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25/05/2023 | FRANCE | N°22BX01241

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 25 mai 2023, 22BX01241


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Aquitaine Aménageurs a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 2 mars 2020 par laquelle le conseil municipal de Salleboeuf a approuvé la révision du plan local d'urbanisme communal.

Par un jugement n° 2002498 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 2 mai 2022, le 16 janvier 2023 et le 6 avril 20

23, la SAS Aquitaine Aménageurs, représentée par Me Manetti, demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Aquitaine Aménageurs a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 2 mars 2020 par laquelle le conseil municipal de Salleboeuf a approuvé la révision du plan local d'urbanisme communal.

Par un jugement n° 2002498 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 2 mai 2022, le 16 janvier 2023 et le 6 avril 2023, la SAS Aquitaine Aménageurs, représentée par Me Manetti, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mars 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Sallebœuf du 2 mars 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sallebœuf la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur son moyen tiré de ce que les modifications opérées après l'enquête publique portaient atteinte à l'économie générale du plan local d'urbanisme ;

- le tribunal administratif a commis une erreur matérielle dès lors que les parcelles classées section AL n° 155, 255, 475 et 477 n'existent pas ;

- le tribunal administratif a commis une erreur en estimant que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation concernant le classement en zone N de certaines parcelles était soulevé concernant la parcelle cadastrée section AL n° 228 ; cette erreur a eu une influence sur le sens du jugement attaqué ;

- la convocation des conseillers municipaux est irrégulière ; en effet, les pièces du dossier n'indiquent pas que les conseillers municipaux ont été régulièrement convoqués aux délibérations prescrivant la révision du plan local d'urbanisme, donnant acte du débat sur le plan d'aménagement et de développement durables, arrêtant le projet de plan local d'urbanisme et approuvant la révision de ce plan ;

- rien n'indique que la délibération du 7 mai 2018 a fait l'objet d'une publication dans un journal diffusé dans le département ;

- le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier dès lors que le plan d'aménagement et de développement durables fixe un objectif de consommation des espaces naturel nécessaire à la construction de logement de 6 hectares tandis que le rapport de présentation énonce un objectif de seulement 1 hectare ;

- le rapport de présentation ne précise pas la méthode d'évaluation des besoins liés à la création de logement ; l'objectif de consommation de l'espace d'un hectare énoncé dans le rapport de présentation n'est pas concrètement justifié ; il existe une incohérence entre les objectifs fixés par le plan d'aménagement et de développement durables et ceux du rapport de présentation ;

- l'avis du commissaire-enquêteur est insuffisant ; la commune de Sallebœuf aurait dû mettre en œuvre la possibilité offerte par l'article R. 123-30 du code de l'environnement et demander au commissaire-enquêteur de compléter ses conclusions ;

- cette délibération méconnaît l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme dès lors que le classement des parcelles lui appartenant en zone N ne procède pas de l'enquête publique, les avis des personnes publiques associées préconisant seulement un complément au rapport de présentation ; par ailleurs, les modifications opérées après l'enquête publique portent atteinte à l'économie générale du plan local d'urbanisme ; en effet, ces modifications ont entraîné une diminution de la moitié de la surface des zones à urbaniser, une diminution de la surface des zones urbanisées, une diminution de la zone agricole et une augmentation de la zone naturelle ; la délibération prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme avait pour objectif d'ouvrir à l'urbanisation la partie du secteur Gesseaume classée en zone 2 AU de l'ancien plan ;

- le conseil municipal de Sallebœuf a méconnu sa propre compétence ; la commune n'avait jamais envisagé le classement d'une partie du secteur de Gesseaume en zone N et s'est crue liée par l'avis de l'État et de la mission régionale d'autorité environnementale ;

- les modalités de la concertation définies par le conseil municipal n'ont pas été respectées ; la délibération prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme et fixant les modalités de concertation avec le public n'a pas été affichée ; ni l'élaboration du bilan de la concertation ni la réalisation d'une exposition évolutive en mairie n'ont été réalisées ; les permanences en mairie se sont seulement déroulées le mardi après-midi ; il n'est pas possible de vérifier que les modalités relatives à l'organisation de réunions publiques ont été respectées ;

