Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner le centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM) à lui verser la somme
de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral et de la méconnaissance par son employeur de son obligation d'assurer sa sécurité et, à titre subsidiaire, de désigner un expert aux fins d'établir le lien de causalité et les conséquences sur sa santé des risques auxquels elle a été exposée.
Par un jugement n° 1800757 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2021 et régularisée les 20 et
26 janvier 2021, et des mémoires enregistrés les 28 mars et 24 juillet 2022, Mme B..., représentée par le cabinet Airlington Partners Avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique
du 20 novembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable ;
3°) de condamner le CHUM à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices subis du fait d'un harcèlement moral et de la méconnaissance par le CHUM
de son obligation d'assurer sa sécurité ;
4°) à titre subsidiaire, de désigner un expert aux fins d'établir le lien de causalité et les conséquences sur sa santé des risques auxquels elle a été exposée ;
5°) de mettre à la charge du CHUM la somme de 3 500 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été victime, de façon constante et réitérée depuis sa période de stage, de harcèlement moral, qui s'est manifesté par des atteintes à sa dignité et des humiliations, une mise à l'écart, des changements de bureau répétés et même une fermeture de son bureau
en 2008, ce bureau étant insalubre et envahi de moisissures, ce qui lui a valu des réactions allergiques ; elle a dû repousser à plusieurs reprises le directeur des services techniques pour des attitudes déplacées relevant d'un harcèlement sexuel ; son employeur l'a empêchée de valider la formation qu'elle avait entreprise ; on lui a confié des tâches en-dessous de ses compétences ; en 2012, elle s'est retrouvée sans bureau et sans poste de travail ; tout
cela a dégradé son état de santé, si bien qu'elle a dû s'arrêter pour maladie à plusieurs reprises ; plusieurs mois de salaire ne lui ont pas été versés ; elle n'a jamais été en absence injustifiée, comme le montre l'annulation par le tribunal administratif de la Martinique,
le 10 janvier 2019, de titres exécutoires correspondant à des trop-perçus allégués ; on lui a confié des dossiers qu'elle n'était pas en mesure de traiter dans un court délai ; lorsqu'elle a voulu reprendre son travail en 2018, elle s'est retrouvée sans poste de travail, et son bureau était inaccessible en raison de dégradations ; elle se retrouve désormais sans positionnement et sans rattachement administratif ; de ce fait, elle se trouve dans une situation financière très difficile en l'absence de versement régulier de salaires depuis 2017, et en l'absence de possibilité de s'inscrire à Pôle Emploi ;
- le CHUM a manqué à son obligation de protéger sa santé physique et mentale, en violation de l'article L. 4121-1 du code du travail, dès lors qu'il l'a laissée pendant des années dans un environnement de management pathogène et de " cabale " à son encontre au sein des services ; en tout état de cause, le CHUM ne démontre pas qu'elle n'aurait pas été victime de harcèlement moral ;
- elle doit être indemnisée de ses préjudices, soit 50 000 euros au titre du préjudice moral subi en raison du harcèlement, 50 000 euros au titre du préjudice financier lié aux conséquences de ce harcèlement et 50 000 euros au titre de dommages et intérêts en raison du non-respect par le CHUM de son obligation de veiller à la sécurité physique et mentale de ses employés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 janvier, 23 juin et 20 octobre 2022,
le CHUM, représenté par la société Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, conclut au rejet
de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... la somme de 3 500 euros
au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Goget, substituant Me Arneton, représentant
Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a été recrutée le 1er avril 1999 par le centre hospitalier universitaire de Fort-de-France, devenu le centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM), en qualité de chef de projet sous contrat à durée déterminée, et en dernier lieu, à compter du 1er août 2007, en qualité d'ingénieur en chef hospitalier dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. En 2009, elle a déclaré avoir été victime d'un accident de service causé par une réaction allergique aux acariens présents dans son bureau. Elle a bénéficié d'un congé de formation d'un an, de novembre 2011 à octobre 2012, pour la préparation d'un master, et a repris ses fonctions en novembre 2012. Elle a ensuite été placée en congé de maladie à compter du 8 janvier 2013, puis en congé de longue maladie à compter d'avril 2013, et à
mi-temps thérapeutique du 2 janvier au 25 septembre 2014. Mme B..., à nouveau en arrêt pour maladie à compter du 23 février 2017, a été déclarée temporairement inapte
le 5 mai 2017. Elle a refusé les trois affectations qui lui ont été proposées le 29 juin 2018 dans la perspective de sa reprise du travail, au motif que les postes ne correspondaient pas à ses compétences, et n'aurait alors plus effectué aucun service selon le CHUM. Arguant de ce qu'elle aurait été, depuis son recrutement, victime de faits de harcèlement moral,
Mme B... a, le 20 août 2018, présenté à l'établissement une réclamation préalable tendant au versement de la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de ces agissements et de manquements de l'administration à son obligation d'assurer la sécurité physique et mentale de ses agents. En l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'une demande de condamnation
du CHUM à lui verser cette somme. Elle relève appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande, qu'elle réduit à 150 000 euros dans le dernier état de ses écritures.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. La réclamation préalable présentée par Mme B... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de sa demande indemnitaire. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la responsabilité du CHUM :
En ce qui concerne le harcèlement moral :
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) ".
