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15/06/2023 | FRANCE | N°21BX02470

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 15 juin 2023, 21BX02470


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 1er octobre 2019 par laquelle le directeur de l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe l'a suspendu de ses fonctions à compter du 1er octobre 2019 et la décision du 2 octobre 2019 par laquelle le directeur a confirmé sa suspension, par mesure conservatoire, de ses fonctions de moniteur d'atelier sportif contractuel du 1er octobre 2019 au 31 janvier 2020.

Par un jugement n° 1901336 du 8 avril 202

1, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 1er octobre 2019 par laquelle le directeur de l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe l'a suspendu de ses fonctions à compter du 1er octobre 2019 et la décision du 2 octobre 2019 par laquelle le directeur a confirmé sa suspension, par mesure conservatoire, de ses fonctions de moniteur d'atelier sportif contractuel du 1er octobre 2019 au 31 janvier 2020.

Par un jugement n° 1901336 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 juin 2021 et 22 juin 2022, M. B..., représenté par Me Lecour, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 8 avril 2021 ;

2°) d'annuler les décisions des 1er et 2 octobre 2019, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 3 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre à l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe de le réintégrer juridiquement sur ses fonctions à compter du 1er octobre 2019 ou, à défaut, de réexaminer sa situation, et d'effacer tout élément relatif à cette affaire dans son dossier administratif, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les " entiers dépens ".

Il soutient que :

- les faits de harcèlement sexuel dont il a été accusé ne sont pas établis ; le témoignage de l'infirmière sur lequel le tribunal s'est fondé est sujet à caution, et celui de l'assistante sociale, qui n'a pas été témoin direct, ne fait que reprendre les allégations de l'auteure de la plainte ; les nombreux témoignages qu'il a recueillis en sa faveur démontrent qu'aucun de ses collègues ne comprend les faits qui lui sont reprochés ; ceux-ci ne présentaient pas un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité de nature à justifier la suspension ;

- sa manière de servir a toujours fait l'objet de bonnes appréciations ;

- les contradictions dont est entaché le témoignage à charge laissent douter de la véracité des faits dénoncés, comme l'absence de témoins lors des deux agressions supposées ;

- la plainte que la victime alléguée a déposée contre lui après les décisions en litige, et après que lui-même ait déposé plainte pour dénonciation calomnieuse, a été classée sans suite ;

- l'intérêt du service ne justifiait pas les décisions de suspension, dès lors que la supposée victime a bénéficié d'un arrêt de travail du 30 septembre au 15 novembre 2019 et qu'elle a ensuite fait l'objet d'un changement d'affectation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2021, l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe, représenté par Me Albina Collidor, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les décisions en litige ont été prises après enquête et reposent sur des faits graves, plausibles et caractérisés, ayant conduit la victime présumée à déposer plainte ;

- M. B... a été informé des faits qui lui étaient reprochés avant l'édiction des décisions, de sorte qu'il ne peut se prévaloir de leur insuffisante motivation ;

- les témoignages recueillis par M. B... ne remettent pas en cause le contenu de l'enquête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe en 2008 en qualité de moniteur d'atelier sportif, par contrat à durée indéterminée. La direction de l'établissement ayant reçu le témoignage d'une collègue psychologue se plaignant d'avoir été victime de faits de harcèlement sexuel de sa part, M. B... a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, par décision du 1er octobre 2019. Après entretien avec l'intéressé, le directeur de l'établissement a confirmé, par décision du 2 octobre suivant, cette suspension avec effet jusqu'au 31 janvier 2020 au plus tard. Le recours gracieux formé par M. B... à l'encontre de ces décisions, reçu par l'établissement le 4 octobre 2019, a été implicitement rejeté. M. B... a contesté ces trois décisions devant le tribunal administratif de la Guadeloupe qui, par jugement du 8 avril 2021, a rejeté sa demande. Par la présente requête, M. B... relève appel de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 39-1 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " En cas de faute grave commise par un agent contractuel, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité définie à l'article 40 du décret. La durée de la suspension ne peut toutefois excéder celle du contrat. (...) ". Aux termes de cet article 40 : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité signataire du contrat. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 6 ter de cette même loi, alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les faits : a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; / b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. (...) / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder aux faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'une psychologue, arrivée dans l'établissement en septembre 2018, a dénoncé auprès de la direction le 29 septembre 2019 des faits de harcèlement sexuel et d'intimidation dont elle aurait été victime de la part de M. B.... Elle a rapporté des contacts physiques non consentis et réitérés malgré son opposition, des propos à connotation sexuelle ou intimidants, des questions insistantes sur son lieu de vie et des invitations à se voir en dehors des heures de travail. Il ressort de l'enquête administrative, menée par la direction à la suite de cette plainte et reposant sur l'audition de plusieurs salariés, que M. B... a, un matin, pénétré dans le véhicule de sa collègue sans y avoir été invité afin de lui " faire la bise ", provoquant sa panique. Après un nouvel incident où M. B... a garé sa voiture devant la sienne, empêchant toute sortie, et afin de faire cesser cette situation qu'elle vivait mal, l'intéressée a, au cours du mois de janvier 2019, refusé, devant témoins, de saluer M. B.... S'en seraient suivies des relations distantes, accompagnées d'insultes dont sa collègue, assistante sociale du service, qui a recueilli ses difficultés, a été témoin. Deux autres collègues à qui l'intéressée s'était confiée ont dédramatisé la situation, en décrivant M. B... comme quelqu'un de tactile, intrusif et séducteur, au comportement immature. La cadre supérieure du service a rapporté avoir déjà été saisie à deux reprises, par le passé, du comportement de M. B..., par une infirmière ayant fait part d'intimidations, et par une autre salariée à propos d'un comportement séducteur insistant. Il ressort des pièces du dossier que les faits dénoncés, qui sont de nature à caractériser une faute grave, présentent un caractère suffisant de vraisemblance. Les circonstances que la manière de servir de M. B... a toujours reçu de bonnes appréciations, qu'il a lui-même déposé plainte pour dénonciation calomnieuse, que la salariée à l'origine de la dénonciation a mis du temps à dénoncer les faits et à pouvoir les qualifier de harcèlement sexuel, ou encore que sa plainte pénale a été classée sans suite pour absence d'infraction le 13 août 2020, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation de la direction de l'établissement sur la nécessité, à la date à laquelle les décisions en litige ont été prises, d'une suspension à titre conservatoire de M. B.... A supposer même que la salariée ait été en arrêt de travail durant le temps de l'enquête administrative, et alors qu'elle a obtenu, à sa demande, un changement d'affectation dans un autre service en novembre 2019, la suspension ainsi prononcée, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, a été décidée dans l'intérêt du service, durant le temps de l'enquête.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande aux fins d'annulation des décisions des 1er et 2 octobre 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux, ainsi que sa demande à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par l'établissement au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Rey-Gabriac, première conseillère,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX02470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02470
Date de la décision : 15/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : ALBINA-COLLIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-15;21bx02470 ?
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