- l'évaluation environnementale est insuffisante au regard de l'incidence du projet de plan local d'urbanisme sur les zones Natura 2000 ; par ailleurs, elle n'aborde pas la thématique des zones humides ; elle ne comporte pas d'analyse sur l'intérêt potentiel des STECAL et des secteurs ouverts à l'urbanisation pour les espèces protégées ; elle est insuffisante sur la prise en compte du risque d'inondation sur la commune ;

- le plan local d'urbanisme est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale dès lors que ses parcelles ne sont pas désignées comme faisant partie des espaces naturels et forestiers à protéger, mais sont au contraire intégrées dans l'enveloppe urbaine de la commune ;

- le classement des parcelles cadastrées section AL n° 118, 119 et 288 en zone N est incohérent avec les objectifs initialement fixés dans la délibération prescrivant le plan local d'urbanisme ;

- le classement des parcelles cadastrées section AL n° 118 et 119 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; elles ne présentent aucune qualité particulière nécessitant leur protection d'un point de vue esthétique, historique ou écologique, ne font l'objet d'aucune exploitation forestière et ne peuvent être qualifiées d'espaces naturels ; un classement en zone 1 AU était en revanche indiqué.

Par des mémoires en défense enregistrés le 14 novembre 2022 et le 20 février 2023, la commune de Sallebœuf, représentée par Me Boissy, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la SAS Aquitaine Aménageurs une somme 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la SAS Aquitaine Aménageurs ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Charlotte Isoard,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Gournay, représentant la SAS Aquitaine Aménageurs, et les observations de Me Dubois, représentant la commune de Sallebœuf.

Une note en délibéré présentée pour la SAS Aquitaine Aménageurs, par Me Manetti, a été enregistrée le 5 mai 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 2 mars 2020, le conseil municipal de Salleboeuf a approuvé la révision du plan local d'urbanisme communal. La SAS Aquitaine Aménageurs relève appel du jugement du 3 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande, la SAS Aquitaine Aménageurs soutenait notamment que l'ensemble des modifications opérées après l'enquête publique portait atteinte à l'économie générale du plan local d'urbanisme. Le tribunal, qui a écarté ce moyen au regard seulement des changements concernant les parcelles cadastrées AL n° 118, 119 et 228, ne s'est pas prononcé sur le moyen tel que soulevé par la SAS Aquitaine Aménageurs. Par suite, son jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SAS Aquitaine Aménageurs devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur la légalité de la délibération du 2 mars 2020 :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est transmise de manière dématérialisée ou, si les conseillers municipaux en font la demande, adressée par écrit à leur domicile ou à une autre adresse ". Et aux termes de l'article L. 2121-11 de ce code : " Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion (...) ".

5. Tout d'abord, en ce qui concerne la délibération attaquée du 2 mars 2020, les mentions de cette délibération, lesquelles font foi jusqu'à la preuve du contraire, indiquent que les conseillers municipaux ont été convoqués le 25 février 2020, ainsi qu'en atteste d'ailleurs une des convocations adressées à l'un de ces conseillers et versée au dossier en date du 25 février 2020. Dès lors que la SAS Aquitaine Aménageurs n'apporte aucun élément circonstancié de nature à remettre en cause ces mentions, le moyen tiré de ce que le conseil municipal n'aurait pas été convoqué dans les délais prévus par les dispositions de l'article L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales citées ci-dessus doit être écarté.

6. Ensuite, le moyen tiré de l'illégalité de la délibération prescrivant l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme qui porte sur les objectifs, au moins dans leurs grandes lignes, poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme, ainsi que sur les modalités de la concertation avec les habitants et les associations locales ne peut, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoqué contre la délibération approuvant le plan local d'urbanisme.

7. Il en résulte que, d'une part, le moyen tiré de ce que la mention de l'affichage de la délibération du 7 mai 2018 prescrivant la révision du plan local d'urbanisme n'aurait pas été insérée dans un journal diffusé dans le département en méconnaissance de l'article R. 153-21 du code de l'urbanisme est inopérant.

