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13/06/2023 | FRANCE | N°20BX03599

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 13 juin 2023, 20BX03599


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 novembre 2020, 8 février 2022, 15 avril 2022, 14 octobre 2022 et 24 janvier 2023, la société VSB Energies nouvelles, société à responsabilité limitée représentée par Me Elfassi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2020 par lequel la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer une autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la com

mune de Roullet-Saint-Estèphe ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée assortie l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 novembre 2020, 8 février 2022, 15 avril 2022, 14 octobre 2022 et 24 janvier 2023, la société VSB Energies nouvelles, société à responsabilité limitée représentée par Me Elfassi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2020 par lequel la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer une autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Roullet-Saint-Estèphe ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée assortie le cas échéant de prescriptions particulières ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Charente de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou, plus subsidiairement, de réexaminer sa demande et de statuer à nouveau dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention est irrecevable dès lors que les intervenants ne justifient pas d'un intérêt à intervenir ;

- l'arrêté du 4 septembre 2020 est entaché d'un vice de forme en ce qu'il vise, à tort, une demande " en vue d'obtenir l'autorisation d'exploiter " et en ce qu'il mentionne, à tort, refuser la délivrance d'une demande d'" autorisation environnementale ", alors que, déposée avant le 1er mars 2017, cette demande constituait une demande d'autorisation unique ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que son projet ne porte pas atteinte à la protection des paysages, notamment en ce que le site d'implantation du projet ne présente aucun intérêt particulier, ni ne porte atteinte à la conservation des sites et des monuments ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que son projet ne porte pas atteinte à la commodité du voisinage ;

- l'arrêté du 4 septembre 2020 est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que son projet ne porte pas atteinte à la protection de la nature et, en particulier, à l'avifaune et aux chiroptères ;

- en prenant en compte, d'une part, l'avis défavorable de la commune de Roullet-Saint-Estèphe et l'argumentation du maire selon laquelle les habitants de la commune ne pouvaient accepter un parc éolien en plus d'une aire de grand passage sur le territoire communal et, d'autre part, le cumul de projets impactant le territoire de la commune de Roullet-Saint-Estèphe et les nuisances qui en découlent, notamment avec la création d'une aire d'accueil de gens du voyage, la préfète a commis une erreur de droit ;

- le projet n'appelait pas de demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées ; au surplus, la nécessité d'une telle dérogation a été soulevée par les intervenants après le délai prévu à l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative de cristallisation des moyens.

Par des mémoires, enregistrés les 15 septembre 2021, 11 mars 2022, 3 mai 2022, 6 décembre 2022 et 24 février 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), l'association Pourrha et M. A... et Mme D... B..., représentés par Me Cadro, interviennent au soutien de la défense et concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à intervenir ;

- les moyens de la société VSB Energies nouvelles ne sont pas fondés ;

- en cas d'annulation, il ne pourra être fait droit à la demande d'injonction sollicitée par la requérante tendant à la délivrance de l'autorisation unique dès lors que la société VSB Energies nouvelles aurait dû, en tout état de cause, solliciter une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées ; l'article R. 611-7-2 du code de justice administrative ne leur est pas opposable, puisqu'ils sont intervenants, de sorte que cette argumentation, qui n'est au surplus pas un moyen, n'est pas irrecevable.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 septembre 2021, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12h00.

Un mémoire en production de pièces, enregistré le 11 mai 2023, a été produit pour l'association Pourrha et pour M. et Mme B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance du n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Illescas, représentant la société VSB Energies nouvelles et de Me Cadro, représentant l'association Pourrha et M. et Mme B....

Une note en délibéré et des pièces complémentaires ont été enregistrées le 23 mai 2023 et le 1er juin 2023, présentées pour la société VSB Energies nouvelles par Me Elfassi.

Considérant ce qui suit :

1. Le 26 novembre 2015, la société VSB Energies nouvelles a déposé une demande d'autorisation unique en vue de l'implantation et de l'exploitation d'un parc éolien composé de trois éoliennes d'une hauteur de 180 mètres en bout de pâle et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Roullet-Saint-Estèphe. Par un arrêté du 19 juillet 2018, la préfète de la Charente a rejeté sa demande. Par un jugement du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, annulé cet arrêté et, d'autre part, enjoint à la préfète de la Charente de réexaminer la demande de la société VSB Energies nouvelles. Par un arrêté du 4 septembre 2020, la préfète de la Charente a, après réexamen de la demande de la société VSB Energies nouvelles, rejeté cette demande. La société VSB Energies nouvelles demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de l'intervention :

