Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le département de la Charente a demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, de condamner solidairement, la société Socotec Construction, la société Schindler, aux droits de laquelle est venue la société Dutreix Schindler, la société Secba et la société Troisel à lui verser une somme globale de 253 870,61 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des désordres affectant l'ascenseur extérieur du collège Claude Boucher de Cognac.
Par un jugement n° 1802541-1801856 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à cette demande, a condamné les société Troisel, Dutreix Schindler, Atelier du point du jour et Secba à garantir la société Socotec construction respectivement à hauteur de 35%, 15%, 8,75% et 8,75% de la condamnation prononcée à son encontre. Il a également condamné les sociétés Itec, Troisel, Dutreix Schindler et Socotec Construction à garantir la société Secba, respectivement, à hauteur de 8,75%, 35%, 15% et 15% de la condamnation prononcée à son encontre.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 août 2021 et un mémoire enregistré le 27 février 2023, la société Socotec construction, représentée par Me Viaud, demande à la cour :
1°) à titre principal, de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 juin 2021 en tant qu'il l'a condamnée à indemniser le département de la Charente et de la mettre hors de cause ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné solidairement les sociétés Atelier du Point du Jour, Schindler, Secba et Troisel à la garantir entièrement de la condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge du département de la Charente la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que :
- en application de l'article L 111-24 du code de la construction et de l'habitation, les désordres dont s'agit ne lui sont pas imputables ;
- en application du même article, les autres constructeurs auraient dû être condamnés solidairement à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.
Par des mémoires enregistrés les 4 octobre 2021, 22 décembre 2022 et 28 mars 2023, la société Dutreix Schindler, représentée par Me Sevino, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à l'annulation du jugement attaqué ;
2°) subsidiairement, à sa réformation en tant qu'il retenu sa responsabilité décennale ;
3°) très subsidiairement, à la limitation de sa part de responsabilité à 15% et à la condamnation des sociétés Socotec, Atelier du Point Du Jour, Itec et Secba à la relever indemne des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du département de la Charente au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance.
Elle soutient que :
- les désordres ne lui sont pas imputables et elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;
- ces désordres étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage et ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;
- les sociétés Socotec, Atelier du Point Du Jour, Itec et Secba ont commis des fautes dans l'exécution de leurs prestations.
Par des mémoires enregistrés les 12 octobre 2022, 2 mars 2023 et 26 mai 2023, le département de la Charente, représenté par Me Brault, conclut au rejet des conclusions des sociétés Socotec Construction et Dutreix Schindler et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de chacune de ces sociétés au titre des frais qu'il a exposés pour l'instance.
Il soutient que les moyens invoqués par les sociétés Socotec et Dutreix Schindler ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 9 novembre 2022, 27 janvier 2023 et 30 mai 2023, la société Secba, représentée par Me Loubeyre, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, au rejet des conclusions présentées par la société Socotec Construction, au rejet des conclusions d'appel en garantie présentées par la société Dutreix Schindler, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Socotec Construction au titre des frais exposés pour l'instance, outre les frais d'expertise ; à titre subsidiaire, au rejet des demandes de condamnation à son encontre formulées par les autres parties, à ce que les sociétés Itec, Atelier du Point Du Jour, Socotec, Dutreix Schindler et Troisel soient condamnées à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, à ce que le montant des travaux de reprise soit ramené à la somme de 95 535 € HT assortie d'un taux de vétusté de 30%, à ce qu'une première somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département de la Charente au titre des frais exposés pour l'instance et à ce qu'une seconde somme du même montant soit mise au même titre à la charge des sociétés Itec, Atelier du Point Du Jour, Socotec, Dutreix Schindler et Troisel, outre les frais d'expertise.
Elle soutient que :
- les désordres sont imputables à la société Socotec ;
- ces désordres n'engagent pas la garantie décennale des constructeurs et ne lui sont pas imputables ;
- l'appel en garantie de la société Dutreix Schindler est nouveau en appel et, par suite, irrecevable ;
- le département est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2022, la société Troisel, représentée par Me Gardach, s'en remet à la cour pour statuer ce que de droit sur les demandes des sociétés Socotec et Dutreix Schindler.
Elle fait valoir qu'elle a exécuté le jugement attaqué, que la consistance des travaux lui a été imposée par la société Secba et qu'elle les a réalisés dans les règles de l'art.
