particulier pas une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre, de disposer de son bien ou au principe de libre circulation.

Par des mémoires enregistrés les 21 juin 2022 et 17 mai 2023, la société Pena Environnement, représentée par Me Bourié, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Samonac au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Danguy représentant la commune de Samonac et de Me Bourguié représentant la société Pena Environnement.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 12 novembre 2019, le maire de la commune de Samonac (Gironde) a décidé que la circulation routière serait à sens unique depuis le parking de la mairie jusqu'au carrefour de l'Eglise, que le tonnage pour l'accès à la rue de la Fontaine St Justin depuis le numéro 3 de cette rue jusqu'au carrefour de l'Eglise serait limité à 3,5 tonnes sauf pour la collecte des ordures ménagères, pour les livraisons occasionnelles pour le service public et pour les engins agricoles, que le stationnement serait interdit le long de la haie face au parking de la mairie jusqu'au carrefour de l'Eglise rejoignant la voie départementale n° 133E8, et que le tonnage pour l'accès au chemin de la Fontaine St Justin serait limité à 3,5 tonnes. La société Pena Environnement, qui exploite, sur le territoire de la commune, une installation de tri, transit et regroupement de déchets ainsi qu'une déchetterie professionnelle dont l'unique accès s'effectue par la rue et le chemin de la Fontaine St Justin a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté. La commune de Samonac relève appel du jugement du 21 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-4 de ce code : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques ". Dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont ainsi confiés, il appartient au maire de prendre les mesures adaptées, strictement nécessaires et proportionnées à l'objectif d'intérêt général poursuivi et aux motifs qui les justifient.

3. L'arrêté litigieux est motivé par l'incapacité de la voirie à supporter le trafic des véhicules à fort tonnage et par les risques pesant sur la sécurité des " usagers et des élèves ", ainsi que sur " la pérennité " d'un bâtiment classé, en l'occurrence une église.

En ce qui concerne la capacité de la voirie à supporter le trafic des véhicules d'un tonnage supérieur à 3,5 tonnes :

4. D'une part, la commune a décidé de recourir à une expertise pour évaluer la capacité de la voirie à supporter le trafic des véhicules d'un tonnage supérieur à 3,5 tonnes ainsi que l'avait recommandé le cabinet Atlantec dans le cadre de son intervention préalable du 14 mars 2019. Il résulte de l'expertise non contradictoire réalisée à cette fin par M. A..., expert près la cour d'appel de Bordeaux, en particulier du diagnostic géotechnique qu'il a fait établir auprès de la société Géotec, que les structures de la chaussée sur la portion de voie concernée par l'arrêté n'ont pas été réalisées selon les normes actuellement en vigueur concernant les couches de roulement, de base et de fondation, que cette chaussée présente un certain état de " fatigue " et ne permet pas le croisement avec un poids lourd sans conséquence pour l'ouvrage. L'expert précise que ces caractéristiques ne pourront être corrigées qu'en reconstituant la structure complète de la chaussée. Il ajoute également que cette chaussée est sous-dimensionnée pour le trafic de poids lourds.

5. Toutefois, ce diagnostic relève également que, compte tenu de l'impact des charges roulantes, le comportement de la chaussée est " bon ", qu'au droit du chemin de la Fontaine St Justin, les structures de la chaussée sont globalement conformes aux recommandations, que la route de la Place de la Mairie est adaptée aux sollicitations, que les résultats des déflexions sont globalement corrects, que la voirie du chemin de la fontaine St Justin présente un bon comportement au regard du trafic estimé et que, d'un point de vue général, le comportement global des structures sous charges roulantes est correct tandis que les désordres observables ne proviennent pas du trafic, mais de la proximité des talus, de certaines pentes trop raides, du contexte topographique et géologique et de l'âge de la chaussée. Plus précisément, ce diagnostic géotechnique suggère, au titre des " suites à donner ", la reprise des couches de roulement, et indique que la limitation du trafic serait seulement " un facteur d'amélioration ". Concernant les talus, d'apparence stable, ce diagnostic impute leur dégradation progressive, non au trafic, mais à leurs caractéristiques topographiques et géologiques, au ruissellement des eaux pluviales et à une pente trop importante. L'expert indique ainsi, en conclusion de son rapport, que la voirie ne présente pas de désordres structurels graves.

6. Enfin, si l'expert a observé un trafic légèrement inférieur à 8 véhicules de plus de 3,5 tonnes par jour, y compris les véhicules agricoles, sur la route d'accès au site de la société Pena Environnement, ce comptage ne précise ni le tonnage de ces véhicules ni la direction qu'ils prennent lorsqu'ils s'éloignent de ce site.