2. Est recevable à former une intervention devant le juge du fond toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

3. Il résulte de l'article 2 des statuts de l'association Pour respecter les habitants (Pourrha) que cette association a notamment pour objet de " lutter, y compris par toute action en justice, contre les projets d'installations industrielles dédaigneuses des intérêts de la nature, des gens, du patrimoine paysager et bâti, notamment contre les usines d'aérogénérateurs dits parcs éoliens en Charente et tout particulièrement sur la commune de Roullet-Saint-Estèphe ". Eu égard à l'objet du litige relatif à la décision par laquelle la préfète de la Charente a refusé de délivrer à la société VSB Energies nouvelles une autorisation d'exploiter un parc de trois éoliennes d'une hauteur de 180 mètres sur le territoire de la commune de Roullet-Saint-Estèphe, cette association justifie d'un intérêt suffisant au maintien de la décision attaquée de la préfète de la Charente.

4. Dès lors qu'au moins l'un des intervenants est recevable, une intervention collective est recevable. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt à intervenir de M. et de Mme B..., l'intervention doit être admise.

Sur les conclusions en annulation :

5. En premier lieu, si l'arrêté de la préfète comporte des erreurs quant à la désignation de la demande d'autorisation sollicitée, qualifiée à tort de demande " en vue d'obtenir l'autorisation d'exploiter " et de demande d'" autorisation environnementale " puis de demande d' " autorisation environnementale unique ", alors qu'il s'agissait d'une demande d'autorisation unique, ces erreurs dont il n'est pas allégué qu'elles traduiraient des vices dans la procédure suivie ni une appréciation erronée portée par la préfète, constituent de simples erreurs de plume et sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 dudit code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral ".

7. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.

8. Pour rejeter la demande d'autorisation unique de la société VSB Energies nouvelles, la préfète s'est fondée sur l'avis défavorable du conseil municipal de Roullet-Saint-Estèphe et sur le cumul de projets impactant le territoire de la commune et des nuisances qui en découlent, compte tenu, en particulier, d'un projet de création d'une aire d'accueil de gens du voyage et de la ligne ferroviaire à grande vitesse Sud Europe Atlantique. Toutefois, l'instruction ne révèle aucun cumul d'impacts, notamment visuels ou environnementaux, lié à ces infrastructures, qui serait de nature à porter atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Dès lors, ce motif est insusceptible de fonder légalement le rejet d'une demande d'autorisation unique.

9. Pour ce qui est de l'atteinte à la commodité du voisinage, également retenue par la préfète, d'une part, s'il est vrai que le projet produira un impact acoustique relativement fort, notamment pour les hameaux de Franchecaille, de La Croix Nouveau, de Chez Menanteaux et de Chez Chardin, le niveau sonore maximum résultant de l'étude acoustique reste en deçà des seuils réglementaires. D'autre part, s'il résulte de l'instruction que le projet se situe à proximité immédiate de plusieurs hameaux, dont les plus proches, La Grande Allée, Chez Chardin et Chez Menanteau, se trouvent à des distances de, respectivement, 530 mètres, 910 mètres et 790 mètres du projet, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction et notamment pas des photomontages produits par les intervenants, que le projet de parc éolien, par le nombre, la proximité ou l'implantation des éoliennes, serait susceptible d'entraîner un effet d'écrasement ou d'encerclement portant une atteinte anormale aux conditions de vie des riverains. S'agissant du hameau Chez Chardin, l'étude paysagère relative au projet fait au surplus apparaître qu'il sera préservé d'un impact visuel fort par un massif forestier, seul le haut des pales étant visible. Par ailleurs, s'il résulte de l'instruction que le parc sera visible depuis les hameaux Chez Chotard, situé à 1,3 km du projet, La Croix Nouveau, situé à 1,9 km du projet, et Chez Thibaud, situé à 1,2 km, il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'impact visuel soit de nature, notamment par un effet d'écrasement, à porter atteinte à la commodité des habitants de ces lieux de vie. Ainsi, le motif tiré de l'atteinte à la commodité du voisinage n'est pas de nature à justifier légalement le refus opposé par la préfète.