Par un mémoire enregistré le 10 janvier 2023 et rectifié pour régularisation le 11 mai 2023, Monsieur B... A..., en sa qualité de liquidateur de la société Itec Economie, et la mutuelle des architectes français, représentée par Me Bernardeau, concluent, à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué, au rejet des conclusions présentées par le département de la Charente, subsidiairement, à la condamnation des Sociétés Secba, Socotec, Dutreix Schindler et Troisel à les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Secba ou de tout défaillant au titre des frais exposés pour l'instance par la société Itec.
Ils soutiennent que :
- les désordres concernés n'engagent pas la garantie décennale des constructeurs ;
- ces désordres ne sont imputables ni à la société Atelier du Point du Jour ni à la société Itec, mais à la société Socotec, laquelle a commis une faute dans l'exécution de ses prestations ;
- il y a lieu de retenir un taux de vétusté de 40% à appliquer au montant des travaux de reprise.
Par lettre en date du 9 janvier 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la société Dutreix Schindler n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel que les autres constructeurs soient condamnés à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.
Par lettre en date du 17 janvier 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'assureur d'un constructeur dont la responsabilité en matière de travaux est recherchée par le maître de l'ouvrage n'étant pas recevable à intervenir en cette qualité devant le juge administratif saisi du litige, l'intervention de la mutuelle des architectes français est irrecevable en tant qu'elle est présentée en sa seule qualité d'assureur de la société Atelier du Point du Jour.
Par un mémoire enregistré le 9 février 2023 et produit en réponse au moyen soulevé d'office par la cour le 9 janvier 2023, la société Troisel, représentée par Me Gardach, conclut à l'irrecevabilité de l'appel en garantie formé à son encontre par la société Dutreix Schindler, à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de " qui il appartiendra " au titre des frais exposés pour l'instance et conclut, pour le surplus, aux mêmes fins que dans son mémoire précédent.
Elle soutient que les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Dutreix Schindler sont nouvelles en appel.
Par un mémoire enregistré le 1er mars 2023 et produit en réponse aux moyens soulevés d'office par la cour les 9 et 17 janvier 2023, le département de la Charente conclut à l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie présentées par la société Dutreix Schindler et de l'intervention de la mutuelle des architectes français.
Il soutient que les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Dutreix Schindler sont nouvelles en appel et que l'intervention de la mutuelle des architectes français est irrecevable en tant qu'elle est présentée en sa seule qualité d'assureur de la société Atelier du Point du Jour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Thomas représentant le département de la Charente, Me Mathiam, représentant la sas Dutreix Schindler, Me Karpinski représentant la société Secba et Me Perotin représentant la sarl Itec et la Mutuelle des architectes de France.
Considérant ce qui suit :
1. Le département de la Charente a entrepris, au cours de l'année 2010, de rendre le collège Claude Boucher de Cognac accessible aux personnes à mobilité réduite en faisant procéder à l'installation d'un ascenseur extérieur. La maîtrise d'œuvre du projet a été confiée à un groupement constitué des sociétés Atelier du point du jour, architecte, de la société Secba, bureau d'études structures, de la société C2J, bureau d'études fluides et de la société Itec, économiste de la construction. Les lots n°2 et n°9 " charpente métallique/Serrurerie/Châssis aluminium/Habillage des façades " et " ascenseur " du marché de travaux correspondant ont été attribués, respectivement, à la société Troisel et à la société Dutreix Schindler. Enfin, le contrôle technique de ce marché de travaux a été confié à la société Socotec construction. Les réserves dont étaient assorties les réceptions des lots n° 2 et n°9 ont été levées les 23 mars et 24 mai 2012 et les missions de maîtrise d'œuvre et de contrôle technique ont été réceptionnées sans réserve à effet du 29 avril 2013. Peu après sa mise en service, le fonctionnement de cet ascenseur a toutefois été affecté par plusieurs pannes qui ont conduit à sa mise à l'arrêt pour des raisons de sécurité. Par une ordonnance du 15 mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, saisi par le département de la Charente, a diligenté une expertise. L'expert a remis son rapport le 22 mars 2017. La société Socotec construction relève appel du jugement du 17 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers l'a condamnée, solidairement avec la société Schindler, à verser au département de la Charente la somme de 253 870,61 euros en réparation des désordres affectant le fonctionnement de cet ascenseur. Par la voie de l'appel provoqué, les sociétés Schindler et Secba ainsi que M. B... A..., en sa qualité de liquidateur de la société Itec Economie, et la mutuelle des architectes français demandent également, à titre principal, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu leur responsabilité décennale dans la survenue des désordres en cause.