7. Dans ces conditions, l'interdiction du trafic pour les véhicules d'un tonnage supérieur à 3,5 tonnes, qui affecte de manière très sensible l'activité exercée depuis 1976 par la société Pena dans la commune, tout en accordant une tolérance au profit des véhicules d'un tonnage supérieur destinés à la collecte des ordures ménagères, aux livraisons occasionnelles pour le service public, au passage quotidien d'au moins un bus scolaire de 50 places, dont il n'est pas établi qu'il utiliserait dorénavant un itinéraire de contournement, et à l'ensemble des engins agricoles, n'apparaît ni strictement nécessaire, ni proportionnée au risque de dégradation de la voirie.

En ce qui concerne la sécurité des " usagers et des élèves " :

8. La commune a également fondé l'arrêté litigieux sur la nécessité de garantir la sécurité des " usagers et des élèves " et entend encore se prévaloir, sur ce point, du rapport d'expertise qu'elle a sollicité auprès de M. A.... Toutefois, outre que cette question dépasse le domaine d'expertise de M. A..., celui-ci se borne à indiquer, sans plus de précisions, que le " passage de camions " constitue " un réel risque sur la sécurité des usagers " et, plus précisément pour celles des enfants empruntant la voie à l'heure du ramassage scolaire compte tenu de l'étroitesse de la chaussée et du manque de visibilité dans le virage situé à proximité de l'église. Or, il résulte des comptages qu'il a lui-même effectués sur une période d'un mois qu'à une exception près, aucun poids lourd ne circule avant 9h du matin ni après 17h, soit pendant les créneaux horaires concernés par le ramassage scolaire. Par ailleurs, l'unique accident, purement matériel, rapporté par la commune date de 2014 et celle-ci n'a fourni aucune précision concernant les motifs de sa survenance ou les raisons pour lesquelles elle aurait renoncé à demander la prise en charge de ce sinistre par la société Pena environnement.

9. La commune n'établit ni même ne soutient avoir envisagé d'autres mesures moins contraignantes, telles que l'installation de panneaux de signalisation routière ou d'un feu tricolore, l'aménagement d'un arrêt de bus ou encore une interdiction de circulation avant 9h et après 17h, et n'établit pas davantage que de telles mesures seraient techniquement irréalisables ou inutiles ainsi qu'elle le soutient. Dans ces conditions, et contrairement à ce que persiste à soutenir la commune, l'interdiction du trafic pour les véhicules d'un tonnage supérieur à 3,5 tonnes, assortie d'une tolérance au profit des véhicules d'un tonnage supérieur destinés à la collecte des ordures ménagères, aux livraisons occasionnelles pour le service public et à l'ensemble des engins agricoles, ainsi que la mise en place d'un sens unique de circulation n'apparaissent ni strictement nécessaires, ni proportionnées aux risques allégués pour la sécurité " des usagers et des élèves "

En ce qui concerne la " pérennité de l'église classée ":

10. Le rapport susmentionné de M. A... indique que la structure même de l'église " peut " être affectée par le passage à proximité de camions compte tenu de la nature argileuse du sol ainsi qu'en témoigneraient des fissures murales l'affectant. Toutefois, ces fissures n'ont fait l'objet d'aucune investigation par l'expert et n'ont, en particulier, pas été mesurées. En outre, leur date d'apparition n'est pas précisée tandis que leur caractère éventuellement évolutif n'a pas été évalué. Dans ces conditions, l'interdiction du trafic pour les véhicules d'un tonnage supérieur à 3,5 tonnes, tout en accordant une tolérance au profit des véhicules d'un tonnage supérieur destinés à la collecte des ordures ménagères, aux livraisons occasionnelles pour le service public, au passage quotidien de bus scolaire de 50 places ainsi que à l'ensemble des engins agricoles, et la mise en place d'un sens unique de circulation n'apparaissent ni strictement nécessaires, ni proportionnées au risque allégué concernant la " pérennité de l'église ".

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Samonac n'est pas fondée à soutenir que les mesures prévues par l'arrêté en litige, même prises dans leur ensemble, seraient strictement nécessaires et proportionnées à l'objectif d'intérêt général poursuivi et aux motifs qui les justifient. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux du 12 novembre 2019.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la commune de Samonac soit mise à la charge de la société Pena Environnement, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Samonac la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Samonac est rejetée.

Article 2 : La commune de Samonac versera à la société Pena Environnement la somme 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Samonac et la société Pena Environnement.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2023.

Le rapporteur,

Manuel B...

La présidente,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21BX04298 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04298
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-04;21bx04298 ?
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