10. Pour ce qui est, en revanche, de l'atteinte à la protection des paysages et à la conservation des sites et des monuments, il résulte de l'instruction que la zone d'implantation du projet est située entre les entités paysagères de la Champagne charentaise et des Côtes de l'Angoumois, sur une micro-butte, entre les collines viticoles et agricoles du sud et la vallée de la Charente à 3,5 km au nord, dans l'aire géographique de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Fins Bois ", à proximité immédiate de l'AOC " Petite champagne ", incluses dans l'appellation Cognac. Tant la Champagne charentaise que la vallée de la Charente constituent, aux termes de l'Atlas des paysages de Poitou-Charentes, des paysages remarquables et emblématiques. La Champagne charentaise, dominée par le vignoble de Cognac et le tourisme qui lui est associé, est comparée dans cet Atlas aux paysages de Toscane. Elle est marquée par un caractère bucolique et par la présence d'éléments naturels de faible hauteur, sur un vaste territoire soigné et scandé de petits reliefs, ponctué par un habitat de demeures viticoles et présentant une architecture de qualité et par des demeures rurales et des églises romanes caractéristiques du territoire viticole charentais. Le périmètre d'étude abrite dix-neuf édifices classés ou inscrits au titre des monuments historiques, traduisant une forte charge historique et identitaire du territoire. Par suite, alors même que l'implantation du parc sera sans incidence sur les appellations d'origine contrôlée, malgré le développement de l'urbanisation de la commune de Roullet-Saint-Estèphe qui accueille une plateforme logistique pour la grande distribution, et bien que la zone d'implantation potentielle soit située à proximité de la route nationale 10 qui la borde au sud-est et à 5 km environ à l'ouest de la ligne ferroviaire à grande vitesse Sud Europe Atlantique, le paysage environnant le secteur d'implantation du projet, préservé de tout élément industriel, présente une richesse naturelle, patrimoniale et architecturale remarquable.

11. Il résulte de l'instruction, et notamment des photomontages produits dans l'étude d'impact que la topographie des lieux, et notamment la configuration de la vallée de la Charente, très ouverte, offre un panorama dégagé, entre le lit du fleuve et les coteaux, favorable à des vues sur le projet éolien à plus de 8 km et que le projet, portant sur trois éoliennes d'une hauteur en bout de pales de 180 mètres, aura pour effet de modifier de façon non négligeable la perception visuelle de ce paysage naturel et peu vallonné et, ainsi, de porter atteinte à son harmonie. S'agissant plus particulièrement des paysages abritant des éléments de patrimoine architectural, il ressort de l'étude d'impact que les monuments environnants dégagent des vues sur l'aire d'implantation du projet ou seront en co-visibilité avec ce parc et que les éoliennes projetées auront pour effet de modifier les échelles de manière significative et défavorable pour plusieurs de ces monuments. Ainsi, l'église de Saint-Estèphe, monument historique classé à Roullet-Saint-Estèphe, située à 3,4 km du projet, présente une visibilité forte sur le site du projet depuis les abords du monument et une covisibilité significative avec le clocher de l'église dans un rapport d'échelle défavorable. L'église Saint-Pierre d'Eraville, monument inscrit, située à 5 km du projet, sur les collines environnant ce dernier, dégage de vastes vues en direction des éoliennes en projet qui seront ainsi susceptibles de dénaturer la perception des lieux naturels environnants, dénués d'éléments verticaux. Le projet présente également un impact fort sur le site du château de Bouteville, monument classé, malgré la distance de 9,8 km, dès lors que les éoliennes seront nettement visibles au fond du panorama dégagé proposé par le château, créant un point d'appel focalisant le regard. Enfin, le site des moulins de Saint-Simeux, site inscrit, bien qu'à distance de 6,7 km du projet, est situé pour partie au-dessus de la vallée de la Charente et présente une vision panoramique où les trois éoliennes seront bien visibles en concurrence d'échelle avec la vallée. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la préfète a refusé l'autorisation sollicitée au motif d'une atteinte à l'intérêt visé à l'article L. 511-1 du code de l'environnement relatif à la protection des paysages et des sites et monuments.

12. La préfète de la Charente s'est, enfin, fondée pour justifier le refus opposé, sur le motif tiré de ce que le projet était de nature à porter atteinte à la protection de la nature et notamment à l'avifaune et aux chiroptères présents sur le territoire concerné.