4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Par ailleurs, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
5. Pour faire présumer de l'existence de faits de harcèlement moral à son encontre, Mme B... fait valoir qu'elle aurait été victime d'un " management pathogène " dès sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire à la suite de son admission à un concours sur titres en octobre 1999, le CHUM ayant prolongé son stage avant d'y mettre fin pour insuffisance professionnelle par des décisions annulées par un jugement du tribunal administratif du 3 juin 2004. Elle soutient avoir été victime dès cette époque d'atteintes à sa dignité, avoir dû changer deux fois de bureau et s'être vue confier une étude " titanesque " dans un délai de réalisation bien trop court. Lorsqu'elle était affectée au service technique
de 2005 à 2007, elle aurait été mise à l'écart et aurait été victime de nombreuses humiliations. Elle se plaint d'avoir ensuite dû à nouveau " déménager ", d'avoir dû faire face aux " avances insistantes " du directeur des travaux et de la qualité, et d'avoir été victime en 2008 d'un accident de service, la présence de moisissures dans son bureau ayant déclenché une réaction allergique constatée par le médecin du travail. Un autre " déménagement " lui aurait alors été imposé la reléguant dans une " pièce confinée " sans aération. Alors qu'elle avait bénéficié d'un congé de formation rémunéré d'un an jusqu'en octobre 2012 pour préparer un master, elle reproche à son employeur, par son refus de prolonger ce congé, de l'avoir empêchée de valider la partie pratique de son cursus. A son retour sur son lieu de travail en novembre 2012, elle aurait été " expulsée " de son bureau et contrainte d'occuper un simple " local technique " dépourvu de renouvellement d'air, l'accès s'effectuant " par des planches moisies ", avec du matériel informatique et des logiciels " obsolètes ", rendant impossible les recherches sur internet nécessaires à l'accomplissement de ses tâches. En outre, elle aurait dû, sans son accord, partager ce local avec un autre agent, et ne se serait vue confier que des tâches mineures. Elle se serait ainsi trouvée sans poste de travail fonctionnel et sans fonction officielle, ne figurant pas même sur l'organigramme, et le CHUM aurait opposé un refus à ses demandes de changement de matériel. Cette situation l'aurait contrainte à travailler à son domicile avec son ordinateur personnel. A sa reprise le 7 janvier 2014 après son congé de maladie, aucune tâche ne lui aurait été confiée, si bien qu'elle aurait été " inactive plusieurs mois ", avant de se voir imposer la réalisation d'une tâche à nouveau " titanesque " dans un laps de temps bien trop bref. De septembre 2014 à février 2017, son bureau aurait été " occupé par une autre personne ", et certains de ses salaires ne lui auraient plus été versés en raison d'une absence injustifiée, ce qui n'était pas le cas, selon elle, dès lors qu'un jugement du tribunal administratif du 10 janvier 2019 a annulé les titres exécutoires émis à son encontre par le CHUM pour des trop-perçus de rémunération. Enfin, Mme B... fait valoir qu'elle a été sommée par le CHUM de reprendre son poste alors qu'elle ne l'avait jamais abandonné, ayant au contraire été laissée sans poste et sans positionnement, malgré de nombreux courriels signalant ses conditions de travail dégradées, et que les humiliations constantes et la discrimination qu'elle aurait ainsi subies auraient fortement contribué à la dégradation de son état de santé.
6. En premier lieu, le jugement du 3 juin 2004 par lequel le tribunal administratif a annulé les décisions des 2 avril et 27 septembre 2001 prolongeant le stage de
Mme B..., puis y mettant fin, ne révèle, par lui-même, aucun comportement constitutif d'un harcèlement moral. Il ressort des pièces du dossier que le CHUM a exécuté ce jugement en réintégrant Mme B... en qualité de chef de projet stagiaire, puis, devant l'impossibilité de la titulariser dans un cadre d'emplois local en extinction, l'a engagée à compter du 1er août 2007 sous contrat à durée indéterminée au niveau d'ingénieur hospitalier en chef de 1ère catégorie de 1ère classe.
