Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le centre hospitalier Ravenel a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) à lui verser la somme de 145 089,29 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices résultant de la délivrance d'informations erronées sur la réglementation applicable à la situation de l'un de ses agents sur ses droits à pension de retraite.
Par un jugement n° 1802033 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 janvier et 30 avril 2021, le centre hospitalier (CH) Ravenel, représenté par Me Muller-Pistre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 décembre 2020 ;
2°) de condamner la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) à lui verser la somme de 148 089, 29 euros en réparation des préjudices résultant de la délivrance d'informations erronées sur la réglementation applicable à la situation de l'un de ses agents sur ses droits à pension de retraite, somme à assortir des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la CNRACL, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes de 3 500 euros au titre de la première instance et de 5 000 euros au titre de l'appel.
Il soutient que :
- la CNRACL, en lui communiquant à deux reprises, les 23 juillet et 28 octobre 2015, des informations erronées concernant la limite d'âge applicable et la date d'admission à la retraite de Mme A... et la possibilité de prolonger son activité, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 février 2019 annulant le refus de prolonger l'activité de cette infirmière au-delà de ses 60 ans démontre que les renseignements donnés par la CNRACL étaient erronés ;
- il y a un lien de causalité direct et certain entre la faute commise par la CNRACL et le préjudice subi par le centre hospitalier; il aurait en effet revu sa position si la CNRACL ne lui avait pas indiqué que Mme A... avait atteint la limite d'âge, ou l'avait informé qu'elle pouvait bénéficier d'une prolongation d'activité ;
- ces préjudices sont issus des décisions rendues par le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Nancy ; au total, en exécution et à l'occasion de ces décisions, il a exposé la somme de 148 089,29 euros, qu'il réclame à titre d'indemnisation de ses préjudices.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mars et 17 mai 2021, la Caisse des dépôts et consignations, agissant en sa qualité de gestionnaire de la CNRACL, représentée par Me Joly, conclut au rejet de la requête du centre hospitalier Ravenel et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;
- le décret n° 2001-1375 du 31 décembre 2001 ;
- le décret n° 2012-1466 du 26 décembre 2012 portant statut particulier du corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dupeyron représentant le centre hospitalier Ravenel et de Me Wojas représentant la Caisse des dépôts et consignations, agissant en sa qualité de gestionnaire de la CNRACL.
Des notes en délibéré présentées pour le centre hospitalier Ravenel et la Caisse des dépôts et consignations ont été enregistrées les 25 mai et 6 juin 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 28 octobre 1955, a été recrutée en 1976 par le centre hospitalier Ravenel de Mirecourt, où elle a exercé les fonctions d'infirmière puis de surveillante des services médicaux avant d'être reclassée dans le corps des cadres de santé à compter du 28 janvier 2003. Le 21 juin 2013, en vertu du droit d'option ouvert par la loi du 5 juillet 2010, Mme A... a refusé son intégration dans le corps nouvellement créé des cadres de santé paramédicaux, classé comme sédentaire, afin de conserver les droits liés au classement dans la catégorie active des emplois qu'elle avait occupés au cours de sa carrière. Par un courrier du 3 avril 2015, le centre hospitalier Ravenel a informé Mme A... qu'elle devrait cesser son activité le 29 octobre 2015, lendemain de son soixantième anniversaire, au motif qu'elle aurait atteint la limite d'âge. L'intéressée a alors sollicité, par courrier du 27 mai 2015, la prolongation de son activité professionnelle pour une année supplémentaire. Le centre hospitalier Ravenel a rejeté cette demande par une décision du 23 juillet 2015. Mme A... a formé un recours gracieux à son encontre le 28 juillet 2015, qui a été rejeté par décision du 29 juillet 2015. En parallèle, l'établissement hospitalier a sollicité le 28 juillet 2015 une information sur la réglementation applicable auprès de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), qui lui a répondu par courrier du 24 septembre 2015. L'établissement de santé a alors radié des cadres Mme A... pour limite d'âge, par décision du 7 octobre 2015, avec effet au 29 octobre 2015, en interrogeant de nouveau la CNRACL le 26 octobre 2015 sur le droit à prolongation d'activité de Mme A.... La CNRACL a confirmé le contenu de la réponse formulée le 24 septembre 2015, par courrier du 28 octobre 2015.
2. Les décisions du centre hospitalier Ravenel des 29 juillet et 7 octobre 2015 ont été annulées, sur la demande de Mme A..., par jugement n° 1503029 du 16 mars 2017 du tribunal administratif de Nancy, confirmé par un arrêt n° 17NC01110 du 5 février 2019 de la cour administrative d'appel de Nancy. En exécution de ce jugement, le centre hospitalier a notamment procédé à la reconstitution de carrière de Mme A.... Estimant que l'illégalité des décisions des 29 juillet et 7 octobre 2015 était due aux informations erronées délivrées par la CNRACL, le centre hospitalier Ravenel a formé le 16 janvier 2018 une demande préalable d'indemnité auprès de cet organisme, laquelle a été rejetée par courrier du 13 février 2018. Le CH Ravenel relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 décembre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la CNRACL à lui verser la somme de 145 089,29 euros en réparation des préjudices qu'il estime résulter de la délivrance d'informations erronées sur la réglementation applicable à la situation de Mme A....
