La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2023 | FRANCE | N°21BX03409

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 04 juillet 2023, 21BX03409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme des Eaux de Capès-Dolé a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 15 juillet 2019 par laquelle la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Guadeloupe l'a enjoint, en application des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de la consommation, de mettre en place des actions correctrices en matière de traçabilité et d'information du consommateur dans un délai de huit mois, ainsi que la décision du 20

septembre 2019 de rejet du recours formé contre cette décision.

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme des Eaux de Capès-Dolé a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 15 juillet 2019 par laquelle la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Guadeloupe l'a enjoint, en application des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de la consommation, de mettre en place des actions correctrices en matière de traçabilité et d'information du consommateur dans un délai de huit mois, ainsi que la décision du 20 septembre 2019 de rejet du recours formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1901422, 1901423 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2021, la société des Eaux de Capès-Dolé, représentée par Me Ezelin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 15 juin 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 15 juillet 2019 par laquelle la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Guadeloupe l'a enjoint, en application des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de la consommation, de mettre en place des actions correctrices en matière de traçabilité et d'information du consommateur dans un délai de huit mois, ainsi que la décision du 20 septembre 2019 de rejet du recours formé contre cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées méconnaissent l'autorité de chose jugée s'attachant à la décision de la cour d'appel de Basse-Terre du 13 octobre 2015 ;

- elles sont entachées d'erreur de droit au regard des dispositions des articles R. 1321-90 et R. 1322-44-13 du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société des Eaux de Capès-Dolé n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement UE n° 609/2013 du 12 juin 2013 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la consommation ;

- l'arrêté du 14 mars 2007 relatif aux critères de qualité des eaux conditionnées, aux traitements et mentions d'étiquetage particuliers des eaux minérales naturelles et de source conditionnées ainsi que de l'eau minérale naturelle distribuée en buvette publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La direction des entreprises, de la concurrence, et de la consommation, du travail et de l'emploi (DIECCTE) de la Guadeloupe a réalisé les 7 et 9 mai 2019 auprès de la société des Eaux de Capès-Dolé un contrôle sur les mentions d'étiquetage portées sur ses produits. A la suite de ce contrôle, un courrier de pré-injonction et un rapport de contrôle de première mise sur le marché ont été adressés à la société des Eaux de Capès-Dolé, en application des articles L. 522-1 et L. 521-2 du code de la consommation. Par une décision du 15 juillet 2019, la DIECCTE de la Guadeloupe a enjoint cette société à mettre en place des actions correctrices en matière de traçabilité et d'information du consommateur dans un délai de huit mois. Le recours hiérarchique formé par la société des Eaux de Capès-Dolé contre cette décision a été rejeté par une décision du 20 septembre 2019. La société des Eaux de Capès-Dolé relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 15 juillet 2019 et 20 septembre 2019.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 1322-44-12 du code de la santé publique relatif aux eaux minérales naturelles : " Les mentions relatives à la minéralisation, si elles ont été établies sur la base d'analyses physico-chimiques officiellement reconnues, peuvent figurer sur les emballages, les étiquettes d'une eau minérale naturelle et dans la publicité concernant cette eau. " Aux termes de l'article R. 1322-44-13 du même code : " Est interdite toute indication attribuant à une eau minérale naturelle des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d'une maladie humaine, à l'exception des mentions, établies sur la base d'analyses physico-chimiques officiellement reconnues, dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la consommation ".

3. Aux termes de l'article R. 1321-90 du code de la santé publique relatif aux eaux de source conditionnées : " Sans préjudice des dispositions de l'article R. 112-7 du code de la consommation, est interdite, tant sur les emballages ou les étiquettes que dans la publicité, sous quelque forme que ce soit, toute indication, dénomination, marque de fabrique ou de commerce, image ou autre signe figuratif ou non, qui, étant appliqué à une eau de source, est susceptible de créer une confusion avec une eau minérale naturelle, notamment par l'indication de propriétés favorables à la santé, par la mention d'expressions comportant le mot "minéral" ou des dérivés de ce mot, ou par la mise en exergue d'un ou de plusieurs éléments particuliers relatifs à la composition de l'eau. Toutefois, la mention du caractère approprié d'une eau de source pour l'alimentation des nourrissons est autorisée dans les mêmes conditions que celles prévues aux articles R. 1322-44-12 et R. 1322-44-13 pour les eaux minérales naturelles ". L'article R. 1321-93 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur, prévoit que : " Sans préjudice des dispositions de l'article R. 112-7 du code de la consommation, est interdite, tant sur les emballages ou les étiquettes que dans la publicité, sous quelque forme que ce soit, toute indication, dénomination, marque de produits ou de services, image ou autre signe figuratif ou non, qui, étant appliqué à une eau rendue potable par traitements, est susceptible de créer une confusion avec une eau minérale naturelle ou avec une eau de source, notamment par l'indication de propriétés favorables à la santé, par la mention d'expressions comportant le mot minéral ou des dérivés de ce mot, par la mention d'expressions comportant le mot source ou des dérivés de ce mot, ou par la mise en exergue d'un ou de plusieurs éléments particuliers relatifs à la composition de l'eau ".