8. D'autre part, à supposer que la convocation des conseillers municipaux à la réunion ayant donné lieu à la délibération du 7 mai 2018 n'ait pas été régulière, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la délibération qui approuve le plan local d'urbanisme. Il en est de même en ce qui concerne la délibération du 1er avril 2019 donnant acte du débat sur le plan d'aménagement et de développement durables et celle du 8 juillet 2019 arrêtant le projet de plan local d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des conseillers municipaux aux réunions portant sur ces délibérations doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 104-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation des documents d'urbanisme mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 : 1° Décrit et évalue les incidences notables que peut avoir le document sur l'environnement ; / 2° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, dans la mesure du possible, compenser ces incidences négatives ; / 3° Expose les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l'environnement, parmi les partis d'aménagement envisagés, le projet a été retenu ". Et aux termes de l'article R. 151-3 de ce code : " Au titre de l'évaluation environnementale, le rapport de présentation : (...) 2° Analyse l'état initial de l'environnement et les perspectives de son évolution en exposant, notamment, les caractéristiques des zones susceptibles d'être touchées de manière notable par la mise en œuvre du plan ; / 3° Analyse les incidences notables probables de la mise en œuvre du plan sur l'environnement, notamment, s'il y a lieu, sur la santé humaine, la population, la diversité biologique, la faune, la flore, les sols, les eaux, l'air, le bruit, le climat, le patrimoine culturel architectural et archéologique et les paysages et les interactions entre ces facteurs, et expose les problèmes posés par l'adoption du plan sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement, en particulier l'évaluation des incidences Natura 2000 mentionnée à l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; / (...) / 5° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser, s'il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l'environnement ; (...) ".

10. Tout d'abord, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme de Sallebœuf comprend, dans le chapitre consacré aux incidences du projet sur son environnement, une partie consacrée aux incidences prévisibles et mesures envisagées concernant le secteur Natura 2000, conformément aux dispositions de l'article R. 151-3 du code de l'urbanisme citées ci-dessus. Cette section contient d'ailleurs une sous-partie relative aux incidences potentielles sur les chiroptères, lesquelles sont analysées pour les secteurs 1AU de " Gesseaume " et 1AUy de " Plantey-Sud ". Si les requérants font valoir qu'il n'existe pas d'évaluation des impacts potentiels pour les chauves-souris dans les secteurs de taille et de capacité d'accueil limités, ils ne versent au dossier aucun élément attestant de la présence d'espèces protégées dans ces secteurs. Ensuite, le rapport de présentation comporte également une partie concernant les incidences du plan local d'urbanisme sur l'hydrographie et les zones humides, contrairement à ce que soutient la société, qui se borne à citer l'avis de l'État sur ce point sans apporter de précision sur l'étendue des insuffisances qui affecteraient l'évaluation. Enfin, la requérante se borne à soutenir que l'évaluation environnementale est insuffisante sur la prise en compte du risque d'inondation en rappelant l'avis de l'État émis sur ce point, sans toutefois préciser quels éléments n'auraient pas été pris en compte, ni les incidences des lacunes alléguées sur le document approuvé. Par suite, le moyen tiré des insuffisances que présenterait l'évaluation environnementale doit être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme : " Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : 1° Les procédures suivantes : a) L'élaboration et la révision du schéma de cohérence territoriale et du plan local d'urbanisme ; (...) ". Aux termes de l'article L. 103-3 du même code : " Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont précisés par : (...) 3° L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public (...) ". Et aux termes de l'article L. 103-4 du même code : " Les modalités de la concertation permettent, pendant une durée suffisante et selon des moyens adaptés au regard de l'importance et des caractéristiques du projet, au public d'accéder aux informations relatives au projet et aux avis requis par les dispositions législatives ou réglementaires applicables et de formuler des observations et propositions qui sont enregistrées et conservées par l'autorité compétente ".

