Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2019 par lequel le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a refusé de lui délivrer un agrément pour l'accueil à son domicile de personnes âgées ou adultes handicapés, ainsi que la décision du 22 avril 2020 de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, de condamner la collectivité territoriale de Martinique à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis.
Par un jugement n° 2000413 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 juin 2021 et le 5 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Vigreux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 avril 2021 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2019, ainsi que de la décision du 22 avril 2020 de rejet de son recours gracieux ;
2°) d'annuler l'arrêté du président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique du 23 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre à la collectivité territoriale de Martinique de lui délivrer une attestation selon laquelle elle dispose d'un agrément tacite en tant qu'accueillante familiale depuis le mois de janvier 2018 dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Martinique la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle bénéficiait d'un agrément tacite à l'issue d'un délai de quatre mois à la suite de sa demande d'agrément du 6 septembre 2017, qui a été retiré par une décision du président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique du 8 février 2018, notifiée au mois d'octobre 2018 ; à la suite de son recours gracieux, l'arrêté du 23 octobre 2019 est intervenu et a nécessairement dans un premier temps, retiré la décision du 8 février 2018, ce qui a rendu son agrément tacite de nouveau valide, et dans un second temps, retiré cet agrément ; ainsi, l'arrêté du 23 octobre 2019 procède de manière illégale au retrait de l'agrément tacite dont elle bénéficiait à la suite de sa demande initiale du 6 septembre 2017 ;
- le tribunal administratif de la Martinique n'a pas répondu à son moyen sur le retrait illégal, par l'arrêté du 23 octobre 2019, de l'agrément tacite dont elle bénéficiait ;
- l'arrêté en litige méconnaît l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cet arrêté se fonde sur un motif illégal, qui ne fait pas partie de ceux énoncés par l'article R. 444-1 du code de l'action sociale et des familles et pour lesquels la délivrance d'un agrément peut être refusée ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors que le président du conseil exécutif de la collectivité de Martinique ne pouvait lui opposer une surface des chambres à coucher inférieure à 9 mètres carrés ;
- l'absence de formation initiale ne pouvait lui être reprochée dès lors que la collectivité ne lui a jamais proposé une telle formation ; elle a d'ailleurs reçu une appréciation très positive des contrôleurs venus la rencontrer.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2022, la collectivité territoriale de Martinique, représentée par Me Corbier-Labasse, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens de Mme B... ne sont pas fondés ;
- l'arrêté du 23 octobre 2019 aurait pu être fondé sur la méconnaissance des articles L. 411-1 et R. 411-1 du code de l'action sociale et des familles dès lors que Mme B... accueillait déjà trois personnes, dont elle n'assurait pas directement et personnellement l'accueil, sans bénéficier d'un agrément lors des contrôles effectués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret du 30 janvier 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Charlotte Isoard,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- et les observations de Me Corbier-Labasse, représentant la collectivité territoriale de Martinique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une première décision du 8 février 2018, notifiée le 10 octobre 2018, le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a refusé de délivrer à Mme B... un agrément pour l'accueil à son domicile de personnes âgées ou handicapées en vue d'exercer l'activité d'accueillante familiale. A la suite d'un courrier de Mme B... du 15 décembre 2018, le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a de nouveau, par un arrêté du 23 octobre 2019, refusé de lui délivrer un agrément en tant qu'accueillante familiale. Mme B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2019, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 22 avril 2020 et de condamner la collectivité territoriale de Martinique à lui verser 5 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis. Elle relève appel du jugement de ce tribunal du 12 avril 2021 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2019, ainsi que de la décision du 22 avril 2020 de rejet de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte des motifs exposés au point 6 du jugement attaqué que le tribunal administratif a considéré qu'à la date de l'arrêté en litige, Mme B... n'était titulaire d'aucun agrément tacite en tant qu'accueillante familiale. En statuant ainsi, il a nécessairement répondu au moyen soulevé par l'intéressée tiré de ce que l'arrêté du 23 octobre 2019 avait illégalement retiré l'agrément tacite dont elle s'estimait titulaire. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 octobre 2019 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles : " Pour accueillir habituellement à son domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées adultes n'appartenant pas à sa famille jusqu'au quatrième degré inclus et, s'agissant des personnes handicapées adultes, ne relevant pas des dispositions de l'article L. 344-1, une personne ou un couple doit, au préalable, faire l'objet d'un agrément, renouvelable, par le président du conseil départemental de son département de résidence qui en instruit la demande. / La personne ou le couple agréé est dénommé accueillant familial. / L'agrément ne peut être accordé que si les conditions d'accueil garantissent la continuité de celui-ci, la protection de la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies, si les accueillants se sont engagés à suivre une formation initiale et continue et une initiation aux gestes de secourisme organisées par le président du conseil départemental et si un suivi social et médico-social des personnes accueillies peut être assuré (...) ". Et aux termes de l'article R. 441-4 du même code : " La décision du président du conseil départemental est notifiée dans un délai de quatre mois à compter de la date d'accusé de réception du dossier complet. A défaut de notification d'une décision dans ce délai, l'agrément est réputé acquis (...) ".