4. L'article 8 de l'arrêté du 14 mars 2007 relatif aux critères de qualité des eaux conditionnées, aux traitements et mentions d'étiquetage particuliers des eaux minérales naturelles et de source conditionnées ainsi que de l'eau minérale naturelle distribuée en buvette publique prévoit que : " Dans le respect des dispositions prévues à l'article R. 1322-44-13 du code de la santé publique, les mentions indiquées à l'annexe III peuvent figurer sur les emballages ou étiquettes de l'eau minérale naturelle conditionnée, ou dans la publicité concernant cette eau. La mention " convient pour la préparation des aliments des nourrissons ", ou une autre mention relative au caractère approprié d'une eau minérale naturelle ou d'une eau de source pour l'alimentation des nourrissons, peut également y figurer si cette eau répond aux critères de qualité mentionnées aux annexes I-A et IV. Ces mentions ne sont admises que si elles ont été établies sur la base d'analyses physico-chimiques officiellement reconnues. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 15 juillet 2019 enjoint notamment à la société Capès-Dolé, en application des articles L. 522-1 et L. 521-2 du code de la consommation, de retirer l'ensemble des mentions (sur les étiquetages, le site internet et la page Facebook) des mentions, images et dessins laissant suggérer au consommateur que les eaux rendues potables par traitements et qui sont commercialisées par la société des Eaux de Capès-Dolé conviennent à l'alimentation des nourrissons.

6. En premier lieu, la société Capès-Dolé soutient que les décisions attaquées sont contraires à l'autorité de chose jugée qui s'attache à la décision rendue par la Cour d'appel de Basse-Terre le 13 octobre 2015, qui a estimé que " il n'apparaît pas que la mention "sa composition remarquablement équilibrée est recommandée pour l'alimentation du nourrisson et de toute la famille", qui ne prête pas à l'eau de la source de Dolé de qualité thérapeutique, est fausse ou de nature à induire en erreur ". Il ressort toutefois des pièces du dossier que, ce faisant, le juge pénal, qui relève certes l'absence d'allégations thérapeutiques et de volonté d'induire le consommateur en erreur, ne se prononce pas explicitement sur le respect de la réglementation applicable en matière d'étiquetage des " eaux rendues potables par traitement ", prévue par le code de la santé publique. En tout état de cause, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration qu'en ce qui concerne les constatations de fait et ne s'attache pas à la qualification juridique des faits retenue. Dans ces conditions, en prenant l'injonction en litige, la DIECCTE de la Guadeloupe n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée s'attachant à cette décision, et le moyen doit dès lors être écarté.

7. En deuxième lieu, il est constant que les eaux commercialisées par la société des Eaux de Capès-Dolé relèvent de la catégorie des " eaux rendues potables par traitement ", réglementées par les articles R. 1321-91 à R. 1321-93 du code de la santé publique. Il résulte par ailleurs des dispositions précitées du code de la santé publique que celui-ci ne prévoit la possibilité d'utiliser la mention du caractère approprié d'une eau pour l'alimentation des nourrissons qu'à l'égard des " eaux minérales naturelles " et des " eaux de source ", et que les dispositions de l'article R. 1321-93 de ce code, applicables aux " eaux rendues potables par traitement ", ne mentionnent pas cette possibilité. Ainsi, les " eaux rendues potables par traitement " ne peuvent comporter de mention spécifique relative au caractère approprié d'une eau pour l'alimentation des nourrissons.

8. En troisième lieu, en tout état de cause, seules les eaux répondant aux critères de qualité mentionnées aux annexes I-A et IV de l'arrêté du 14 mars 2007 susvisé, à condition que ces critères de qualité soient établis sur la base d'analyses physico-chimiques officiellement reconnues, peuvent porter la mention du caractère approprié de l'eau à l'alimentation du nourrisson. Or, la société requérante ne produit pas d'analyses physico-chimiques permettant d'établir que l'eau commercialisée répondrait aux critères spécifiques de qualité permettant l'utilisation de la mention spécifique " convient aux nourrissons ". Par suite, le moyen doit être écarté.

9. En quatrième lieu, si la société requérante soutient que les eaux rendues potables par traitement sont exclues de la section 3 et donc de l'article 8 de l'arrêté du 14 mars 2007 car celui-ci ne s'applique que pour les " Conditions particulières d'étiquetage de l'eau minérale et de l'eau de source " et cite le rapport de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) de septembre 2003 relatif aux compositions physico-chimiques, toutefois, et sauf à appliquer un niveau d'exigence moins strict pour les eaux rendues potables par traitement que pour les eaux minérales et les eaux de source, les éléments spécifiques à la mention " convient aux nourrissons " pour l'ensemble des eaux conditionnées, ne peuvent qu'être fixées par les annexes I-A et IV de l'arrêté du 14 mars 2007 qui sont bien applicables en l'espèce.

10. En cinquième et dernier lieu, si la société soutient que l'eau de la source de Capès répond parfaitement aux spécifications du règlement UE n° 609/2013 du 12 juin 2013 concernant les denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société des Eaux de Capès-Dolé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 15 juillet 2019 et 20 septembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Les Eaux de Capès-Dolé est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme des Eaux de Capès-Dolé et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La rapporteure,

Paulette ReynaudLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03409


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03409
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP EZELIN DIONE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-04;21bx03409 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award