12. La délibération du 7 mai 2018 prescrivant la révision du plan local d'urbanisme a défini les modalités de la concertation, qui comprenaient l'affichage de cette délibération, la diffusion d'articles dans la presse locale et le bulletin municipal, ainsi que des publications sur le site de la commune, la tenue de réunions publiques, la réalisation d'une exposition évolutive pouvant être affichée en mairie, et l'affichage en mairie des différentes étapes de l'élaboration du plan local d'urbanisme. Elle prévoyait également l'organisation de permanences d'élus les mardis et vendredis après-midis, la mise à disposition du public d'un registre destiné aux observations, ainsi que la possibilité d'écrire au maire. Il ressort du bilan de la concertation établi le 8 juillet 2019 que trois réunions publiques ont été organisées en mairie le 12 octobre 2018, 4 mars 2019 et le 23 mai 2019, dont une visant spécifiquement les agriculteurs, que des communications et des articles ont été diffusés dans le bulletin municipal et dans le quotidien " Sud-Ouest ", qu'il était possible de télécharger différents documents relatifs à la procédure de révision du plan local d'urbanisme sur le site Internet de la commune, que des élus ont assuré la tenue de rendez-vous en mairie, et que des renseignements étaient également accessibles au public lors des permanences des mardis après-midi, qu'un registre a été mis à la disposition du public, et qu'outre les affichages en mairie, des informations ont été délivrées par téléphone, par courriel ou directement en mairie. Contrairement à ce que soutient la requérante, ce bilan n'indique pas que les permanences des élus ne se seraient pas tenues les vendredis, mais mentionne qu'outre les créneaux prévus, le public pouvait se renseigner au cours des permanences sur les plages des mardis après-midi. En outre, le lieu des réunions publiques, à savoir la mairie, y est clairement mentionné, et la seule circonstance que le nombre de participants n'est pas précisé est sans incidence sur la régularité de la procédure de concertation. De plus, l'attestation du 9 novembre 2020 de l'ancien maire de Sallebœuf témoigne de la réalisation d'une exposition des plans en mairie à l'issue de la réunion publique sur le plan d'aménagement et de développement durables du 4 mars 2019, corroborant ainsi les mentions du bilan de la concertation concernant les affichages faits en mairie. Enfin, si les éléments au dossier ne permettent pas de tenir pour établi l'affichage de la délibération du 7 mai 2018, le public n'a pas été privé d'une garantie au regard des autres modalités de concertation effectivement mises en œuvre. Par suite, le moyen tiré de ce que les modalités de la concertation n'auraient pas été respectées doit être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies (...). Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ".

14. Alors que le commissaire-enquêteur n'est pas tenu de répondre dans son rapport à chacune des observations présentées lors de l'enquête, en l'espèce, la commissaire-enquêtrice a analysé dans son rapport les observations concernant le zonage de parcelles en zone 1AUd, dont celles de la société concernant le secteur " Gesseaume ". Après avoir repris divers éléments d'appréciation relatifs à ce secteur, elle a rapidement examiné les implications d'un tel zonage et en a conclu qu'elle émettait un avis défavorable au maintien de la totalité de la superficie en zone 1AU, notamment pour prendre en compte les avis des personnes publiques associées. Cette commissaire a par ailleurs formulé des conclusions sur l'ensemble du projet de plan local d'urbanisme et a émis un avis, qui doit être regardé comme étant personnel et motivé, sur le projet de révision de la commune de Salleboeuf le 11 février 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement doit être écarté.

15. Enfin, aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : (...) 2° Le conseil municipal dans le cas prévu au 2° de l'article L. 153-8 ". Il résulte de ces dispositions que le projet de plan local d'urbanisme ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire-enquêteur ou de la commission d'enquête publique, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.

16. D'une part, il ressort des pièces du dossier que tant l'avis de l'État, émis le 10 octobre 2019, que l'avis de la mission d'autorité environnementale de Nouvelle-Aquitaine préconisaient, pour l'un, de " reconsidérer " les zones 1 AU envisagées, et pour l'autre, de supprimer les zonages 1AUa et 1AUd, lesquels concernaient notamment les parcelles cadastrées section AL n° 118, 119 et 228 appartenant à la SAS Aquitaine Aménageurs, au regard des enjeux représentés par l'alimentation en eau potable et de la circonstance que les besoins de logements de la commune pouvaient être couverts au sein du tissu urbain existant. Ainsi, la modification de zonage des parcelles cadastrées section AL n° 118, 119 et 228 doit être regardée comme procédant de l'enquête publique dès lors qu'elle avait pour objet de tenir compte de ces avis, lesquels ne recommandaient pas de simples compléments d'information en vue de justifier le parti d'urbanisation retenu, contrairement à ce que soutient la SAS Aquitaine Aménageurs.

