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25/05/2023 | FRANCE | N°22BX02025

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 25 mai 2023, 22BX02025


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté

du 28 avril 2022 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile et de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre sous astreinte au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, ou à défaut de réexaminer sa situ

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Par un jugement n° 2201224 du 10 juin 2022, la magistrate désignée par la pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté

du 28 avril 2022 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile et de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre sous astreinte au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, ou à défaut de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2201224 du 10 juin 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 28 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de quinze jours et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme

de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la compétence du signataire :

- l'arrêté est entaché d'incompétence en ce que la délégation de signature porte sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi prises respectivement sur le fondement des dispositions des articles L. 511-1 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'en l'espèce, ces décisions ont été prises sur le fondement des dispositions des articles L. 611-1 et L. 721-3 ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- il est insuffisamment motivé dès lors que l'arrêté ne rejette pas expressément la demande présentée à ce titre, et que l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas visé ;

- contrairement à ce qu'a retenu la première juge, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 n'est pas inopérant ; ce moyen est fondé dès lors qu'à la date de l'arrêté, il justifiait d'une intégration professionnelle d'une durée de deux ans, d'une qualification professionnelle de peintre façadier et d'une promesse d'embauche sous contrat à durée indéterminée, ainsi que d'une insertion sociale caractérisée par deux années de bénévolat dans une association ; ainsi, le refus d'admission exceptionnelle au séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus d'admission exceptionnelle au séjour ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle indique qu'elle ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la région de Kayes dans laquelle il vivait est " fortement déconseillée au regard des risques encourus " par l'administration elle-même.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 15 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité malienne, a déclaré être entré en France

le 1er septembre 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 juillet 2021, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 7 janvier 2022. Par lettre du 3 septembre 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de son emploi et de ses activités de bénévolat. Par un arrêté du 28 avril 2022, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile et de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 10 juin 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort de la rédaction de l'arrêté du 28 avril 2022 qu'alors que M. B... lui avait demandé d'examiner sa demande de titre de séjour " avec bienveillance " en se prévalant de son activité professionnelle, le préfet de la Charente-Maritime s'est estimé saisi au titre de son pouvoir de régularisation exceptionnelle, et non sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles il n'était pas tenu de faire référence dès lors qu'elles n'étaient pas invoquées. Le rejet de cette demande est suffisamment motivé en fait par l'indication que l'intéressé ne justifie ni d'une ancienneté de présence en France, ni d'une activité professionnelles suffisantes.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...). " M. B..., qui n'a pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de ces dispositions, ne peut utilement en invoquer la méconnaissance.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". A la date de la décision contestée, M. B... résidait en France depuis deux ans et demi sous couvert d'autorisations provisoires de séjour en qualité de demandeur d'asile, travaillait en intérim depuis dix-neuf mois, disposait, sous réserve de la régularisation de sa situation, d'une promesse d'embauche en qualité de peintre ravaleur, qualification qu'il avait acquise à l'issue d'une formation organisée par l'association ouvrière des compagnons du devoir et du tour de France, et effectuait du bénévolat auprès d'une association. Eu égard à sa durée de séjour relativement brève et à l'absence de liens personnels autres que de simples relations sociales, ces éléments ne suffisent pas à faire regarder le refus de titre de séjour comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations précitées.

Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays

de renvoi :

En ce qui concerne la compétence du signataire :

5. Par un arrêté du 11 mai 2020, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Charente-Maritime a donné délégation à M. Pierre Molager, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, actes, correspondances et documents, ce qui inclut toutes les décisions prises sur le fondement des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. D... pour prendre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sur le fondement des nouvelles dispositions des articles L. 611-1 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

7. M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

8. La décision, qui fait référence aux décisions de l'OFPRA et de la CNDA ayant rejeté la demande d'asile de M. B... et indique qu'elle ne contrevient pas aux stipulations

de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est suffisamment motivée.

9. Aux termes de l'article de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. " Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " En se bornant à faire valoir que la région de Kayes dans laquelle il vivait est " fortement déconseillée au regard des risques encourus " par le ministère des affaires étrangères, M. B..., qui ne se prévaut d'aucun risque personnel en cas de retour au Mali, ne démontre pas y être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur

et des outre-mer. Une copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Anne Meyer, présidente, rapporteure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.

La première assesseure,

Florence Rey-Gabriac

La présidente, rapporteure

Anne C...Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02025
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-25;22bx02025 ?
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