Sur le cadre juridique du litige :
3. Aux termes de l'article 37 de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " I. La limite d'âge des fonctionnaires régis par les statuts particuliers des corps et cadres d'emplois d'infirmiers et de personnels paramédicaux appartenant à la catégorie A, ainsi que du corps des cadres de santé, créés à compter de la date de publication de la présente loi, est fixée à soixante-cinq ans (...) II. Les fonctionnaires qui relèvent, à la date de création des corps et cadres d'emplois mentionnés au I du présent article, des corps et cadres d'emplois d'infirmiers et de personnels paramédicaux dont les emplois sont classés dans la catégorie active prévue au 1° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que les fonctionnaires qui relèvent à la même date du corps des cadres de santé et des autres corps ou cadres d'emplois de personnels paramédicaux et qui ont occupé des emplois ainsi classés, peuvent, dans des conditions définies par les statuts particuliers des corps et cadres d'emplois, opter individuellement soit en faveur du maintien dans leurs corps ou cadres d'emplois associé à la conservation des droits liés au classement dans la catégorie active, soit en faveur d'une intégration dans les corps et cadres d'emplois mentionnés au I du présent article (...) ". Aux termes de l'article 22 du décret du 26 décembre 2012 portant statut particulier du corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière : " I. ' Les membres du corps des cadres de santé régi par le décret du 31 décembre 2001 susvisé sont intégrés dans le corps régi par le présent décret, à l'exception de ceux d'entre eux mentionnés au II qui auront choisi le maintien dans le corps régi par le décret du 31 décembre 2001 précité. / II. ' Le droit d'option prévu par les dispositions de l'article 37 de la loi du 5 juillet 2010 susvisée est ouvert aux membres du corps des cadres de santé régi par le décret du 31 décembre 2001 susvisé pouvant faire valoir, à la date d'ouverture de ce droit d'option, une durée de services effectifs dans un emploi classé dans la catégorie active, telle que prévue à l'article 6 du décret du 30 décembre 2011 susvisé. Ce droit d'option est ouvert durant une période de six mois à compter de la date de publication du présent décret. Il est exercé de façon expresse par chaque agent. Le choix ainsi exprimé par l'agent est définitif. / III. ' L'autorité investie du pouvoir de nomination notifie à chaque agent concerné une proposition d'intégration dans le corps des cadres de santé paramédicaux, en précisant le classement qui résulterait d'une telle intégration ". A la suite de la présentation de l'option prévue par ces dispositions, Mme A... a choisi de rester dans l'ancien corps des cadres de santé.
Sur la responsabilité de la CNRACL :
4. La responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes qu'elle a commises et le préjudice subi par la victime. Le centre hospitalier Ravenel soutient que l'illégalité fautive des décisions des 29 juillet et 7 octobre 2015 a été reconnue par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy, qui a estimé que la seule limite d'âge applicable était, en l'absence de limite fixée par le décret statutaire du 31 décembre 2001, celle applicable au premier échelon de la catégorie active aux fonctionnaires de l'Etat, soit en l'espèce 67 ans, ce qui l'a conduit à exposer les sommes dont il demande l'indemnisation. Il fait valoir que cette illégalité est exclusivement due à la délivrance, par la CNRACL, d'informations erronées concernant la date d'admission à la retraite de Mme A... et la possibilité de prolonger son activité.
5. Cependant, il résulte de l'instruction que le CH a été saisi de la demande de prolongation d'activité de Mme A... le 27 mai 2015. Une mention manuscrite sur cette demande indique qu'elle a été refusée le 23 juillet, en raison d'une " impossibilité du fait de la réglementation (droit d'option cadre de santé). " A la suite d'un nouveau courrier de Mme A... daté du 28 juillet, le centre hospitalier a immédiatement saisi la CNRACL pour avis et obtention des textes applicables, mais sans attendre une éventuelle réponse de cette institution, il a refusé dès le lendemain de revenir sur sa décision. Dans ces conditions, le requérant ne pouvait être regardé comme ayant été disposé, comme il le soutient, à revenir sur sa position initiale en fonction de la réponse attendue de la CNRACL, et l'information erronée donnée par la CNRACL sur l'absence de dérogation à une limite d'âge de 60 ans ne pouvait donc être regardée comme étant le motif déterminant de la décision de refus de prolongation, alors même qu'elle aurait conforté le centre hospitalier dans son appréciation. Par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que la délivrance d'une information erronée engagerait la responsabilité de la CNRACL pour les frais et indemnités qu'il a dû supporter à la suite de l'annulation de ses décisions.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le CH Ravenel n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du CH Ravenel est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Caisse des dépôts et consignations/CNRACL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Ravenel et à la Caisse des dépôts et consignations en sa qualité de gestionnaire de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2023.
La rapporteure,
Florence Rey-Gabriac
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
21BX00332 2