La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2023 | FRANCE | N°22BX02000

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 15 juin 2023, 22BX02000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 juin 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître le statut d'apatride, et d'enjoindre au directeur de l'OFPRA de lui accorder le statut d'apatride ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2105481 du

25 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 juin 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître le statut d'apatride, et d'enjoindre au directeur de l'OFPRA de lui accorder le statut d'apatride ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2105481 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2022, M. D... B..., représenté par Me Chrétien, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 28 juin 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître le statut d'apatride ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'OFPRA de lui accorder le statut d'apatride ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer, sous huit jours, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'OFPRA ait à nouveau statué, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est bien apatride au sens de l'article L. 582-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 ; il s'est vu systématiquement refuser l'entrée du consulat marocain et l'Algérie refuse de le reconnaître comme citoyen ; il produit sa carte d'identité de la République arabe sahraouie démocratique, justifiant ainsi de son état-civil complet ; il est né dans un camp de réfugiés sahraoui de Tindouf en territoire algérien, mais l'Algérie ne le reconnaît pas comme ressortissant ; ses parents sont nés avant 1975, de sorte qu'il ne remplit aucun des critères des articles 6 à 8 du code de la nationalité marocaine ;

- il ne dispose ainsi d'aucune nationalité ; en tout état de cause, il se revendique d'appartenance sahraouie et ne se reconnaît ni comme algérien ni comme marocain ;

- ayant justifié de son état-civil, toute autre exigence disproportionnée, contraire à la jurisprudence de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), entraînerait une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2023, l'OFPRA, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D... B... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen de légalité interne soulevé par le requérant n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... D... B..., déclarant être né en 1985 dans un camp de réfugiés sahraouis situé à Tindouf sur le territoire algérien, et se revendiquant comme ressortissant de la République Arabe Sahraouie Démocratique, non reconnue en tant qu'Etat par une majeure partie de la communauté internationale, a saisi le 10 novembre 2020 l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) d'une demande tendant à la reconnaissance de la qualité d'apatride. Par une décision du 28 juin 2021, le directeur général de l'OFPRA a refusé de lui accorder le statut d'apatride. M. D... B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 mai 2022 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes des stipulations de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " 1. Aux fins de la présente convention, le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. / 2. Cette Convention ne sera pas applicable : i) Aux personnes qui bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, tant qu'elles bénéficieront de ladite protection ou de ladite assistance ; ii) Aux personnes considérées par les autorités compétentes du pays dans lequel ces personnes ont établi leur résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays (...) ". Aux termes de l'article L. 582-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention. ". Aux termes de l'article L.582-2 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d'apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l'article L. 582-1, au terme d'une procédure définie par décret en Conseil d'Etat. ". La reconnaissance de la qualité d'apatride implique d'établir que l'Etat susceptible de regarder une personne comme son ressortissant par application de sa législation ne le considère pas comme tel.

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Pour refuser à M. D... B... le statut d'apatride, le directeur général de l'OFPRA a relevé que ce dernier avait déposé une demande d'asile sous l'identité de C... Abdelkrim, demande qui a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA le 17 septembre 2019. Il a également mentionné qu'il avait versé, à l'appui de sa demande, une carte d'identité temporaire sahraouie, un certificat de nationalité sahraouie, un certificat de résidence et des reçus établis à ses parents par la mission des Nations-Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental, mais a estimé que l'intéressé ne rapportait ainsi pas la preuve de son identité ou de son état-civil, l'authenticité des documents précités ne pouvant être appréciée dès lors qu'il ne s'agissait que de copies. Il a enfin relevé qu'il s'était volontairement réclamé de la protection des autorités marocaines mais que l'Office lui ayant demandé de clarifier sa situation vis-à-vis du Maroc, il n'avait informé l'OFPRA d'aucune démarche qu'il aurait entreprise en ce sens.