Sur la recevabilité des conclusions présentées par la Mutuelle des architectes français :
2. Sont seules recevables à présenter des conclusions les personnes qui peuvent se prévaloir d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier. L'assureur d'un constructeur dont la responsabilité décennale est recherchée ne peut être regardé comme pouvant, dans le cadre d'un litige relatif à l'engagement de cette responsabilité, se prévaloir, en cette seule qualité, d'un droit de cette nature.
3. La Mutuelle des architectes français, dont la responsabilité dans la survenue des désordres affectant le fonctionnement de l'ascenseur a été recherchée devant le tribunal administratif par le département de la Charente, d'abord à titre principal, puis à titre subsidiaire, a sollicité le rejet de ces conclusions. Le jugement attaqué n'a toutefois prononcé aucune condamnation à son encontre. Enfin, aucune des autres parties n'a dirigé de conclusions contre la Mutuelle des architectes français en cause d'appel. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la Mutuelle des architectes français n'est pas recevable à présenter, devant le juge administratif saisi du litige, des conclusions en sa qualité d'assureur de la société Atelier du point du Jour, laquelle n'a pas produit dans la présente instance. Dans ces conditions, le mémoire de la Mutuelle des architectes français doit, dans cette mesure, être rejeté comme irrecevable. En revanche cette intervention doit être admise en tant qu'elle est présentée au soutien des conclusions de la société Itec.
Sur la garantie décennale des constructeurs :
4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale peut être recherchée pour des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
5. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que les pannes récurrentes qui ont affecté le fonctionnement de l'ascenseur peu après sa mise en service ont été causées par des infiltrations d'eau dans la fosse de l'ascenseur ainsi que par un phénomène de condensation affectant la gaine de l'ascenseur. Ces désordres ont été causés, d'une part, par l'insuffisante étanchéité de la porte palière du rez-de-chaussée et des parois de la gaine, d'autre part, par l'utilisation de parois et éléments froids sans isolation ni chauffage.
6. En premier lieu, le marché concerné, s'il avait pour objectif de rendre l'externat A du collège Claude Boucher de Cognac accessible aux personnes à mobilité, réduite, n'avait pour objet que la construction d'un ascenseur extérieur, lequel constitue donc l'ouvrage immobilier au titre duquel les constructeurs sont redevables de la garantie décennale. Par suite, les sociétés Schindler, Itec et Secba ne sont pas fondées à soutenir que l'ascenseur constituerait un élément dissociable de ce collège et qu'il ne rendrait pas celui-ci impropre à sa destination.
7. En deuxième lieu, la circonstance que les désordres affectant le fonctionnement de l'ascenseur soient apparus dans les premiers mois d'exploitation de l'ouvrage ne permet pas, à elle seule, de considérer que ces désordres étaient apparents lors de sa réception.
8. En troisième lieu, la société Schindler, fournisseur et installateur de l'ascenseur objet du marché, n'est pas fondée à soutenir que les dysfonctionnements affectant cet ascenseur ne lui seraient pas imputables, ni, par voie de conséquence, que sa responsabilité solidaire ne pouvait être engagée sur le fondement de la garantie décennale, à supposer même qu'elle n'aurait pas commis de faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation alors en vigueur : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. " En application de l'article L. 111-24 du même code, la responsabilité décennale du contrôleur Technique n'est engagée que dans les limites de la mission à lui confiée par le Maître de l'ouvrage.
10. La société Socotec construction était chargée d'une mission L. de contrôle de la solidité et de la pérennité de l'ouvrage comprenant, conformément aux prescriptions de la norme NFP 03-100, l'examen de l'étanchéité du clos et du couvert. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le défaut d'étanchéité de l'ouvrage ne lui serait pas imputable.