4. Mme B... a déposé une demande d'agrément qui a été reçue par la collectivité territoriale de Martinique le 6 novembre 2017. Si le président du conseil exécutif de la collectivité de Martinique a pris une décision de refus d'agrément le 8 février 2018, il ressort des pièces du dossier que cette décision n'a été notifiée à Mme B... que le 10 octobre 2018. Ainsi, aucune décision de refus n'ayant été notifiée dans un délai de quatre mois, l'agrément était réputé acquis à son bénéfice à compter du 6 mars 2018 en application des dispositions de l'article R. 441-4 du code de l'action sociale et des familles citées ci-dessus. Par conséquent, la décision du 8 février 2018, notifiée le 10 octobre 2018, a eu pour effet de retirer l'agrément tacite obtenu par la requérante.
5. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les services de la collectivité territoriale de Martinique ont procédé à une nouvelle instruction de la demande d'agrément de Mme B..., après réception de son courrier du 15 décembre 2018, par lequel elle demandait " d'instruire [son] dossier " déposé le 7 février 2018. A l'issue de cet examen, le président du conseil exécutif a de nouveau, par l'arrêté du 23 octobre 2019, refusé de délivrer à la requérante l'agrément d'accueillante familiale. Cet arrêté constitue un refus opposé à une nouvelle demande d'agrément, et ne peut être regardé comme ayant retiré la décision du 8 février 2018, contrairement à ce que soutient Mme B.... A cet égard, la circonstance que le courrier du 15 décembre 2018 ait été intitulé " recours gracieux " est sans incidence sur la nature de la décision prise à la suite de ce courrier, l'intéressée ayant sollicité l'instruction d'un dossier déposé postérieurement à sa première demande reçue le 6 novembre 2017, et la demande de Mme B... ayant fait l'objet d'une nouvelle instruction. Ainsi, ce courrier ne peut, au regard de son contenu, être regardé comme un recours gracieux à l'encontre de la décision du 8 février 2018 notifiée le 10 octobre suivant. Par suite, dès lors que la requérante n'était titulaire d'aucun agrément tacite à la date à laquelle l'arrêté du 23 octobre 2019 est intervenu, le moyen tiré de ce que cet arrêté procède illégalement au retrait de l'agrément tacite dont cette dernière bénéficierait doit être écarté.
6. En deuxième lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité qui affecterait la décision du 8 février 2018, laquelle est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de ce que le motif de refus opposé dans la décision du 8 février 2018 est illégal doit être écarté comme inopérant.
7. Enfin, le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a refusé de délivrer à Mme B... un agrément pour l'accueil de personnes âgées ou handicapées aux motifs que les caractéristiques de son logement ne répondaient pas aux normes réglementaires, notamment en termes de surface et d'ouverture des chambres, et qu'elle avait commencé à exercer l'activité d'accueillante familiale sans respect des règles préalables au premier accueil.
