La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2023 | FRANCE | N°22BX03118

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 25 mai 2023, 22BX03118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103051 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2022

, M. E..., représenté par Me Massou dit Labaquère, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103051 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2022, M. E..., représenté par Me Massou dit Labaquère, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103051 du tribunal administratif de Pau en date du 26 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de la décision à venir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'une saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L.423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il s'est toujours occupé de son fils ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des article L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- elle emporte des conséquences manifestement disproportionnées sur sa situation personnelle et familiale ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 3°, 4° et 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il vit depuis plus de dix ans en France, si ce n'est vingt, et est père d'un enfant français dont il contribue à l'entretien et à l'éducation ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;

- elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle et familiale et que ses centres d'intérêts privés et familiaux sont en France ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2023, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 novembre 2022 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... E..., ressortissant camerounais né le 12 mars 1982 à Douala, au Cameroun, est entré en France le 22 septembre 1999. Titulaire de différents titres de séjour temporaires depuis 2008 en qualité de travailleur salarié, M. E... a bénéficié depuis 2012 de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en sa qualité de père d'un enfant français. Par un arrêté en date du 3 novembre 2021, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. E..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. E... relève appel du jugement n° 2103051 du 26 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2021.

2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du bulletin n°2 du casier judiciaire du requérant délivré le 13 février 2018, que ce dernier s'est rendu coupable entre 2000 et 2002 des faits d'escroquerie réalisées en bande organisée, d'entrée et de séjour irrégulier en France et de recel de biens provenant d'une escroquerie commise en bande organisée pour lesquels il a été condamné, par arrêt de la cour d'appel de Pau du 22 mars 2007, à une peine d'un an d'emprisonnement et à une peine d'amende. Par jugement du tribunal correctionnel de Pau du 21 septembre 2015, M. E... a été condamné à une peine d'un an et six mois d'emprisonnement pour des faits d'agression sexuelle commis le 13 avril 2014. Par jugement du tribunal correctionnel de Pau du 8 décembre 2010, l'appelant a été condamné à une peine alternative à l'emprisonnement pour des faits de dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui et de violence sans incapacité par conjoint, concubin ou partenaire. Il ressort également des pièces du dossier que l'appelant a été condamné à une peine de 120 heures de travaux d'intérêt général par jugement du tribunal correctionnel de Pau du 13 mars 2001 puis à une peine de deux mois d'emprisonnement pour inexécution d'un travail général par jugement du tribunal correctionnel de Pau du 27 janvier 2003. Par jugement du 13 janvier 2006, le tribunal correctionnel de Tarbes a condamné l'appelant à 70 heures de travaux d'intérêt général pour conduite d'un véhicule sans permis. M. E... est en outre défavorablement connu au fichier de traitement des antécédents judiciaires, où il fait l'objet de plusieurs mentions.

3. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que M. E... est entré en France en 1999, qu'il a bénéficié de titres de séjour en qualité de salarié à partir de 2008 puis au titre de la vie privée et familiale depuis 2012 et que ces titres de séjour ont été délivrés et renouvelés après la commission des faits délictueux et le prononcé de condamnations par le juge pénal. Par ailleurs, si M. E... n'établit pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de son fils D... et de sa fille A... C..., née le 18 janvier 2012 qu'il n'a reconnu que le 14 janvier 2022, postérieurement à l'arrêté attaqué, ces deux enfants sont placés en famille d'accueil respectivement depuis le mois de septembre 2018 et le mois de juin 2018 à la suite de gestes violents et maltraitants de la mère des enfants et M. E... s'est vu octroyer un droit de visite en présence d'un tiers à l'égard A... C... et d'un droit de visite et d'hébergement à l'égard de D... en 2018 à l'instauration du placement, qui a été réduit en droit de visite médiatisé à partir de 2019, alors que les droits de la mère sont réservés. Par ailleurs, il est constant que la mère du requérant, son demi-frère, tous deux de nationalité française, et sa demi-sœur, titulaire d'une carte de résidente longue durée, vivent sur le territoire français et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelant disposerait encore de liens familiaux au Cameroun. En outre, M. E... a exercé des activités professionnelles en France qui lui ont permis d'obtenir des titres de séjour en qualité de salarié à partir du 12 mars 2008 régulièrement renouvelés jusqu'au 11 mars 2012. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, eu égard à la durée du séjour en France du requérant et à la situation de ses deux enfants qui ne peuvent avoir de liens avec la mère, le refus de renouvellement du titre de séjour litigieux procède d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. E.... Les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont, par suite, privées de base légale.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 3 novembre 2021.

5. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. E.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques d'y procéder dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée de 1 200 euros, à verser à Me Massou dit Labaquere en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-64 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2103051 du tribunal administratif de Pau du 26 juillet 2022 et l'arrêté du 3 novembre 2021 du préfet des Pyrénées-Atlantiques sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. E... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Massou dit Labaquere, avocate de M.E...é, une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...é, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet des Pyrénées-Atlantiques et à Me Massou dit Labaquere.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 25 mai 2023.

Le président-rapporteur, La présidente-assesseure,

Jean-Claude Pauziès Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX03118 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX03118
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : MASSOU DIT LABAQUERE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-25;22bx03118 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award