11. En cinquième lieu, si la société Secba fait valoir que le groupement de maîtrise d'œuvre était conjoint et non solidaire et qu'elle n'a réalisé que la partie du cahier des clauses techniques particulières du lot n°2 du marché de travaux relatif aux charpentes métalliques, elle ne produit aucun élément, notamment aucune convention de groupement fixant la répartition des tâches entre ses membres, permettant de considérer que les désordres affectant l'ouvrage, y compris ces éléments structurels, ne lui seraient pas imputables. Il en est de même et pour les mêmes motifs de la société Itec, membre du groupement de maîtrise d'œuvre et auteur d'une autre partie du cahier des clauses techniques particulières du lot n°2 du marché de travaux.
Sur le montant du préjudice :
12. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection, sans que l'indemnisation qui lui est allouée à ce titre puisse dépasser le montant des travaux strictement nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination et à ses caractéristiques contractuelles en usant des procédés de remise en état les moins onéreux possible. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux à moins que le maître de l'ouvrage ne relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle dont il est redevable à raison de ses propres opérations
13. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que le département de la Charente serait assujetti à la TVA et de ce qu'il conviendrait d'appliquer un taux de vétusté au coût des travaux de reprise, les sociétés Secba et Itec ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critiquent pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
14. En deuxième lieu, la société Secba n'établit pas que le coût des réparations retenu par les premiers juges au vu de l'évaluation réalisée par l'expert judiciaire avec l'aide d'un architecte dépasserait le montant des travaux strictement nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination et à ses caractéristiques contractuelles à l'aide des procédés de remise en état les moins onéreux possible en se bornant à se prévaloir d'une étude tarifaire reposant sur des procédés alternatifs établie non par une entreprise de travaux mais par un économiste de la construction plus de trois ans après l'appel à devis effectué en vain par l'expert judicaire.
15. En troisième lieu, les premiers juges ont condamné les constructeurs à verser au département de la Charente une indemnité de 253 870,61 euros correspondant au coût global des travaux de reprise établi par l'expert, auquel le tribunal a ajouté le remboursement d'une facture établie par la société Otis le 31 janvier 2019 pour un montant de 35 002,61 euros et correspondant à des travaux de remise en service de l'ascenseur " suite à dégât des eaux ". Or le coût de la remise en service de cet ascenseur était déjà inclus, sur la base d'un devis établi par la société Schindler pour une somme de 13 200 euros TTC, dans le coût global des travaux de reprise retenu par le tribunal. Ainsi, la société Secba est fondée à soutenir que les premiers juges ont indemnisé le département à deux reprises pour les mêmes travaux. Toutefois, la somme de 35 002,61 euros correspondant au coût réel des travaux de remise en service de l'ascenseur, il y a seulement lieu de substituer cette somme à la somme retenue par l'expert et par le tribunal pour l'évaluation de ces mêmes travaux.
16. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de ramener l'indemnité due au département de la Charente par les sociétés Troisel, Secba, Dutreix Schindler et Socotec construction à la somme de 240 670,61 euros TTC et de réformer, sur ce point, le jugement attaqué.
Sur les appels en garantie :
17. En premier lieu, les conclusions de la société Dutreix Schindler tendant à ce que les autres constructeurs soient condamnés à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, présentées pour la première fois devant la cour, présentent le caractère de conclusions nouvelles et ne peuvent dès lors qu'être rejetées comme irrecevables.
18. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les infiltrations d'eau dans la fosse sont dues, d'une part, à un défaut d'étanchéité structurel des assises des éléments métalliques de la structure qui caractérise une erreur de conception du maître d'œuvre. Cette erreur de conception a été commise à titre principal par la société Atelier du Point du Jour. Toutefois, la société Secba n'établit pas qu'en sa qualité de bureau d'étude structure, elle n'aurait pas participé au choix des structures secondaires ainsi que l'indique l'expert judiciaire en se bornant à faire valoir que la partie du cahier des clauses techniques particulières du lot n°2 du marché de travaux relatives aux châssis aluminium et à l'habillage des façades a été rédigé par la société Itec alors que celle-ci participait au groupement de maîtrise d'œuvre en qualité d'économiste de la construction. En outre, la société Troisel, en charge du lot n°2, n'établit pas qu'elle aurait, en vain, alerté la maîtrise d'œuvre sur cette erreur de conception ainsi qu'il lui appartenait en sa qualité de professionnel.
