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08/06/2023 | FRANCE | N°23BX00424

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 juin 2023, 23BX00424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 24 août 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2200634 du 23 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2023, M. A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif

de Bordeaux du 23 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision de la préfète de la Gironde du 24 août 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 24 août 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2200634 du 23 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2023, M. A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision de la préfète de la Gironde du 24 août 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur de la décision en litige ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ;

- il produit des documents suffisants permettant de justifier de son état civil ;

- cette décision méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est parent d'un enfant français né le 10 février 2020, dont il contribue à l'entretien et à l'éducation ;

- cette décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il justifie d'une promesse d'embauche du 2 juin 2020, vit en concubinage avec une ressortissante française et est père d'un enfant de nationalité française ;

- cette décision méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il entretient des liens quotidiens avec son fils.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mars 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de M. A... ne sont pas fondés.

Par une décision n° 2022/018165 du 12 janvier 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Charlotte Isoard,

- et les observations de Me Esseul, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui soutient être ressortissant de la République démocratique du Congo né le 19 juillet 1998, entré sur le territoire français au mois de janvier 2018 selon ses déclarations, a sollicité, le 6 juillet 2021, un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-7, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 24 août 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé. M. A... relève appel du jugement du 23 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 août 2021.

Sur la légalité de la décision du 24 août 2021 :

2. La préfète de la Gironde a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... au motif que la consultation du fichier Visabio avait révélé que l'intéressé avait obtenu un visa auprès des autorités polonaises sur présentation d'un passeport angolais au nom de M. B... A... C... né le 19 juillet 1991, de nationalité angolaise, que les documents d'identité produits par l'intéressé avaient été estimé irrecevables par la direction zonale de la police aux frontières dans un rapport du 17 janvier 2020, et qu'il n'était par conséquent pas possible d'établir de façon certaine son identité et sa nationalité.

3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents (...) ". Et aux termes de l'article L. 811-2 de ce code : " La vérification de tout acte civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Enfin, selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".

4. D'une part, il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. D'autre part, à la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient.

5. Il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Gironde a saisi la direction zonale de la police aux frontières Sud-Ouest afin qu'elle se prononce sur les documents administratifs produits par M. A... à l'appui d'une précédente demande de titre de séjour. Le rapport technique établi le 17 janvier 2020 a notamment constaté que l'acte de naissance et l'extrait d'acte de naissance produits par M. A... présentaient un formalisme, un support, un fond d'impression, des mentions préimprimées et des marques de validation de l'autorité administratives conformes, sans traces d'altérations frauduleuses des mentions biographiques de ces documents, mais que l'acte de naissance n'était pas " sur-légalisé ", tandis que l'extrait d'acte de naissance n'était pas correctement légalisé dès lors qu'il avait été " sur-légalisé par l'ambassade du pays en Belgique " et non celle de France. Par ailleurs, le passeport produit par M. A... à l'appui de sa demande a également été jugé comme présentant tous les éléments conformes et n'ayant pas été altérés. En outre, M. A... verse également au dossier un acte de naissance établi 21 juin 2021 et légalisé par l'ambassade de la République Démocratique du Congo en France. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les documents présentés par l'intéressé doivent être regardés comme présentant des garanties suffisantes d'authenticité, alors même que certains d'entre eux n'auraient pas été régulièrement légalisés, et comme apportant, dans les circonstances de l'espèce, la preuve de l'état civil du requérant. Dans ces conditions, la seule circonstance que la consultation du fichier Visabio permettait de constater que M. A... avait obtenu un visa des autorités polonaises pour la période du 19 janvier 2018 au 19 février 2018 sous une autre identité ne permettait pas à elle seule de conclure que les pièces fournies par le requérant à l'appui de sa demande de titre étaient irrégulières, alors qu'aucun élément au dossier ne permet de considérer que le passeport angolais sur lequel figure le visa polonais attesterait de l'identité du requérant.

6. Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. A... est parent d'un enfant français né le 10 février 2020. Il ressort des pièces du dossier que le requérant vit avec la mère de l'enfant depuis le mois d'octobre 2020, sans que la communauté de vie ne puisse sérieusement être remise en cause. Les conjoints se sont d'ailleurs mariés le 15 octobre 2022, postérieurement à la décision litigieuse. Dans ces conditions, au regard du jeune âge de l'enfant, de la vie commune des parents, et des attestations de médecins versées au dossier, lesquelles témoignent de ce que M. A... est présent aux consultations médicales de suivi de l'enfant, ce dernier doit être regardé comme participant à son entretien et à son éducation depuis sa naissance. Ainsi, M. A... remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en tant que parent d'enfant français sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la préfète de la Gironde du 24 août 2021.

Sur l'injonction :

8. Le présent arrêt, qui annule la décision portant refus de titre de séjour, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, la délivrance à M. A... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à la demande de M. A... une nouvelle décision de refus de titre de séjour. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde, ou tout autre préfet compétent au regard du lieu de résidence du requérant, de lui délivrer le titre de séjour mentionné ci-dessus dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre des frais engagés par M. A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 novembre 2022 et la décision de la préfète de la Gironde du 24 août 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du préfet arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au préfet de la Gironde et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00424 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00424
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-08;23bx00424 ?
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