8. Aux termes de l'article R. 441-1 du code de l'action sociale et des familles : " Pour obtenir l'agrément mentionné à l'article L. 441-1 du présent code, la personne ou le couple proposant un accueil à son domicile, à titre habituel et onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes doit : 1° Justifier de conditions d'accueil permettant d'assurer la santé, la sécurité, le bien-être physique et moral des personnes accueillies ; / 2° S'engager à ce que l'accueil soit assuré de façon continue, en proposant notamment, dans le contrat mentionné à l'article L. 442-1, des solutions de remplacement satisfaisantes durant des périodes d'absence ; / 3° Disposer d'un logement dont l'état, les dimensions et l'environnement répondent aux normes fixées par les articles R. 822-24 et R. 822-25 du code de la construction et de l'habitation et soient compatibles avec les contraintes liées à l'âge ou au handicap des personnes accueillies ; / 4° S'engager à suivre la formation initiale et continue et l'initiation aux gestes de secourisme prévues à l'article L. 441-1 ;/ 5° Accepter qu'un suivi social et médico-social des personnes accueillies puisse être assuré, notamment au moyen de visites sur place ".
9. D'une part, aux termes de l'article R. 822-24 du code de la construction et de l'habitation : " Le logement au titre duquel le droit à l'aide personnelle au logement est ouvert doit répondre aux caractéristiques de décence définies par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent ". Aux termes l'article 2 du décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, dans sa version alors applicable : " Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires : (...)7. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l'article R.111-1-1 du code de la construction et de l'habitation, bénéficient d'un éclairement naturel suffisant et d'un ouvrant donnant à l'air libre ou sur un volume vitré donnant à l'air libre ". Selon l'article R. 111-1-1 du code de la construction et de l'habitation alors en vigueur : " (...) Un logement ou habitation comprend, d'une part, des pièces principales destinées au séjour ou au sommeil, éventuellement des chambres isolées et, d'autre part, des pièces de service, telles que cuisines, salles d'eau, cabinets d'aisance, buanderies, débarras, séchoirs, ainsi que, le cas échéant, des dégagements et des dépendances ". Et aux termes de l'article 4 du décret du 30 janvier 2002 : " Le logement dispose au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes(...)".
10. D'autre part, aux termes de l'article R. 822-25 du code de la construction et de l'habitation : " Le logement au titre duquel le droit à l'aide personnelle au logement est ouvert doit présenter une surface habitable globale au moins égale à neuf mètres carrés pour une personne seule, seize mètres carrés pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de neuf mètres carrés par personne en plus, dans la limite de soixante-dix mètres carrés pour huit personnes et plus ".
11. Il résulte de ces dispositions qu'une pièce destinée au sommeil est une pièce principale au sens des dispositions du code de la construction et de l'habitation et du décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent. Les chambres dans lesquelles sont accueillies les personnes âgées ou les adultes handicapées doivent ainsi, par l'effet des articles R. 822-24 et R. 822-25 du code de la construction et de l'habitation cités ci-dessus, présenter une surface au moins égale à neuf mètres carrés, ainsi qu'un ouvrant donnant à l'air libre ou sur un volume vitré donnant à l'air libre. En l'espèce, il ressort du rapport d'enquête établi le 19 septembre 2019 que les chambres destinées à l'accueil des personnes âgées ou adultes handicapés proposées par Mme B... présentaient soit une surface inférieure à neuf mètres carrés, soit ne disposaient d'aucune fenêtre. Ainsi, en opposant à Mme B... le motif tiré de ce que son logement ne présentait pas les caractéristiques permettant l'accueil de personnes âgées ou d'adultes handicapés, le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale Martinique n'a pas commis d'erreur de droit. Par suite, ce moyen doit être écarté.
12. A supposer même que l'autre motif opposé à Mme B... pour refuser de lui délivrer l'agrément d'accueillante familiale soit illégal, il résulte de l'instruction que le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de la Martinique aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif tiré de ce que le logement de la requérante ne répondait pas aux exigences réglementaires pour l'accueil de personnes âgées ou d'adultes handicapés en termes de surface et d'ouverture.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2019, ainsi que la décision du 22 avril 2020 de rejet de son recours gracieux.
Sur l'injonction :
14. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la requérante présentées à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Martinique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme 1 500 euros à verser à la collectivité territoriale de Martinique, en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à la collectivité territoriale de Martinique une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la collectivité territoriale de Martinique.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.
La rapporteure,
Charlotte IsoardLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX02490 2