Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Par un jugement n° 2201621 du 20 mai 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2022, et des pièces complémentaires enregistrées le 22 septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Reix, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de droits de l'homme et les libertés fondamentales (CEDH) et sont entachées d'erreurs manifestes d'appréciation ; elle est en France depuis 4 ans, et s'est très bien insérée, notamment du fait de son investissement associatif ; elle a une vie familiale stable avec ses cinq enfants, tous scolarisés ;
-ces décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) ; ses cinq enfants sont scolarisés alors qu'ils ne l'étaient plus au Congo depuis 2016 faute de moyens pour payer l'école ; le plus jeune a besoin d'un suivi médical et chirurgical orthopédique, qu'il ne pourra obtenir au Congo ; ses enfants ont tous leurs repères en France, où elle peut subvenir à leurs besoins.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2023, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la demande de Mme C....
Elle soutient que :
-en l'absence d'éléments ou de moyens nouveaux produits ou soulevés par la requérante, elle confirme les termes de son mémoire de première instance, qui concluait au rejet des moyens qu'elle invoquait.
Par une décision du 28 juillet 2022, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme C....
Une ordonnance en date du 23 février 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 23 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signé à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., née en 1984, de nationalité congolaise (République Démocratique du Congo), est entrée en France le 20 décembre 2018, selon ses déclarations. Elle a formulé une demande d'asile le 17 janvier 2019, qui a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatride (OFPRA) le 16 mars 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 août 2021. Le 13 octobre 2021, elle a sollicité le réexamen de sa demande d'asile. Sa demande a été rejetée comme irrecevable par l'OFPRA le 29 octobre 2021. Par arrêté du 28 février 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux du 20 mai 2022, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. A l'encontre des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, Mme C... fait valoir qu'elle est en France depuis quatre ans, qu'est est bien insérée socialement du fait de son fort investissement associatif, qu'elle mène une vie familiale stable avec ses cinq enfants mineurs, nés en 2008, 2011, 2014, 2016 et 2019, tous scolarisés, le plus jeune ayant besoin d'un suivi médical et chirurgical orthopédique, et que ces enfants ont désormais leurs repères en France.
4. Cependant, s'il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée sur le territoire national accompagnée de ses quatre aînés fin 2018, et était donc en France depuis environ quatre ans à la date de la décision en litige, ce délai correspond à la période d'instruction de sa demande d'asile, laquelle a au demeurant été rejetée à trois reprises. La circonstance que ses cinq enfants aient été, durant cette période, scolarisés en France ne peut être de nature à caractériser une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale dès lors que ses enfants, de nationalité congolaise, n'ont pas vocation à rester en France et que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en RDC, pays dans lequel sont nés quatre de ces cinq enfants. Si la requérante se prévaut du suivi médical nécessaire au dernier de ses enfants en raison d'une pathologie orthopédique, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que celui-ci ne puisse bénéficier des soins adéquats dans son pays d'origine. En outre, si Mme C... justifie de son engagement au sein de différentes associations et au sein de l'école de ses enfants et produit diverses attestations à ce titre, ces éléments ne sont pas, à eux seuls, suffisants pour caractériser l'intensité des liens qu'elle aurait noués sur le territoire français, non plus que son insertion dans la société française, dès lors qu'elle ne fait état d'aucune activité professionnelle ou même formation, ni ne justifie de ressources et d'un logement pérenne. Enfin, elle n'établit ni avoir des attaches en France, ni être dépourvue de liens familiaux et personnels dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans, et ne démontre pas qu'elle serait dans l'impossibilité de s'y réinsérer socialement et professionnellement. Dans ces conditions, en édictant les décisions contestées, la préfète de la Gironde n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale et privée une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La préfète n'a pas non plus entaché ces décisions d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de Mme C....
5. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Mme C... fait valoir que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français portent atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, dès lors que ceux-ci ont repris ou débuté leur scolarité en France, qu'ils ont désormais en France tous leurs repères, et que le plus jeune a besoin d'un suivi médical et chirurgical orthopédique.
7. Cependant, comme cela a été dit au point 4, les décisions attaquées n'ont pas pour but ni pour effet de séparer les enfants de leur mère, rien ne s'opposant à ce que la cellule familiale se reconstitue en RDC, alors que les cinq enfants sont tous de nationalité congolaise. La requérante n'établit pas par ailleurs qu'ils ne pourraient y poursuivre leur scolarité ou que le suivi médical de l'un d'eux ne puisse y être assuré. Au demeurant, si la requérante fait valoir qu'en France, elle pourra subvenir aux besoins de ses enfants, il est constant, comme cela a été dit ci-dessus, qu'elle ne fait état d'aucune ressource et d'aucun logement stable, ni d'aucune activité professionnelle ou formation. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut être accueilli.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C... sur ces fondements.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2023.
La rapporteure,
Florence B...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
22BX02405 2