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15/06/2023 | FRANCE | N°21BX04259

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 15 juin 2023, 21BX04259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune d'Agen à lui verser à titre principal la somme totale de 16 144,50 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident de service dont il a été victime dans la nuit du 27 au 28 septembre 2013.

Par un jugement n° 1906175 du 22 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête de M. A... comme tardive et a mis à sa charge la somme de 1 400 euros au titre des frais d'expertise.<

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2021, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune d'Agen à lui verser à titre principal la somme totale de 16 144,50 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident de service dont il a été victime dans la nuit du 27 au 28 septembre 2013.

Par un jugement n° 1906175 du 22 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête de M. A... comme tardive et a mis à sa charge la somme de 1 400 euros au titre des frais d'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2021, M. A..., représenté par

Me Le Bonnois, demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement rendu le 22 septembre 2021 par le tribunal administratif de Bordeaux.

2°) de condamner la commune d'Agen à lui verser la somme de 16 144,50 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux, avec intérêts à compter de la réclamation préalable du 2 mai 2014, et capitalisation à compter de l'arrêt à intervenir.

3°) de mettre à la charge de la commune d'Agen une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le jugement du 22 septembre 2021 a considéré, pour regarder sa requête comme tardive, que l'article R 421-3 du code de justice administrative, dans sa nouvelle rédaction issue du décret du 2 novembre 2016, était applicable à un litige né antérieurement à l'adoption de ce décret ; les premiers juges ont ainsi porté atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi ainsi qu'à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit au recours effectif ;

- en sa qualité d'employeur, la responsabilité de la commune d'Agen est engagée pour faute à raison d'une carence dans la protection des agents en matière d'hygiène et sécurité au travail ; il a été victime d'une intoxication au gaz toxique en raison d'une surcharge électrique des batteries au plomb des onduleurs dans le local du centre de surveillance urbaine, en lien avec un défaut de maintenance et un défaut de ventilation ;

- si la faute de la commune d'Agen n'était pas retenue, les préjudices subis pourront être indemnisés sur le fondement de la responsabilité sans faute de la collectivité locale, auquel cas il pourra prétendre à l'indemnisation de 2 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- en tout état de cause, aucune faute ne saurait être lui reprochée en vue de limiter son droit à indemnisation, notamment pas son refus d'être transporté aux urgences, alors qu'il était chef de salle et seul présent la nuit en litige ;

- les préjudices subis sont établis, la commune d'Agen devra lui verser les sommes de 13 842,50 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux et 2 302 euros au titre des préjudices patrimoniaux.

Vu le mémoire, enregistré le 30 janvier 2023, présenté pour la commune d'Agen et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) qui concluent au rejet de la requête, au remboursement de la provision accordée en référé, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- c'est à bon droit que le tribunal a fait application de l'avis contentieux du Conseil d'Etat n°420797 pour regarder la demande comme tardive ;

- subsidiairement la commune n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité : il n'est pas démontré que l'accident trouverait son origine dans une surcharge des batteries ou une imprudence, comme l'a reconnu l'ordonnance de non-lieu du juge judiciaire ; les locaux étaient conformes aux normes applicables ; au demeurant aucun lien de causalité avec les prétendues fautes n'est démontré ;

- au titre de la responsabilité sans faute, le requérant ne pourrait prétendre qu'à l'indemnisation des souffrances endurées, cotées à 1/7 par l'expert, ce qui ne justifie pas plus de 811 euros, et la provision de 900 euros déjà accordée par le juge des référés devrait être déduite ;

- la faute de la victime, qui n'a consulté aux urgences que le surlendemain de l'intoxication au monoxyde de carbone, a contribué à l'aggravation du préjudice, et doit être regardée comme exonérant la commune de 70 % de toute responsabilité éventuellement retenue :

- en cas de retenue de la responsabilité pour faute, les frais de déplacement ne sont pas justifiés, le déficit fonctionnel temporaire pourrait être indemnisé pour 1 439 euros, l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ne saurait dépasser 5 439 euros et celle des souffrances 811 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dupeyron, représentant la commune d'Agen et la SMACL.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent de la police municipale d'Agen, a été affecté à la fonction de chef de salle du centre de supervision urbaine. Dans la nuit du 27 au 28 septembre 2013, alors qu'il était d'astreinte administrative, averti de la présence d'une odeur de soufre dans les locaux, il s'est déplacé au centre de supervision urbaine et a été victime d'une intoxication au monoxyde de carbone et à l'acide sulfurique. Cet accident a été reconnu comme imputable au service par un arrêté du maire d'Agen du 2 octobre 2013. Après le rejet de sa demande indemnitaire préalable, réceptionnée par la commune d'Agen le 6 mai 2014, M. A... a sollicité le 8 septembre 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux une expertise médicale, qui a été ordonnée le 15 novembre 2014. Sur la base du rapport de l'expert judiciaire daté du 19 décembre 2015, M. A... a saisi le juge des référés du tribunal le 20 juin 2017 d'une demande de provision. Par une ordonnance du 2 novembre 2017, le juge des référés lui a accordé la somme provisionnelle de 900 euros, au titre des souffrances endurées. Enfin, après l'ordonnance de non-lieu rendue par le tribunal de grande instance d'Agen le 24 décembre 2018 pour l'infraction de blessures involontaires, M. A... a présenté une nouvelle réclamation préalable, réceptionnée par la commune le 9 octobre 2019 et implicitement rejetée. Il a alors demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune d'Agen à réparer les préjudices qu'il a subis consécutivement à l'accident de service. Il relève appel du jugement qui a rejeté sa demande comme tardive au regard du caractère confirmatif du deuxième refus d'indemnisation opposé par la commune.

Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de l'article 10 du décret du 2 novembre 2016 portant modification de ce code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". S'agissant du délai de recours contre les décisions implicites, le premier alinéa de l'article R. 421-2 du même code dispose que : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ". Cette dernière règle comporte toutefois deux exceptions, fixées par l'article R. 421-3 du même code, qui prévoit, dans sa rédaction issue du décret du 2 novembre 2016, que seule une décision expresse est de nature à faire courir le délai de recours contentieux " (...) 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ", ainsi que " 2° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l'exécution d'une décision de la juridiction administrative ". Ce même décret du 2 novembre 2016 a, par son article 10, supprimé à cet article R. 421-3 une troisième exception, qui prévoyait que le délai de recours de deux mois ne courait qu'à compter d'une décision expresse " en matière de plein contentieux ".

3. L'article 35 du décret du 2 novembre 2016 dispose que : " I. - Le présent décret entre en vigueur le 1er janvier 2017. / II. - Les dispositions des articles 9 et 10 (...) sont applicables aux requêtes enregistrées à compter de cette date ".

4. S'agissant des décisions implicites nées avant le 1er janvier 2017, ces dispositions n'ont pas pour objet et n'auraient pu légalement avoir pour effet de déroger au principe général du droit selon lequel, en matière de délai de procédure, il ne peut être rétroactivement porté atteinte aux droits acquis par les parties sous l'empire des textes en vigueur à la date à laquelle le délai a commencé à courir.

5. À ce titre, lorsque, avant le 1er janvier 2017, une personne s'était vu tacitement opposer un refus susceptible d'être contesté dans le cadre d'un recours de plein contentieux, ce recours n'était enfermé, en l'état des textes en vigueur, dans aucun délai, sauf à ce que cette décision de refus soit, sous forme expresse, régulièrement notifiée à cette personne, auquel cas un délai de recours de deux mois courait alors à compter de la date de cette notification.

6. La réglementation applicable jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, du décret du 2 novembre 2016, ne créait pas de droit acquis à ce que tout refus tacite antérieur reste, en matière de plein contentieux, indéfiniment susceptible d'être contesté. Les dispositions du II de l'article 35 du décret du 2 novembre 2016 ont eu pour effet de faire courir un délai de recours de deux mois, à compter du 1er janvier 2017, contre toute décision implicite relevant du plein contentieux qui serait née antérieurement à cette même date. Elles ne revêtent donc pas une portée rétroactive et ne portent par suite, contrairement à ce que soutient M. A..., pas d'atteinte au droit au recours prévu à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Cette règle doit toutefois être combinée avec les dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes desquelles, sauf, en ce qui concerne les relations entre l'administration et ses agents, les délais de recours contre une décision tacite de rejet ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par l'article L.112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l'article R. 112-5 de ce code et, en particulier, dans le cas où la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, la mention des voies et délais de recours.

8. Toutefois, M. A..., qui avait la qualité d'agent de la police municipale d'Agen, ne bénéficiait de ce fait pas des dispositions précitées de l'article L.112-6 du code des relations entre le public et l'administration. Ainsi que l'a jugé le tribunal, sa première demande indemnitaire a fait naître une décision implicite de rejet le 6 juillet 2014, nonobstant les réponses d'attente de l'assureur de la commune et l'organisation d'une expertise amiable. S'il a saisi le tribunal le 8 septembre 2014 d'une demande d'expertise, il n'a ensuite sollicité d'indemnité, d'abord en référé puis au fond, que près de deux ans après le dépôt du rapport le 19 décembre 2015, et en tout état de cause après le 2 mars 2017. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a regardé sa deuxième demande indemnitaire présentée en octobre 2019 comme ayant fait naître, au regard du même fait générateur et des mêmes fondements de responsabilité, une décision confirmative de rejet qui n'était pas susceptible de rouvrir le délai.

Sur les conclusions reconventionnelles de la commune d'Agen :

9. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".Aux termes de l'article R. 541-3 du même code : " L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification ".Aux termes de l'article R. 541-4 du même code : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel " ;

10. Si le demandeur qui a obtenu du juge des référés le bénéfice d'une provision sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative doit la reverser en tout ou en partie lorsque le juge du fond, statuant sur sa demande pécuniaire ou sur une demande du débiteur tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, décide que la créance invoquée n'est pas fondée ou qu'elle est d'un montant inférieur au montant de la provision, tel n'est pas le cas lorsque le juge du fond rejette la demande dont il est saisi pour un motif tiré de l'irrecevabilité ou de la prescription de l'action au fond. En ce cas, les sommes accordées par le juge des référés à titre de provision sont définitivement acquises. Par suite, la commune d'Agen n'est pas fondée à solliciter le remboursement par M. A... de la provision de 900 euros qui lui avait été accordée par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 2 novembre 2017.

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Agen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la commune présentée sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Agen sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à la commune d'Agen, à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, à la Caisse primaire d'assurance maladie de Lot-et-Garonne et à la mutuelle Prévifrance.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2023.

L'assesseure,

Florence Rey-Gabriac

La présidente, rapporteure

Catherine B...

La greffière,

Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04259
Date de la décision : 15/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SELARL INTERBARREAUX RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-15;21bx04259 ?
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