Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... se disant Bridget B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 29 juillet 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou, à défaut, de réexaminer sa demande.
Par un jugement n° 2105025 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2022, Mme A... se disant Bridget B..., représentée par Me Grenier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mai 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 29 juillet 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la compétence du signataire de l'acte n'est pas établie ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu, dès lors qu'elle est mère d'un enfant français, qu'elle contribue à l'éducation et à l'entretien de sa fille depuis sa naissance et que la réalité de la vie commune avec le père de sa fille n'est pas contestée ;
- c'est à tort que la préfète a considéré que son état-civil n'était pas établi ; les discordances résultent d'une simple erreur matérielle ; le titre de séjour " étranger malade " qu'elle avait précédemment obtenu n'avait pas soulevé de question sur l'authenticité de son état-civil ; les premiers juges ont opéré un renversement de la charge de la preuve contraire à l'article 47 du code civil ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu, dès lors qu'elle est mère d'une enfant française née le 25 juillet 2020, et est présente sur le territoire depuis 2012 en ayant occupé différents emplois ;
- l'article 16 de la convention internationale des droits de l'enfant a également été méconnu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la demande de Mme A... se disant Bridget B....
Elle soutient que :
- en l'absence d'éléments ou de moyens nouveaux produits ou soulevés par la requérante, elle confirme les termes de son mémoire de première instance, qui concluait au rejet des moyens qu'elle invoquait.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
-le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... se disant Bridget B..., ressortissante nigériane dont la date de naissance n'est pas établie, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 14 mai 2014 selon ses dires. A la suite du rejet de sa demande d'asile, elle s'est maintenue sur le territoire national malgré une première obligation de quitter le territoire français en date du 10 décembre 2014, une seconde mesure identique du 8 août 2018 assortie d'une interdiction de retour pour une durée de deux ans avec placement en rétention administrative, et une confirmation de ces décisions assortie d'un refus de titre de séjour le 19 février 2020. Le 5 mai 2021, elle a à nouveau sollicité auprès de la préfète de la Gironde un titre de séjour, cette fois en qualité de parent d'une enfant de nationalité française née le 25 juillet 2020. Sa demande a été rejetée le 29 juillet 2021, par la préfète de la Gironde. Mme A... se disant Bridget B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mai 2022 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, Mme A... se disant Bridget B... réitère le moyen tiré d'une incompétence du signataire de la décision attaquée, sans l'étayer et sans apporter aucun élément nouveau. Dans ces conditions, il y a lieu d'adopter le motif pertinemment retenu par les premiers juges au point 2 de leur jugement, par lequel ils ont déjà écarté ce moyen.
3. En deuxième lieu, la requérante réitère également le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté. Comme l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, la décision par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de mettre Mme A... se disant Bridget B... en possession d'un titre de séjour mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; (...) ". L'article L. 811-2 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". En vertu de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes de l'article L. 142-1 du même code : " Afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers : (...) 3° Qui sont en situation irrégulière en France, qui font l'objet d'une décision d'éloignement du territoire français (...) ". L'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015, relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger, prévoit : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".
5. Il résulte des dispositions précitées que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. Pour rejeter la demande de titre de séjour formée par Mme A... se disant Bridget B..., la préfète de la Gironde a considéré que ses documents d'état-civil étaient dépourvus de force probante.
7. Il ressort des pièces du dossier que si Mme A... se disant Bridget B... a produit un acte de naissance délivré au nom de Mme B..., prénom Bridget, née le 10 mai 1992 à Akure, la consultation du fichier Visabio, prévue par l'article L. 142-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, demandée par le service de police judiciaire du ministère de l'intérieur le 22 juin 2021, a permis de constater, par la correspondance des empreintes digitales et la comparaison de la photographie d'identité, que l'intéressée avait obtenu un visa C court séjour auprès des autorités consulaires au Nigéria sous le nom de Mme C..., prénoms Bridget B..., née le 16 mai 1974 à Onitsha. Les autorités consulaires n'ont pas remis en cause l'authenticité du passeport délivré avec cette dernière identité. Si la requérante indique qu'elle a été victime d'un réseau de traite d'êtres humains lors de son arrivée en France, et que les passeurs lui ont confisqué ses documents d'état-civil, elle ne contredit pas utilement l'appréciation portée par la préfète de la Gironde sur son identité par les pièces qu'elle produit, arguant seulement d'une possible erreur matérielle. Par ailleurs, la circonstance que la conformité de ses documents d'état-civil n'ait pas été contestée lors de l'instruction de ses précédentes demandes de titre de séjour est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Dès lors, la préfète de la Gironde pouvait légalement se fonder sur le seul motif tiré de ce que les documents justifiant de l'état-civil de l'intéressée à l'appui de sa demande ne pouvaient être regardés comme faisant foi, pour rejeter sa demande de titre de séjour.
8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 16 de la convention internationale des droits de l'enfant " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ".
9. Mme A... se disant Bridget B... se prévaut de ce qu'elle est mère d'une enfant de nationalité française, née le 25 juillet 2020 de son union stable avec un ressortissant français, ainsi que de sa présence en France depuis 2012 et de sa bonne insertion dans la société française. Elle fait valoir que la décision contestée porte atteinte à sa vie familiale et à l'intérêt supérieur de son enfant, dès lors qu'elle aura pour conséquence soit de déraciner sa fille si elle l'accompagne, soit de la priver celle-ci de sa mère. Cependant, la décision attaquée, qui refuse de lui délivrer un titre de séjour, n'a ni pour objet, ni pour effet, d'obliger la fille de la requérante à vivre dans un pays dont elle n'a pas la nationalité et à être séparée de son père, ni de la séparer de sa mère. Par ailleurs, si Mme A... se disant Bridget B... se prévaut d'avoir occupé différents emplois et d'avoir suivi des cours de langue française, au demeurant sans l'établir, elle ne justifie d'aucune ressource et d'aucune insertion professionnelle. Elle a en outre déclaré que son enfant né en 2008, sa mère et son frère résideraient au Bénin, où elle pourrait donc les rejoindre, alors que la réalité d'une communauté de vie avec M. D..., né en 1963, qui a reconnu son enfant avant sa naissance et se borne à déclarer l'héberger, n'est pas établie. Enfin, il est constant qu'elle a fait l'objet, après que sa demande d'asile a été rejetée, de plusieurs refus de séjour assortis d'obligation de quitter le territoire français les 10 décembre 2014, 8 août 2018 et 19 février 2019 et d'une interdiction de retour de deux ans, auxquels elle n'a jamais déféré. Dans ces conditions, le refus de séjour attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a pas méconnu les stipulations précitées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... se disant Bridget B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
11. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... se disant Bridget B.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... se disant Bridget B... sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... se disant Bridget B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... se disant Bridget B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2023.
La rapporteure,
Florence E...
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
22BX01810 2