17. D'autre part, les modifications apportées au projet à l'issue de l'enquête publique ont eu pour effet de réduire de 11,3 à 6,3 hectares la surface de la zone à urbaniser de la commune, de 141,1 à 138,7 hectares la surface de la zone urbanisée, et de 708,9 à 706 hectares la surface de zone agricole, tandis que la surface de la zone naturelle a été portée de 616,3 à 626,6 hectares. Si la requérante fait valoir que ces changements aboutissent à une diminution de 43 % de la surface destinée à la zone AU, il ressort des pièces du dossier qu'ils ne concernent, pour cette zone, que 0,33 % du territoire de la commune de Sallebœuf. Par ailleurs, les autres modifications ne conduisent qu'à une diminution de surface de 1,7 % en ce qui concerne la zone U, de 0,4 % en ce qui concerne la zone A et à une augmentation de 1,6 % s'agissant de la zone N. En outre, à supposer même que la délibération prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme, en désignant les parcelles cadastrées section AL n° 155, 255, 475 et 477 qu'elle prévoyait de classer en zone 1AU, aurait en réalité visé les parcelles de la SAS Aquitaine Aménageurs, ces parcelles présentent une faible superficie au regard du territoire de la commune. Ainsi, ni les modifications générales apportées au plan local d'urbanisme à l'issue de l'enquête publique, ni celles visant spécifiquement les parcelles cadastrées section AL n° 118, 119 et 228, n'étaient de nature à porter atteinte à l'économie générale du projet.

En ce qui concerne la légalité interne :

18. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la SAS Aquitaine Aménageurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil municipal de Sallebœuf se serait estimé lié par les avis émis par l'État et la mission régionale d'autorité environnementale de Nouvelle-Aquitaine en ce qui concerne le classement en zone N des parcelles lui appartenant, alors même qu'il était envisagé de les classer en zone 1AUd avant l'enquête publique. Au demeurant, si ces avis préconisaient de limiter la surface de la zone AU au regard notamment des ressources en eau potable de la commune, il ne se prononçaient pas sur un zonage particulier des parcelles en cause. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le conseil municipal doit être écarté.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement (...). Il justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain compris dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard des objectifs de consommation de l'espace fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale et au regard des dynamiques économiques et démographiques. (...) ". Aux termes de l'article L. 151-5 du même code : " Le projet d'aménagement et de développement durables (...) fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. / Il ne peut prévoir l'ouverture à l'urbanisation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers que s'il est justifié, au moyen d'une étude de densification des zones déjà urbanisées, que la capacité d'aménager et de construire est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés ".

20. S'il est vrai que le plan d'aménagement et de développement durables fixe la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers à environ " 6 ha ", tandis que le rapport de présentation indique quant à lui une consommation, pour ces espaces, d'un hectare nécessaire à la construction de logements, le chiffre indiqué dans le plan d'aménagement et de développement durables relève nécessairement d'une erreur de plume dès lors que l'objectif d'un hectare est repris plusieurs fois dans le rapport de présentation, qui explique les motifs justifiant cet objectif. En effet, ce document indique qu'une hypothèse de croissance démographique intermédiaire avec un taux moyen de croissance annuelle de 0,4 % est retenu pour le projet, expose les chiffres qui ont fondé les projections de croissance à horizon 2028, et mentionne que le choix retenu est maîtrisable et compatible avec la capacité des équipements communaux existants. Il fait état du bilan de la consommation des sols ainsi que des projections futures, tout en soulignant qu'il existe encore un potentiel important de densification dans les zones urbanisées, qui est à privilégier dans un objectif de modération de consommation de l'espace. Contrairement à ce que soutient la requérante, l'ensemble de ces éléments, qui s'appuient sur des données objectives, permet de justifier l'objectif de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d'un hectare fixé par la commune. Cette justification ressort également dans la partie du rapport concernant la compatibilité du plan local d'urbanisme avec l'objectif de rationalisation de l'occupation des sols défini par le schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine bordelaise, qui indique que la production de logements se fera, en termes de surface, en extension sur un hectare, et pour le reste en densification au sein de l'enveloppe urbaine. En outre, le rapport de présentation explique également la consommation de 3,7 hectares d'espaces naturels, agricoles et forestiers mentionnés dans le plan d'aménagement et de développement durables et consacrés à l'accueil d'activités, notamment pour l'implantation d'une zone d'activité dans le secteur " Plantey-Sud " afin de renforcer l'attractivité économique de l'Entre-deux-Mers, et justifie le maintien de la zone UE. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les objectifs de consommation de l'espace doivent être regardés comme suffisamment justifiés par le rapport de présentation. A cet égard, la SAS Aquitaine Aménageurs ne saurait se prévaloir de l'avis de l'État du 10 octobre 2019, lequel se prononçait sur des insuffisances relevées dans une version antérieure du rapport de présentation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme et de l'incohérence entre le plan d'aménagement et de développement durables et le rapport de présentation doit être écarté.