13. S'agissant de l'atteinte aux chiroptères, il résulte de l'instruction que treize espèces de chiroptères ont été recensées sur le site du projet dont la pipistrelle commune, la pipistrelle de Kuhl, la pipistrelle de Nathusius, la noctule commune, la noctule de Leisler et la sérotine commune, espèces sensibles à l'éolien notamment en raison de leurs mouvements migratoires, alors que le projet prévoit de s'implanter à une distance de lisières de bois inférieure à 200 mètres et notamment à 84 mètres pour l'éolienne E3. Toutefois, il résulte de l'instruction que les éoliennes sont destinées à s'implanter sur des parcelles cultivées, peu favorables aux chiroptères. Il résulte également de l'instruction et notamment de l'étude d'impact, que la société VSB Energies nouvelles s'est engagée à mettre en œuvre des mesures de réduction d'impact, consistant dans la régulation des éoliennes entre avril et octobre pendant 3 heures après le coucher du soleil si la température à hauteur de bas de pale est supérieure à 7°C et si la vitesse du vent à hauteur de bas de pale est inférieure à 5,5 m/s, et aucun élément de l'instruction ne permet d'estimer que ces mesures ne seraient pas de nature à réduire efficacement les risques de mortalité des chiroptères. Au surplus, à supposer ces mesures insuffisantes, il ne résulte pas de l'instruction que des prescriptions plus strictes n'auraient pu être imposées, le cas échéant, par la préfète, afin d'éviter le risque d'atteinte aux chiroptères.

14. S'agissant en revanche de l'atteinte à l'avifaune, il résulte de l'instruction que 86 espèces d'oiseaux ont été recensées autour de la zone d'implantation du projet, dont 8 sont inscrites à l'annexe I de la directive " oiseaux ". Parmi les espèces patrimoniales recensées, 6 espèces de rapaces font partie des espèces les plus exposées au risque de collision mortelle avec les éoliennes, notamment le milan noir. S'agissant de l'avifaune migratrice, il ressort notamment de l'expertise naturaliste de l'étude d'impact que l'orientation du parc est perpendiculaire aux déplacements observés, ce qui renforce les risques de collision pour les migrateurs, en particulier la grue cendrée avec un risque fort en cas de conditions météorologiques défavorables. S'agissant de l'avifaune nicheuse, il résulte de l'instruction que les survols entre les surfaces boisées encadrant l'aire d'implantation du projet sont fréquents et introduisent un risque de collision non négligeable sur les individus en déplacement local. S'agissant de l'avifaune hivernante, il résulte de l'instruction que le site prévu pour l'implantation du parc éolien est utilisé comme lieu d'hivernage par le pluvier doré et le vanneau huppé et que seulement 120 mètres séparent les stations d'hivernage de 300 vanneaux huppés de l'éolienne E1. Enfin, il résulte de l'instruction que le projet induit un dérangement pour des espèces migratrices en migration active et un risque d'effarouchement, notamment pour la caille des blés et l'œdicnème criard, ainsi qu'une perte d'habitat de reproduction par destruction directe de milieux, notamment pour l'alouette des champs, la caille des blés, le faucon hobereau et l'œdicnème criard.

15. Le pétitionnaire a prévu de réduire les risques pour l'avifaune par la mise en place d'un système de signalement lors des passages de la grue cendrée, par l'absence de travaux de terrassement entre mi-mars et mi-août afin d'éviter la période de nidification de l'avifaune et par une collaboration avec les exploitants agricoles pour permettre l'arrêt des machines en période de travaux agricoles. Il appartenait par ailleurs à la préfète, le cas échéant, d'imposer des prescriptions complémentaires. Toutefois, eu égard à l'importance des enjeux avifaunistiques et des risques significatifs de collision et de pertes d'habitats, il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures permettraient de prévenir ou de compenser ces atteintes de façon suffisante, l'autorité environnementale ayant au demeurant souligné dans son avis que les systèmes d'effarouchement n'étaient pas complètement efficaces. La préfète a ainsi pu, à bon droit, estimer que le projet était de nature à porter atteinte à l'avifaune et refuser pour ce motif l'autorisation sollicitée.

16. Les seuls motifs tirés de l'atteinte aux paysages et aux sites et monuments et de l'atteinte à l'avifaune suffisent à justifier légalement le refus d'autorisation qui a été opposé à la société au regard de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et il résulte de l'instruction que la préfète aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur ces motifs.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société VSB Energies nouvelles n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2020 par lequel la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer une autorisation unique concernant un parc éolien sur le territoire de la commune de Roullet-Saint-Estèphe. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de délivrance de l'autorisation sollicitée ou d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Pourrha et de M. B... et Mme B... est admise.

Article 2 : La requête de la société VSB Energies nouvelles est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société VSB Energies nouvelles, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à l'association Pourrha et à M. A... et Mme D... B....

Copie en sera adressée à la préfète de la Charente.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme C... E....

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

La première assesseure,

D... GayLa présidente rapporteure,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03599 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03599
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET FCA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-13;20bx03599 ?
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