7. En deuxième lieu, les changements de bureau invoqués par Mme B... relèvent de l'exercice normal par l'employeur de son pouvoir d'organisation du service.
La requérante, qui ne disposait d'aucun droit à conserver ou à occuper seule un espace de travail, ne saurait reprocher à l'administration d'avoir réaffecté son bureau à d'autres agents pendant ses très nombreuses et longues absences, notamment pour maladie. Si Mme B... a pu, comme d'autres agents, être exposée à des conditions matérielles de travail non optimales, elle n'établit ni qu'elle aurait été effectivement privée de matériel informatique en état de fonctionnement, ni qu'elle aurait été " expulsée " de son bureau en novembre 2012, ni que son installation sur son lieu de travail aurait été matériellement impossible à un moment quelconque,
8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment d'un rapport du médecin du travail du 6 juillet 2009, que le bureau de Mme B... dégageait alors une forte odeur de moisi, présentait un écoulement d'eau en provenance du climatiseur et ne disposait d'aucun renouvellement d'air, ce qui a probablement valu à l'intéressée, selon le courrier
du 8 juin 2009 par lequel le même médecin l'a adressée à un allergologue, un état de " manifestations allergiques à type d'urticaire et de rhinite sur son lieu de travail et à la maison ". Toutefois, il résulte également d'un courrier de ce médecin du 16 mars 2010 adressé au directeur du CHUM que trois bureaux occupés par trois services différents, situés à l'étage de l'amphithéâtre Aliker, étaient exposés à des problèmes identiques de qualité de l'air. Ainsi, la dégradation des conditions de travail évoquée par Mme B... était générale au sein de cet étage, et concernait l'ensemble des agents travaillant dans les trois bureaux en cause. La requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce qu'elle a dû changer de bureau à cette occasion, alors que ce changement résultait de la nécessité de préserver sa santé.
9. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que le CHUM a donné son accord à la formation entreprise par Mme B..., un master spécialisé en " ingénierie de projets internationaux et ressources humaines " organisé par le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ainsi qu'à son financement à hauteur de 16 000 euros comme l'indique l'attestation du CNAM de suivi de formation théorique en date du 3 septembre 2013, et que l'intéressée a bénéficié d'une autorisation d'absence à ce titre du 7 novembre 2011
au 20 octobre 2012. Une autre attestation du CNAM du 21 octobre 2012 fait apparaître
que plus de la moitié du temps de formation était consacrée à des stages, pour un total
de 904 heures réparties sur sept périodes entre le 12 avril et le 20 octobre 2012, et que
Mme B..., demeurée constamment en " recherche de stage ", n'a pas même commencé cette partie essentielle de sa formation. Qu'elle ait ou non validé partiellement son master, elle n'avait aucun droit à une prolongation de son congé de formation d'un an. Par suite, et quand bien même Mme B... aurait très tardivement trouvé un stage, ce qui n'est d'ailleurs pas démontré, la mise en demeure de reprendre ses fonctions dont elle a fait l'objet correspond à un exercice normal du pouvoir hiérarchique, et elle ne saurait reprocher au CHUM de l'avoir " contrainte " à rentrer à la Martinique à la fin de son congé.
10. En cinquième lieu, si la requérante soutient que des " tâches mineures ", inférieures à son niveau de compétence, lui auraient été confiées, elle ne précise pas la nature de ces tâches, alors en revanche qu'elle fait grief à son employeur de lui avoir, à deux reprises, confié des études qu'elle n'aurait pas été en mesure de réaliser au regard de leur caractère " titanesque ". Contrairement à ce qu'elle affirme, l'étude relative aux modalités de gestion administrative, de facturation et de recouvrement de la prise en charge des patients étrangers qui lui a été confiée à compter du 22 septembre 2004 pouvait être réalisée dans le délai imparti de trois mois. En mars 2014, la directrice du service qualité dans lequel elle était affectée l'a chargée de préparer les dossiers d'autorisation des laboratoires, ce qui n'apparaît pas davantage irréalisable au regard de la description de la mission par le courriel adressé par cette directrice aux différents services le 11 mars 2014, leur demandant de réserver
à Mme B... le meilleur accueil pour l'aider à constituer ce dossier. Il résulte cependant de l'instruction que Mme B... n'a rendu aucun travail relatif à cette dernière mission.