21. En troisième lieu, la délibération du conseil municipal de Sallebœuf du 7 mai 2018 prescrivant la révision du plan local d'urbanisme indique, après avoir fait état des objectifs poursuivis, que la révision de ce document est approuvée notamment en vue de modifier le zonage de certaines parcelles situées dans le lotissement " le Vallon de Gesseaume " de 2AU à 1AU. Contrairement à ce que soutient la requérante, rien n'empêchait la commune d'amender les objectifs tels que définis par la délibération du 7 mai 2018, et en particulier ceux concernant le zonage de certaines parcelles, au cours de la procédure de révision, laquelle a justement pour objet de permettre l'évolution et l'adaptation des changements envisagés. Au demeurant, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section AL n° 118, 119 et 228 font partie du lotissement " vallon de Gesseaume " visé par la délibération du 7 mai 2018. A cet égard, si la requérante fait valoir que les parcelles cadastrées section AL n° 155, 255, 475 et 477 citées dans ladite délibération n'existent en réalité pas, aucun élément au dossier ne permet de tenir pour établi que le conseil municipal aurait entendu évoquer les parcelles appartenant à la SAS Aquitaine Aménageurs. Par suite, le moyen tiré de ce que le classement des parcelles de cette société en zone N est incohérent avec les objectifs fixés par la délibération du 7 mai 2018 doit être écarté.

22. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 (...) ". Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

23. La seule circonstance que le schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine bordelaise n'identifie pas dans les plans qui y sont joints, lesquels ne sont au demeurant pas parcellaires, les parcelles cadastrées n° 118, 119 et 228 appartenant à la SAS Aquitaine Aménageurs comme relevant d'un espace agricole, naturel et forestier ne saurait révéler une incompatibilité entre ce document et le classement de ces parcelles en zone naturelle. Par suite, ce moyen doit être écarté.

24. Enfin, aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. A cet effet, ils peuvent être amenés à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés par les dispositions de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation.

25. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section AL n° 118 et n° 119 appartenant à la SAS Aquitaine Aménageurs sont vierges de toute construction, tandis que la parcelle AL n° 119 présenté un caractère boisé dans sa partie sud. Si des constructions sont situées au nord et à l'ouest de la parcelle AL n° 118, les deux parcelles en question s'ouvrent à l'est sur de vastes espaces agricoles ou boisés dépourvus de constructions, et sont bordées au sud par un espace boisé classé. La circonstance qu'elles présenteraient, en ce qui concerne la parcelle cadastrée section AL n° 118 et le nord de la parcelle cadastrée section AL n° 119, l'aspect d'un pré entretenu par l'homme n'est pas de nature à leur retirer le caractère d'espace naturel, contrairement à ce que soutient la société. Le classement en zone naturelle de ces parcelles répond par ailleurs aux objectifs du plan d'aménagement et de développement durables, lequel reflète le parti pris d'aménagement adopté par les auteurs du plan local d'urbanisme, de contenir le développement de l'habitat dans les enveloppes urbaines existantes, d'assurer ce développement en préservant les plateaux boisés et agricoles pour éviter toute fragmentation nouvelle des milieux, d'en maîtriser les impacts en favorisant une bonne gestion des ressources et de mettre en place des zones tampon entre les zones agricoles et urbaines. Au regard de ces éléments ainsi que des caractéristiques des parcelles, le conseil municipal de Sallebœuf n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en classant les parcelles dont il s'agit en zone naturelle. Par suite, ce moyen doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Aquitaine Aménageurs n'est pas fondée à demander l'annulation de la délibération du conseil municipal de Salleboeuf du 2 mars 2020 attaquée.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Salleboeuf, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel du litige, la somme que la SAS Aquitaine Aménageurs demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Aquitaine Aménageurs une somme 1 500 euros à verser à la commune de Salleboeuf, en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mars 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SAS Aquitaine Aménageurs devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.

Article 3 : La SAS Aquitaine Aménageurs versera à la commune de Salleboeuf une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Aquitaine Aménageurs et à la commune de Sallebœuf.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX01241 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01241
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-25;22bx01241 ?
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