19. D'autre part, les désordres affectant le fonctionnement de l'ascenseur sont également dus à un défaut d'étanchéité du seuil de la porte d'ascenseur du rez-de-chaussée qui caractérise une erreur de conception de la société Atelier du Point du Jour mais également un défaut de conseil de la société Dutreix Schindler, laquelle ne pouvait ignorer, ne serait-ce qu'à l'occasion de l'installation de l'ascenseur, que celui-ci était destiné à un usage partiellement extérieur. Enfin, le rebouchage des nombreux percements non utilisés et présents dans l'âme des profils en acier de l'ossature principale par un simple produit élastomère, insuffisant pour assurer une parfaite étanchéité, ainsi que l'utilisation de simples cordons à base d'élastomère entre les éléments de finition des bardages et cette ossature caractérisent des malfaçons de la société Troisel rendues possibles par les défaillances, principalement, de la société Atelier du Point du Jour et, accessoirement, de la société Secba dans la surveillance des travaux.
20. Enfin, le phénomène de condensation créé par l'utilisation de parois et éléments froids dits " à simple peau " sans isolation ni chauffage caractérise un défaut de conception engageant la responsabilité des sociétés Atelier du Point du Jour et, Secba mais aussi de la société Itec, laquelle a rédigé le CCTP correspondant aux travaux de second œuvre.
21. En troisième lieu, la société Socotec construction a également commis une faute en s'abstenant de relever les erreurs de conception susmentionnées affectant l'étanchéité de la porte palière du rez-de-chaussée et des assises des éléments métalliques de la structure.
22. En quatrième lieu, la société Troisel ne conteste pas la part de responsabilité qui lui a été attribuée par les premiers juges, à savoir 35%.
23. Il résulte de ce qui précède que les fautes commises par les sociétés Socotec construction, Dutreix Schindler, Itec, Atelier du Point du Jour, Secba et Troisel ont concouru, respectivement, à 15, 15, 5, 20, 10 et 35% du montant des dommages subis par le département de la Charente.
24. Par suite, il y a lieu de condamner les sociétés Dutreix Schindler, Atelier du Point du Jour, Secba et Troisel à garantir la société Socotec construction à hauteur de, respectivement 15%, 20%, 10% et 35% des condamnations prononcées à son encontre et de condamner les sociétés Dutreix Schindler, Atelier du Point du Jour, Socotec construction, Itec et Troisel à garantir la société Secba à hauteur de, respectivement 15%, 20%, 15%, 5% et 35% des condamnations prononcées à son encontre, et de réformer le jugement attaqué.
25. En outre, il résulte de ce qui a été dit aux points 22 et 23 que la société Itec, qui a seulement été condamnée à garantir la société Secba à hauteur de 5% des condamnations prononcées à son encontre, n'est pas fondée à demander à être elle-même garantie de cette condamnation par les autres constructeurs.
26. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la société appelante, ni les dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction ni aucune disposition à valeur normative n'imposaient aux premiers juges de condamner ces garants à titre solidaire.
27. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la Mutuelle des architectes français est admise en tant qu'elle vient au soutien des prétentions de la société Itec et rejetée pour le surplus.
Article 2 : La somme que la société Troisel, la société Secba, la société Dutreix Schindler et la société Socotec construction ont été solidairement condamnées à verser au département de la Charente est ramenée à 240 670,61 euros TTC.
Article 3 : Les sociétés Dutreix Schindler, Atelier du Point du Jour, Secba et Troisel sont condamnées à garantir la société Socotec construction à hauteur de, respectivement 15%, 20%, 10% et 35% des condamnations prononcées à son encontre.
Article 4 : Les sociétés Dutreix Schindler, Atelier du Point du Jour, Socotec construction, Itec et Troisel sont condamnées à garantir la société Secba à hauteur de, respectivement 15%, 20%, 15%, 5% et 35% des condamnations prononcées à son encontre.
Article 5 : Le jugement n° 1802541-1801856 du tribunal administratif de Poitiers du 15 juin 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Atelier du point du jour, à la société Secba, à M. B... A... en sa qualité de liquidateur amiable de la société Itec économie de la construction, à la société Troisel, à la société Dutreix Schindler, à la société Socotec construction, à la Mutuelle des architectes français et au département de la Charente.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2023.
Le rapporteur,
Manuel E...
La présidente,
Marie-Pierre Beuve DupuyLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Charente en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°21BX03357 2