11. En sixième lieu, alors que Mme B... se plaint d'avoir été " mise au placard " et laissée sans missions et sans positionnement, et de ce qu'" aucune solution " n'aurait été recherchée par le CHUM à son retour en juin 2018 après une période d'inaptitude temporaire, il résulte de l'instruction qu'en juin et juillet 2018, il lui a été proposés un poste d'analyste des données d'activité hospitalière au département d'information médicale, un poste de technicien d'études cliniques au centre de recherche de référence des maladies rares, et un poste au contrôle interne de la direction des systèmes informatiques, tous en adéquation avec les compétences d'un ingénieur hospitalier. Mme B... a opposé un refus à ces trois propositions le 2 août 2018, qu'elle a réitéré le 18 juillet 2019, en prétextant que les postes étaient trop techniques, et que leur rattachement hiérarchique était " inférieur à son niveau de compétence ". Dans ces circonstances, la " mise au placard " alléguée n'est pas établie.
12. En dernier lieu, par un courrier du 27 février 2017, le directeur général du CHUM a mis Mme B... en demeure de reprendre son service dans un délai de huit jours au motif que le cadre en charge de la direction à laquelle elle était rattachée l'avait informé de son absence depuis le 2 janvier 2015, et lui a annoncé qu'un titre de recettes serait émis pour le recouvrement des salaires indûment perçus du 2 janvier 2015 au 31 janvier 2017. Par un courrier du 25 mars 2019, le directeur général a constaté que Mme B..., après avoir refusé les trois postes proposés et pris ses congés annuels, était depuis
le 25 septembre 2018 en absence injustifiée, et lui a demandé soit de réintégrer son poste, soit de produire un justificatif de son absence. Si un jugement du tribunal administratif de la Martinique du 10 janvier 2019 a annulé les titres exécutoires émis le 21 avril 2017 pour le recouvrement de trop-perçus de rémunération entre le 6 février 2015 et le 31 janvier 2017, au motif que le CHUM n'établissait pas leur bien-fondé, Mme B... n'établit ni n'allègue avoir justifié de son absence durant la période en cause de près de deux ans. Sa seconde absence depuis le 25 septembre 2018 ne peut qu'être regardée comme injustifiée dès lors que l'administration l'a mise en mesure de reprendre le travail en lui proposant trois postes qu'elle a refusés, ce qui a finalement conduit à son licenciement pour abandon de poste
le 18 juillet 2022. Ainsi, Mme B... n'est pas fondée à contester l'existence d'absences injustifiées pour prétendre qu'elle aurait été irrégulièrement privée de salaire.
13. Dans ces conditions, si les nombreux certificats médicaux produits au dossier évoquent l'expression d'un ressenti de souffrance au travail par l'intéressée, il résulte de ce qui précède que les éléments soumis au juge par Mme B..., dont le comportement professionnel n'est pas exempt de critiques, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de
l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, l'administration n'a pas commis à ce titre de faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de Mme B....
En ce qui concerne la méconnaissance par l'employeur de son obligation relative à la sécurité des agents :
14. Aux termes de l'article 23 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ". Aux termes de l'article L. 4121-2 dudit code : " L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; / 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; / 3° Combattre les risques à la source ; / 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; / 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; / 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; / 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1
et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;
/ 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; / 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ".
En application de ces dispositions, le CHUM a l'obligation générale d'assurer la sécurité et la protection de la santé des agents placés sous son autorité.
15. D'une part, Mme B... n'établit ni n'allègue avoir sollicité en vain, alors qu'elle était affectée au service technique de 2005 à 2007, une protection face aux " avances insistantes " du directeur des travaux et de la qualité, mais laisse entendre au contraire que le comportement déplacé de ce supérieur hiérarchique aurait spontanément cessé après une intervention de son conjoint et l'affichage dans son bureau d'un article de presse " définissant le profil psychologique du harceleur pervers ". D'autre part, il résulte de ce qui a été dit
ci-dessus que l'administration n'a pas failli en matière de prévention des risques liés au harcèlement moral et à l'insalubrité des locaux. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le CHUM aurait méconnu les dispositions de l'article L. 4121 du code du travail en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires à la protection de sa santé mentale et physique.
16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CHUM sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier universitaire de Martinique.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Anne Meyer, présidente,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2023.
La rapporteure,
Florence Rey-Gabriac
La présidente,
Anne Meyer
Le greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX00243 2