5. M. D... B... déclare être né le 25 mai 1985 à Zug, dans les campements de réfugiés sahraouis de Tindouf, situés sur le territoire algérien, où sa famille vivait depuis 1976, y avoir résidé jusqu'en 2016, avant de rejoindre la Mauritanie puis le Sahara occidental et de s'installer dans deux villes de ce territoire, à Dakhla puis Laâyoune, puis d'entrer en France courant 2017. En appel, M. D... B... produit une copie de la carte d'identité délivrée par la " République arabe sahraouie démocratique ", la traduction d'un certificat de nationalité sahraouie et un certificat délivré par l'association des Sahraouis en France relatant son parcours.

6. Contrairement à ce que fait valoir l'OFPRA, il n'y a pas nécessairement de divergence d'identité entre le nom sous lequel l'intéressé se présente dans le présent contentieux, C... A... D... B..., celui sous lequel il a fait une demande d'asile, C... Abdelkrim, celui sous lequel le présente l'attestation des Sahraouis en France, C... A... Abd Lakrim Ahmudi And Alla - ce qui correspond au nom de son père tel que figurant sur sa carte d'identité - et celui figurant sur la traduction du certificat de nationalité, C... A... Abdel Karim Hamudi, dès lors que la langue arabe ne notant pas les voyelles, la transcription des noms peut varier. Toutefois, le requérant n'a pas indiqué sous quelle nationalité il s'est présenté initialement pour demander l'asile, n'a pas présenté d'acte de naissance et ne produit pas de récit circonstancié de nature à permettre de regarder le document produit pour la première fois en appel, une carte d'identité de la " republica arabe saharaui democratica ", comme authentique, alors qu'il ne conteste pas ne pas en avoir fourni l'original à l'OFPRA. Dans ces conditions, son état-civil ne peut être regardé comme établi.

7. Par ailleurs, d'une part, l'OFPRA mentionne que, dans le cadre de son entretien dont il reproduit des extraits, M. D... B... a reconnu qu'étant entré sur le territoire du Sahara occidental et ayant séjourné à Laâyoune, il aurait dû se faire enregistrer auprès des autorités marocaines, ce qu'il a refusé de faire. D'autre part, l'intéressé affirme lui-même que sa carte d'identité sahraouie " signe son appartenance sahraouie " et qu'il " rejette toute nationalité marocaine ou algérienne que ne peuvent lui imposer les autorités de ces pays dans le contexte particulier du Sahara occidental sans méconnaître son droit au respect de sa vie privée et familiale ". Par suite, en se bornant à alléguer, d'une part, que ses parents étant nés avant 1975, il n'entrerait pas dans les conditions requises par les articles 6 à 8 du code de la nationalité marocaine et que l'entrée du consulat du Maroc lui a toujours été refusée, ce qu'il a annoncé vouloir établir par un constat d'huissier qu'il n'a pas produit, et, d'autre part, que l'Algérie refuse la citoyenneté aux personnes nées dans les camps de réfugiés de Tindouf, il n'établit pas avoir saisi les Etats susceptibles de le regarder comme leur ressortissant, ni par suite que ceux-ci lui auraient refusé leur nationalité. Au surplus, les circonstances qu'il appartienne à la communauté sahraouie et que l'autorité exercée par le Maroc sur le territoire du Sahara Occidental serait, selon lui, contraire au droit international, ne sauraient par elles-mêmes suffire à le faire regarder comme apatride. Par ailleurs, M. D... B... n'expose pas en quoi le refus contesté porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, en se fondant sur l'absence de preuves quant à l'état-civil de l'intéressé et quant à la réalisation de démarches effectives de sa part pour obtenir une nationalité, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pu légalement refuser de lui reconnaître la qualité d'apatride.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'OFPRA sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... D... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.. Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2023.

La rapporteure,

Florence Rey-Gabriac

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

22BX02000 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02000
Date de la décision : 15/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CHRETIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-15;22bx02000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award