Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 3 août 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2106981 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 10 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Bâ, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 août 2021 de la préfète de la Gironde ;
3°) d'enjoindre à la Préfète de la Gironde de lui délivrer, dans les quinze jours suivant l'arrêt à intervenir, un titre de séjour portant la mention " Vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer son dossier dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer un récépissé portant autorisation de travail le temps du réexamen de la demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis du collège des médecins de l'OFII est irrégulier en l'absence de signatures lisibles de l'ensemble de ses membres ;
- le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance de l'article L. 425-9 en l'absence de possibilité de bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2023 à 12 heures.
Par une décision du 15 septembre 2022, le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,
- et les observations de Me Bâ, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane née le 8 août 1998, déclare être entrée en France le 7 décembre 2017. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 31 mai 2019. Le 15 octobre 2020, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du 3 août 2021, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande. Mme B... fait appel du jugement du 5 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. En l'espèce, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 29 mars 2021, que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a entendu lever le secret médical, souffre de schizophrénie, et de troubles de l'hémostase et elle soutient que son traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine. Elle produit une liste des médicaments disponibles au Nigéria dressée en 2020 par le ministère de la santé de cet État dans laquelle ne figurent pas l'amisulpiride et l'aripirazole qui lui sont prescrites en bithérapie pour traiter sa schizophrénie. Si la préfète fait valoir qu'il n'est pas établi que ces médicaments ne seraient pas substituables par d'autres molécules disponibles dans ce pays, Mme B... produit pour la première fois en appel un certificat médical établi le 16 novembre 2022 par un psychiatre du centre hospitalier Charles Perrens de Bordeaux, qui relate une situation antérieure, et précise que son traitement psychotrope n'est pas disponible au Nigéria et ne peut être substitué en raison de sa mauvaise tolérance à deux précédents traitement. Dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément de preuve contraire, s'agissant notamment des possibilités de substitution par d'autres substances, il n'est pas établi que la stabilité de l'état de santé de l'intéressée pourrait être assurée dans son pays d'origine. Il s'ensuit que Mme B... est fondée à soutenir que la préfète de la Gironde, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'illégalité de la décision de refus de titre de séjour emporte celle des décisions prises le même jour par lesquelles la préfète lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête d'appel, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 août 2021. Ce jugement et cet arrêté doivent donc être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à Mme B..., un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de munir la requérante d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Sur les frais liés au litige :
7. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 3 août 2021 de la préfète de la Gironde sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à Mme B... dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2023.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX02953